Ilan Gabet (avatar)

Ilan Gabet

Étudiant en troisième année de licence de droit.

Abonné·e de Mediapart

4 Billets

0 Édition

Billet de blog 5 novembre 2025

Ilan Gabet (avatar)

Ilan Gabet

Étudiant en troisième année de licence de droit.

Abonné·e de Mediapart

Peut-on appliquer l’article 707-5 du Code de procédure pénale à Nicolas Sarkozy ?

La présente étude a pour objet d’examiner la portée de l’article 707-5 du Code de procédure pénale, dans le but de déterminer si le champ d’application de cette disposition légale peut être étendu à la situation d’une personne condamnée en première instance à une peine d’emprisonnement ferme, assortie d’un mandat de dépôt, et ayant interjeté appel.

Ilan Gabet (avatar)

Ilan Gabet

Étudiant en troisième année de licence de droit.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans une précédente analyse, j’avais proposé un examen des conditions dans lesquelles un prévenu ayant interjeté appel d’une condamnation en première instance à une peine de prison assortie d’un mandat de dépôt différé avec exécution provisoire peut bénéficier d’un aménagement de peine ou d’une mise en liberté.

L’échange avec un avocat m’a permis de prendre conscience qu’il serait judicieux d’expliquer pour quelle raison je n’ai pas pris soin d’écarter l’application de l’article 707-5 du Code de procédure pénale, lequel prévoit que :

En cas de délivrance d’un mandat de dépôt ou d’arrêt, les peines privatives de liberté peuvent être immédiatement aménagées, dans les conditions prévues au présent code, sans attendre que la condamnation soit exécutoire en application de l’article 707, sous réserve du droit d’appel suspensif du ministère public prévu à l’article 712-14.

Il pourrait, hypothétiquement, permettre à une personne condamnée en première instance à une peine d’emprisonnement ferme avec mandat de dépôt de bénéficier des dispositions de l’article 729 du Code de procédure pénale, qui encadre la libération conditionnelle et permet à une personne âgée de 70 ans ou plus de prétendre à cette mesure, indépendamment de la durée de peine déjà exécutée, sous réserve qu’elle justifie de son insertion ou de sa réinsertion dans la société. Il convient de rappeler que Nicolas Sarkozy a, à ce jour, exactement 70 ans.

Afin de compléter l’analyse proposée dans l’article Dans quelle mesure Nicolas Sarkozy peut-il bénéficier d’un aménagement de peine ?”, voici une étude approfondie de ces dispositions.


Les dispositions de l'article 707-5 du Code de procédure pénale datent du 26 novembre 2009 et figuraient, avant le 1er octobre 2014, au quatrième alinéa de l'article 707 du Code de procédure pénale.

Il apparaît, à la lecture de l’article 707-5 du Code de procédure pénale, une certaine incohérence : le texte prévoit un aménagement possible “en cas de délivrance d’un mandat d’arrêt”. Or, un mandat d’arrêt concerne en principe une personne en fuite, ce qui rend peu cohérente la possibilité d’aménager sa peine. Il s’agit en réalité de la reprise mot pour mot du dernier alinéa de l’ancien article 707 du Code de procédure pénale.

Ces dispositions ne semblent pas témoigner d’une grande rigueur juridique dans la rédaction.


L’analyse de la jurisprudence de ces deux articles ne nous permet pas d’obtenir quelque information que ce soit sur l'étendue du champ d’application de ces dispositions.

L’analyse d’articles récents rédigés par des professionnels du droit ne nous permet pas vraiment d’obtenir de plus amples précisions. Deux juristes se sont récemment exprimés à ce sujet :

Cependant, l’analyse d’une circulaire1 publiée lors de l’introduction initiale de ces dispositions à l’article 707 du Code de procédure pénale permet de dégager une grille de lecture de ces dispositions :

“Il est ajouté à ce même article un alinéa précisant qu’en cas de délivrance d’un mandat de dépôt ou d’arrêt un aménagement est possible, non plus simplement par la juridiction qui prononce la condamnation comme c’est actuellement le cas, mais aussi par le juge de l’application des peines, avant même que la condamnation n’ait acquis un caractère exécutoire. En pratique, cela permettra donc à ce juge de prendre une telle décision dès les premiers jours suivant la condamnation, sans attendre l’expiration du délai de dix jours. L’hypothèse visée est celle d’un élément nouveau, ignoré de la juridiction de jugement ou non attesté devant cette dernière (par exemple, l’existence d’un contrat de travail).”

Il ressort ainsi de ces précisions que ces dispositions n’ont pas vocation à s’appliquer au cas de Nicolas Sarkozy, ni plus généralement à celui d’un condamné ayant interjeté appel, mais qu’elles visent avant tout à assurer une application équilibrée de la peine, conforme aux objectifs de réinsertion inhérents à la justice pénale.

Il convient toutefois d’être nuancé dans ma réponse puisque même un rapport2 datant de décembre 2015 de la commission sur la refonte du droit des peines, présidée par Bruno Cotte, président honoraire de la chambre criminelle de la Cour de cassation et ancien président de chambre à la Cour pénale internationale, précise à la page 83 que l’article 707-5 du Code de procédure pénale “ne s’avère pas d’application aisée et soulève lui aussi des difficultés”.


1. Circulaire de la DACG du 1er décembre 2009 relative à la première présentation des dispositions de la loi pénitentiaire n°2009-1436 du 24 novembre 2009 modifiant le Code pénal et le Code de procédure pénale.

2. Rapport à madame la garde des Sceaux, ministre de la Justice, Pour une refonte du droit des peines, décembre 2015.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.