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Billet de blog 28 septembre 2025

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Dans quelle mesure Nicolas Sarkozy peut-il bénéficier d’un aménagement de peine ?

La présente étude a pour objet d’analyser les conditions dans lesquelles un prévenu ayant fait appel d’une condamnation en première instance à une peine de prison assortie d’un mandat de dépôt différé avec exécution provisoire peut bénéficier d’un aménagement de peine ou d’une mise en liberté.

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Illustration 1
© Moritz Hager / World Economic Forum

Reconnu coupable en première instance du délit de participation à un groupement ou à une entente en vue de la préparation d’actes de corruption active ou passive d’un agent public par le tribunal correctionnel de Paris, le 6ᵉ président de la Ve République a été condamné à une peine de cinq ans d’emprisonnement. Le tribunal a estimé que « l’exceptionnelle gravité des faits et le quantum prononcé » justifiaient le prononcé d’un mandat de dépôt, qu’il a ordonné à exécution différée. Il a également jugé indispensable, « pour garantir l’effectivité de la peine au regard de l’importance du trouble à l’ordre public causé par l’infraction », d’assortir ce mandat de dépôt de l’exécution provisoire.

Il convient en préambule de rappeler que le jugement rendu le 25 septembre 2025 par la 32ᵉ chambre du tribunal correctionnel de Paris, qui a condamné Nicolas Sarkozy, n’est pas définitif puisqu’il en a relevé appel, et que, par conséquent, il demeure présumé innocent.


Un aménagement ab initio impossible

Lorsque la peine prononcée n’excède pas deux années d’emprisonnement (une année depuis la réforme), le tribunal peut décider de l’aménager ab initio, notamment sous forme de détention à domicile1. En revanche, si la juridiction prononce une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à deux années, elle ne peut procéder à un tel aménagement. Il était dès lors impossible pour le tribunal de prévoir un aménagement de la peine de cinq années d’emprisonnement infligée à Nicolas Sarkozy.

S’agissant des modalités d’exécution lorsqu’une peine d’au moins un an d’emprisonnement sans sursis est prononcée, le tribunal peut, par décision spéciale et motivée et si les éléments de l’affaire le justifient, décerner un mandat de dépôt ou d’arrêt2. Cette mesure entraîne, en principe, l’incarcération immédiate du condamné.

Il existe cependant une exception : un mandat de dépôt peut toutefois être décerné à effet différé3, ce qui implique que le condamné ne se rend pas immédiatement en prison à l’issue de l’audience mais est convoqué par le procureur de la République dans un délai maximal d’un mois4 afin de lui notifier la date et l’horaire de son incarcération, cette dernière ne pouvant excéder quatre mois.5

Le tribunal peut assortir le prononcé de ce mandat de dépôt à effet différé de l’exécution provisoire notamment si la peine prononcée est supérieure à une année.6 ce qui signifie que le mandat de dépôt reste exécutoire en cas d’appel de la condamnation.

S’agissant du cas d’espèce, le tribunal a prononcé une peine de cinq années d’emprisonnement, accompagnée d’un mandat de dépôt à effet différé et assortie de l’exécution provisoire. En pratique, Nicolas Sarkozy sera convoqué par le procureur de la République dans un délai ne pouvant excéder un mois, soit le 13 octobre 2025, et son incarcération devra intervenir dans un délai ne pouvant excéder quatre mois.


Un aménagement de peine soumis au caractère définitif de la condamnation.

De nombreux commentateurs ont relevé les dispositions de l’article 729 du Code de procédure pénale, qui encadre la libération conditionnelle. Cet article affirme un principe :

« La libération conditionnelle tend à la réinsertion des condamnés et à la prévention de la récidive. »

Il pose ensuite plusieurs conditions, notamment une durée minimale de peine à avoir été effectuée par le condamné pour pouvoir en bénéficier. À ce principe, une exception est prévue pour les condamnés âgés de plus de 70 ans : ceux-ci peuvent prétendre à la libération conditionnelle indépendamment de la durée de peine déjà exécutée, sous réserve qu’ils justifient de leur insertion ou réinsertion dans la société. Toutefois, cette possibilité est exclue en cas de risque grave de renouvellement de l’infraction ou si la libération est susceptible de causer un trouble sérieux à l’ordre public.

Il convient de préciser que Nicolas Sarkozy a, à ce jour, exactement 70 ans.

En principe, Nicolas Sarkozy pourrait donc, au regard de ces conditions ci-dessus développée, prétendre dès son incarcération à la libération conditionnelle et donc en formuler la demande.

Cependant, pour que cet article soit applicable, il faut que la personne puisse être considérée comme un « condamné » au sens du Code de procédure pénale. Or celui-ci pose une définition stricte de ce mot, ne « sont désignés par le mot condamnés, uniquement les condamnés ayant fait l’objet d’une décision ayant acquis le caractère définitif. »7

Nicolas Sarkozy ayant fait appel de sa condamnation il n’est, au sens du Code de procédure pénale, pas considéré comme un « condamné » mais seulement comme un « prévenu ». La notion de prévenu recouvre un champ plus large de situations :

« Sont indistinctement désignés par le mot prévenus, tous les détenus qui sont sous le coup de poursuites pénales et n’ont pas fait l’objet d’une condamnation définitive au sens précisé ci-dessus, c’est-à-dire aussi bien les personnes mises en examen, les prévenus, et les accusés, que les condamnés ayant formé opposition, appel ou pourvoi. »

Il n’est donc pas concerné par les dispositions de l’article 729 du Code de procédure pénale mais pas le régime de la détention provisoire.8 9


Une libération possible avant l’arrêt d’appel.

Nicolas Sarkozy pourra former une demande de mise en liberté conformément aux règles entourant le régime de la détention provisoire. Il peut soumettre une demande à tout moment auprès du président de la Cour d’appel10 il appartiendrait à ce magistrat de revenir sur la décision du tribunal correctionnel.11

L’intéressé sera ensuite rejugé dans des délais relativement courts. En effet, le Code de procédure pénale prévoit que12, lorsque le prévenu est immédiatement placé en détention, il doit comparaître dans un délai de quatre mois à compter de l’appel. Lorsque la détention provisoire intervient ultérieurement, en application de la décision de première instance – notamment dans le cadre d’un mandat de dépôt à effet différé assorti de l’exécution provisoire – le délai court à compter de la date effective de l’incarcération.

Ce délai est porté à six mois pour certains délits. Tel n’est pas le cas du délit de participation à un groupement ou à une entente en vue de la préparation d’actes de corruption active ou passive d’un agent public. En revanche, cette extension de délai est applicable lorsque l’un des faits constitutifs de l’infraction a été commis hors du territoire national. Or, en l’espèce, les faits reprochés ont été commis à Paris mais également, de manière indivisible, aux Bahamas, au Panama, en Suisse, en Libye et au Liban.

Dès lors, Nicolas Sarkozy devrait être jugé en appel dans un délai de six mois. À défaut, le président de la chambre peut, à titre exceptionnel, par décision motivée en fait et en droit, ordonner la prolongation de la détention pour une nouvelle période de six mois, renouvelable une fois.

Ainsi, la durée maximale de la détention provisoire avant le procès en appel ne saurait excéder un an et demi.


Dans le cadre d'une condamnation en première instance à une peine de prison assortie d'un mandat de dépôt différé avec exécution provisoire, un prévenu ayant interjeté appel ne peut bénéficier d'un aménagement de peine tel que la libération conditionnelles. En effet, l'exécution provisoire rend la peine immédiatement exécutoire, neutralisant ainsi l'effet suspensif normalement conféré par l'appel. Toutefois, la condamnation n’étant pas définitive le prévenu ne saurait être considéré comme un “condamné” et donc, les dispositions de l'article 729 ne peuvent s'appliquer.

Le prévenu peut toutefois solliciter une mise en liberté en application des règles relatives à la détention provisoire, cette demande demeure soumise à l'appréciation du juge.


1 Article 132-25 du Code de procédure pénale dans sa version applicable aux faits.

2 Article 465 du Code de procédure pénale.

3 Article 464-2 III du Code de procédure pénale.

4 Article D45-2-3 du Code de procédure pénale.

5 Article D45-2-4 du Code de procédure pénale.

6 Articles 464-2 IV et D45-2-1-1 du Code de procédure pénale.

7 Article D50 du Code de procédure pénale.

8 V. en ce sens l’analyse de Marthe Bouchet, Professeure de droit pénal à l’Université Sorbonne Paris Nord dans « le club des juristes ».

9 V. en ce sens le commentaire de la Décision n° 2023-1047 QPC du 4 mai 2023.

10 Article 148-1 du Code de procédure pénale.

11 V. en ce sens, l’analyse de Me Julien Roelens, avocat pénaliste, dans « Le Figaro ».

12 Article 509-1 du Code de procédure pénale.

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