Bon, comme je l’ai promis à une abonnée sur un fil de commentaires et pour ne pas l’encombrer, j’explicite ici ce que je reproche à Médiapart concernant son (non) traitement du projet du Rojava.
Je sais, c'est pas bien de cracher dans la soupe (utiliser le support que l'on critique pour le critiquer, bon ben merci quand même hein).
Tout la ligne éditoriale concernant le conflit syrien fut affectée par un parti pris de Médiapart. Non il ne s'agit pas "d'atlantisme", de "pro ou anti Poutine", du soutien ou non à un tortionnaire ou que sais-je. Jamais le rôle délétère de la Turquie ne fut exposé. Les experts régulièrement convoqués (L'ineffable visionnaire Burgat, les duettistes Caillet/Puchot, l'inévitable Filiu... ), sont tous des ennemis mortels du PYD, et plus globalement des progressistes du Rojava.
Ils ont d'abord bien tenté de les décrédibiliser, après la passagère médiatisation "mainstream" des combattantes héroïques et photogéniques popularisées suite aux évènements de Kobane (le tournant de la guerre contre daesch, leur Stalingrad), et suite au sauvetage in extremis de dizaines de milliers de yézidis, pendant que la Turquie soutenait Daesch et infiltrait des djihadistes derrière leurs lignes.
A propos de cette période, il faut lire ceci :
Médiapart, de son côté, mises à part quelques tentatives de dénigrement de Puchot, n'a pas daigné faire écho à ces évènements extraordinaires, et, en tant qu'abonné de fraîche date à un journal progressiste en ligne, je ne l'ai pas très bien compris à l'époque et j'ai mis ça sur le compte d'un snobisme qui consiste à ne pas s'aligner sur la presse "mainstream", même si elle dit qu'il pleut lorsqu'il pleut.
J'ai commencé à comprendre lorsque je me suis fait aimablement qualifié par des sympathiques commentateurs "confirmés" de "raciste anti-turc" et d'islamophobe. Pile poil lorsque j'ai commencé à interroger sur le régime d'Erdogan. Ainsi, il y avait donc plusieurs sortes de "progressistes", et on pouvait se dire progressiste antiraciste de gauche et émarger au fan club d'un proto dictateur islamiste, nationaliste et mafieux. Et champion des Frères Mus. Bienvenue sur Médiapart !
Il s'avère qu'ils se sont complètement plantés, tous ces éminents « experts » : le Rojava fut bien le principal acteur de la défaite de Daesch, et ils respectent les conventions internationales (ce sont les seuls), respectent la volonté des populations des zones libérées en organisant des élections, bref, le PYD tient ses promesses, malgré les conditions extrêmement difficiles de conflit et l’embargo.
Cela a abouti sur Médiapart à un traitement plus que curieux du conflit syrien avec la constitution d’un énorme point aveugle :
Puisque Médiapart ne pouvait plus tenter de décrédibiliser les kurdes syriens sans être démenti par les faits, ils ont tout fait pour ne plus en parler, comme on supprimait les indésirables sur les photos autour de Staline, tout en relayant avec un zèle touchant la propagande turque.
Une sorte d'exercice de style périlleux, un peu comme "La Disparition", mais en moins bien.
Cela a donné lieu à des analyses très curieuses : On s'indignait à juste titre des innombrables massacres, mais le conflit syrien fut traité sans évoquer les rôles de protagonistes essentiels : les YPG et FDS d’une part, les seuls à respecter les conventions internationales, et la Turquie d’autre part qui leur tirait dans le dos avec application, bombardait aussi tranquillement à l’occasion (« Daesch Air Force » comme les nommait les YPG) et tentait de se rapprocher de Poutine (accord qui a permis la prise rapide d’Alep est) ce qui faisait un peu désordre au sein de l’OTAN. Aujourd'hui, on sait qu'on ne peut pas sérieusement tenter d'expliquer les recompositions d'alliances en les évitant.
Et donc pas un UN SEUL mot sur leur projet communaliste, féministe, écologiste du Rojava. Etonnant non ?
Un peu comme si, en 1871, Médiapart avait délibérément ignoré la Commune de Paris et relayé toutes les dépêches de Foutriquet... L’Histoire finit par juger. Espérons en ce qui concerne l'issue qu'elle ne repasse pas les plats.
J'allais oublier une période en 2016 avec des billets mis bizarrement et régulièrement en une du club à la gloire d'Erdogan toutes les semaines (un certain "Guillaume Postel" si je me rappelle, qui nous expliquaient tranquillement combien Erdogan était cool, et que ceux qui le critiquaient étaient racistes et islamophobes). Il me semble que c’était au moment où après un énième curieux attentat prétexte qu'était lancée l’opération « Bouclier de l’Euphrate », qui n’avait d’autre objectif que de casser du kurde puisque daesch, malgré leur soutien qui faisait pour le moins désordre, avait échoué à le faire.
Chacun peut apprécier aujourd’hui la pertinence de ce choix éditorial.
D'ailleurs à propos de cette opération "Bouclier de l'Euphrate", la seule fois où ils ont combattu réellement Daesh (sans faire semblant et organiser leur retraite pour prendre à revers les lignes kurdes) pour prendre de vitesse les YPG et FDS, à Al Bab, faillit finir en déroute pour l'armée turque et ses djihadistes embedded, à tel point qu'ils ont eu besoin de l'appui aérien des russes et des us pour se dégager malgré leur aviation qui ne savait visiblement pas comment s'y prendre contre daesh, après avoir tué des centaines de civils au passage par des bombardements.
Il faut dire qu'on ne remplace pas tous les officiers supérieurs compétents d'une armée sur un coup de tête par des brutes islamistes et nationalistes sans que ça ne vous retombe dessus.
Et puis ces articles de 2015 en Une de soi-disants experts qui vous expliquaient doctement que les djihadistes étrangers (dont les nôtres, cocorico, au moment où ils se pavanaient sur les réseaux sociaux avec des têtes de "kouffar" dans une main et l'index de l'autre main pointé vers le ciel qui n'en demandait pas tant), étaient les nouveaux volontaires des Brigades Internationales, carrément... Ces derniers ont dû en faire des saltos arrière dans leurs fosses communes, mais n'ont pas eu droit à des excuses des pseudo intellectuels de salon climatisé.
Je n'ai pas (encore) retrouvé les liens correspondants, si quelqu'un a ça sous la main je suis preneur.
Et un jour je suis tombé là-dessus.
Elle était là, la cohérence de la ligne éditoriale.
Encore ces jours derniers, des billets mis en une tentent d’enfoncer le clou, toujours dans le même sens.
Alors qu'elle n'a eu droit à aucun soutien.
Des contributeurs pointus sur le sujet avaient pourtant des choses à dire :
https://blogs.mediapart.fr/maxime-azadi
https://blogs.mediapart.fr/laterreur
Mais ils sont, pour l'essentiel, restés enfouis dans les tréfonds du club, comme d’autre peut-être que je n’ai pas eu l’occasion de pouvoir lire. Si bien qu'ils ont, je le crains, fini par abandonner leurs contributions ici.
A ce jour aucun journaliste progressiste de Médiapart n'a trouvé une heure ou deux pour rencontrer Khaled Issa, qui a le bon goût d'être à Paris, à portée de vélib, avec zéro risque de se prendre une bombe turque sur la tronche (En l'occurence c'est plutôt Khaled Issa qui devrait se préoccuper de sa sécurité au vu de la complaisance dont semblent bénéficier les services secrets turc sur notre territoire).
Médiapart ne me remerciez pas, je viens de vous donner une idée de reportage de proximité, sans risque (gaffe en vélib quand même), peu coûteux et passionnant, au sujet d'une expérience inédite et pleine d'espoir pour le Moyen Orient, du moins si on ne les trahit pas, et s'il n'est pas trop tard.
PS : pour être honnête en cherchant bien j'ai fini par trouver un article non malhonnête qui évoque les FDS (mais toujours pas de Rojava).