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Billet de blog 15 août 2017

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Interview menteuse d'Ilya Prigogine

Autant le dire tout de suite, il n'est pas simple d'obtenir un rendez-vous avec Ilya Prigogine. Le Nobel de chimie a bien voulu répondre à mes questions et a eu la patience de supporter mon amateurisme en science et en journalisme et ma créativité parfois mal placée... c'est-à-dire chaotique ?

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Irma Afnani : Ilya Prigogine, je vous remercie d'avoir bien voulu accepter le principe de cette entrevue d'un genre particulier. J'informe nos lecteurs qu'il s'agit donc d'une rencontre anachronique et que je construis vos réponses à partir de vos livres et de vos précédentes interviews... et que j'invente un peu. En guise de présentation rapide, je dirais que vous êtes né à Moscou en 1917 et mort à Bruxelles en 2003. Vous êtes physicien et chimiste et avez obtenu en 1977 le prix Nobel de chimie pour vos travaux sur les structures dissipatives, les systèmes en non-équilibre. On vous connaît ainsi pour vos contributions importantes à la théorie du chaos.

Ilya Prigogine : C'est exact. Je tiens à préciser qu'avec une telle méthode d'interview, il ne faudra pas s'étonner si, ici et là, mon propos semble un peu décousu. Il faudra bien que je vous fasse confiance...


Illustration 1
interview-menteuse de Prigogine par I. Afnani

I. A. : Pouvez-vous nous parler de votre vision du monde, de comment vos recherches colorent votre regard sur le monde et sur la société ?

I. P. : Ma vision du monde comme évolutive et bifurquante requiert une nouvelle rationalité. Nous sommes encore très influencés par des mythes : le mythe de l'omniscience, le mythe d'une nature soumise. Au contraire, en ouvrant les yeux, nous nous retrouvons devant une nature bien différente qui provoque notre étonnement. Au XIXe siècle, les hommes pensaient qu'il ne fallait plus s'étonner et que le déterminisme universel allait tout expliquer, si ce n'est dans l'immédiat, en tout cas au bout d'un certain temps. Aujourd'hui par contre nous vivons dans une civilisation qui nous invite à nous étonner, une civilisation très différente dans laquelle la science n'est plus une activité élitiste mais une activité qui est importante pour chaque citoyen.

Au cours des dernières décennies, une nouvelle science est née, la physique des processus de non-équilibre. Cette science a conduit à des concepts nouveaux tels que l'auto-organisation et les structures dissipatives qui sont aujourd'hui largement utilisés dans des domaines qui vont de la cosmologie jusqu'à l'écologie et aux sciences sociales, en passant par la chimie et la biologie. La physique de non-équilibre étudie les processus dissipatifs, caractérisés par un temps unidirectionnel, et ce faisant elle confère une nouvelle signification à l'irréversibilité.

I. A. : Pour être sûre de bien comprendre, en physique classique, on dit que les équations fondamentales de Newton sont réversibles parce qu'on se fiche bien de savoir dans quel sens le temps "passe" ?

I. P. : Oui. La physique newtonienne est réversible dans le temps et dit que, une fois les conditions initiales données, il n'y a qu'un seul et unique développement possible.

I. A. : Pourtant il y a bien des évènements tout à fait irréversibles ? (à ce moment, je fais tomber maladroitement mon verre d'eau qui se brise au sol.)

Illustration 2
Ilya Prigogine

I. P. : L'irréversibilité ne peut plus être attribuée à une simple apparence qui disparaîtrait si nous accédions à une connaissance parfaite. Elle est une condition essentielle de comportements cohérents de milliards de milliards de molécules. Selon une formule que j'aime à répéter, la matière est aveugle à l'équilibre là où la flèche du temps ne se manifeste pas ; mais lorsque celle-ci se manifeste, loin de l'équilibre, la matière commence à voir ! Sans la cohérence des procesus irréversibles de non-équilibre, l'apparaition de la vie sur la Terre serait inconcevable. La thèse selon laquelle la flèche du temps est seulement phénoménologique est absurde. ce n'est pas nous qui engendrons la flèche du temps. Bien au contraire, nous sommes ses enfants.

Prigogine est distrait un instant par un visiteur. Je me dis que j'ai un peu de mal à suivre : j'aurais peut-être dû être plus attentive en cours de sciences.

I. P. : La nature nous présente des processus irréversibles et des processus réversibles, mais les premiers sont la règle et les secondes l'exception. Les processus macroscopiques, tels que réactions chimiques et phénomènes de transport, sont irréversibles. Le rayonnement solaire est le résultat de processus nucléaires irréversibles. Aucune description de l'écosphère ne serait possible sans les processus irréversibles innombrables qui s'y déroulent. Les processus réversibles, en revanche, correspondent toujours à des idéalisations : nous devons négliger la friction pour attribuer au pendule un comportement réversible, et cela ne vaut que comme une approximation. 

Un grand expert qui m'avait écouté parler fit le commentaire suivant : "je suis étonné que ce jeune homme soit tellement intéressé par la physique de non équilibre. Les processus irréversibles sont transitoires. Pourquoi alors ne pas attendre et étudier l'équilibre comme tout le monde ?" J'ai été tellement étonné que je n'ai pas eu la présence d'esprit de lui répondre : "Mais nous aussi nous sommes des êtres transitoires. N'est-il pas naturel de s'intéresser à notre condition humaine commune ?"

I. A. : Vous ne pensez pas que le monde est soumis à des enchaînements de causes à effets, qu'il est déterminé par des lois physiques comme celles que l'on apprend au lycée ? Mais ma question est un peu bête...

 I. P. : J'ai essayé pendant ma vie de bâtir une science du devenir. Et une science du devenir est une science en devenir, encore imparfaite. L'Histoire est aussi une histoire du devenir, celle du devenir des sociétés humaines et les bifurcations de l'Histoire sont les grands évènements.

I. A. : Vous parlez souvent de bifurcations. Est-ce que cela vaut aussi pour les évènements de l'Histoire d'un individu, pour les trajectoires individuelles ?

I. P. : Dans la logique classique, l'univers était seul et unique, et le seul choix possible par les lois de la physique. Maintenant nous voyons qu'il n'est pas le seul possible. Et le choix de la branche qui sort est un choix qui dépend de microstructures, de fluctuations, et donc régi par les lois de probabilité. Ces lois de probabilité montrent que le déterminisme ne peut pas être complet. Il faut qu'il y ait un élément probabiliste. Et donc à partir de ces résultats, j'ai reçu le prix Nobel, j'ai été devant un choix : ou bien continuer l'étude thermodynamique qui m'avait si bien réussie ou bien essayer d'englober les résultats thermodynamiques dans les structures microscopiques.

I. A. : Aussi bien pour les lois de la physique que pour ce que vous décidez de faire après le Nobel, vous parlez de choix.

Illustration 3
Ilya Prigogine

I. P. : La description probabiliste est plus riche que la description individuelle, qui pourtant a toujours été considérée comme la description fondamentale. C'est la raison pour laquelle nous obtiendrons au niveau des distributions de probabilités une description dynamique nouvelle permettant de prédire l'évolution de l'ensemble.

Les "lois du chaos" associées à une description régulière et prédictive des systèmes chaotiques se situent au niveau statistique. C'est ce que nous entendons par "généralisation de la dynamique". Il s'agit d'une formulation de la dynamique au niveau statistique qui n'a pas d'équivalent en termes de trajectoires. Pour en revenir à votre question sur l'histoire et la trajectoire d'un individu, j'ai appris qu'un psychanalyste argentin avait mobilisé mon travail pour en tirer des conséquences dans sa discipline, mais je dois dire que je n'ai pas lu ses Essais de psychanalyse chaotique (chez l'Harmattan, 2005), car je suis mort en 2003.

On pourrait se demander pourquoi il a fallu tellement de temps pour arriver à une formulation des lois de la nature qui inclue l'irréversibilité et les probabilités. L'une des raisons en est certainement d'ordre idéologique : c'est le désir d'accéder à un point de vue quasi divin sur la nature. Que devient le démon de Laplace dans le monde que décrivent les lois du chaos ?

I. A. : Le démon de Laplace est cette hypothèse que faisait le mathématicien Laplace : si un esprit pouvait connaître l'état précis de la totalité de l'univers, alors cet esprit connaîtrait tout le passé, le présent et l'avenir avec la plus grande certitude.

I. P. : Le chaos déterministe nous apprend que le démon de Laplace ne pourrait prédire le futur que s'il connaissait l'état du monde avec une précision infinie.

I. A. : Ca me fait penser aux élections présidentielles : les sondages s'ils avaient une précision infinie et s'ils pouvaient nous instruire sur les changements d'opinions des électeurs auraient sans faute prédit le résultat de l'élection de Donald Trump par exemple. Si tout est soumis à des déterminations physiques, sociales ou psychologiques, alors à quoi bon voter, à quoi bon manifester ?

I. P. : Comment concevoir la créativité humaine, comment penser l'éthique dans un monde déterministe ? La démocratie et les sciences modernes sont toutes deux les héritières de la même histoire, mais cette histoire mènerait à une contradiction si les sciences faisaient triompher une conception déterministe de la nature alors que la démocratie incarne l'idéal d'une société libre. Nous considérer comme étrangers à la nature implique un dualisme étranger à l'aventure des sciences aussi bien qu'à la passion d'intelligibilité propre au monde occidental. Nous pensons nous situer aujourd'hui à un point crucial de cette aventure, au point de départ d'une nouvelle rationalité qui n'identifie plus science et certitude, probabilité et ignorance. Je crois que nous sommes seulement au début de l'aventure. Nous assistons à l'émergence d'une science qui n'est plus limitée à des situations simplifiées, idéalisées, mais nous met en face de la complexité du monde réel, une science qui permet à la créativité humaine de se vivre comme l'expression singulière d'un trait fondamental commun à tous les niveaux de la nature.

I. A. : Partout, les experts, en habit de scientifiques, nous expliquent le monde, nous expliquent les élections, le terrorisme, l'amour, la haine, le bonheur... et ils sont assez convaincants !

I. P. : La physique a eu immédiatement une influence culturelle immense parce qu'elle semblait nous donner le certain. Mais toute vie est liée à l'incertain. Quand une plante doit-elle fleurir, ou un animal doit-il chercher sa nourriture ? (ici ?) L'incertain est partout.

Prigogine se sert à boire. Sur le verre que j'avais posé devant lui, une citation de Nietzsche :

Je vous le dis : il faut porter en soi un chaos, pour pouvoir mettre au monde une étoile qui danse. Je vous le dis : vous portez en vous un chaos

I. A. : Je travaille actuellement sur l'affaire tragique du déraillement du TGV en Alsace (Eckwersheim) en 2015, dont vous n'avez jamais entendu parler. C'est un évènement irréversible où sont mortes onze personnes. Je serais curieuse de connaître votre regard de scientifique et d'homme sur cet évènement. Disons que ça m'aiderait peut-être dans mon travail d'enquête...

I. P. : Avant toute chose permettez-moi de vous dire qu'un évènement, c'est quelque chose qui peut se produire et peut ne pas se produire. Par exemple, la position de la lune d'ici un million d'années n'est pas un évènement, dans un sens, parce que nous pourrons la calculer très bien avec les lois de Newton. Même s'il s'agit d'un million d'années. Mais par exemple, il est difficile de ne pas dire que dans l'Histoire de l'Homme, dans l'Histoire de l'art, il n'y a pas d'évènements. La naissance de Mozart, la naissance de Michel-Ange, sont des évènements. La mort de Mozart fait qu'il n'y aura pas de second Don Juan. Et la mort de Michel-Ange signifie qu'il n'y aura pas de seconde chapelle Sixtine. Donc l'évènement se produit certainement dans l'Histoire humaine. Mais mon problème, c'était : est-ce qu'il y a des évènements dans la nature ? Et ça, c'est une question très difficile : parce que, si vous prenez la mécanique classique newtonienne et si vous prenez la mécanique quantique de Schrödinger et Eisenberg, il n'y a pas d'évènement. De ce point de vue, le déraillement d'un train qui suit une trajectoire sur ces rails ne fait pas évènement. Il n'y a pas d'évènement dans ce sens que la nature est déterministe donc rien de nouveau ne peut apparaître. Donc, disons que l'interview que nous faisons serait d'une certaine manière déjà incorporée dans l'information du big bang il y a quinze milliards d'années. Or, ça me paraît très difficile à accepter. Très difficile à accepter. Il faut introduire l'évènement dans la nature, de même qu'il y a des évènements dans l'Histoire de l'art, dans la créativité de l'Homme. C'est pour ça que j'aime bien me sentir entouré de quelques témoignages de cette créativité.

Je souris parce que je prends ça pour un compliment. Prigogine regarde discrètement sa montre.

La nature nous présente en effet l'image de la création, de l'imprévisible nouveauté. Notre univers a suivi un chemin de bifurcations successives : il aurait pu en suivre d'autres. Peut-être pouvons-nous en dire autant pour la vie de chacun d'entre nous.

I. A. : Voilà, c'est bien la question. Les experts, des ingénieurs ferroviaires, sont arrivés à la conclusion que le déraillement était "écrit" sur le papier avant qu'il ne survienne, que le respect des consignes et des objectifs à atteindre impliquait nécessairement de dérailler. Ces ingénieurs sont-ils trop fatalistes ? Trop déterministes ? Trop newtoniens ?

I. P. : Je serais très prudent, car je ne sais rien de ce déraillement... et c'est un sujet sérieux. Je vous réponds un "peu à côté" : Quelles étaient ces conditions initiales ? Au moment du big bang, la température était très élevée et l'univers était composé de particules élémentaires. Comment croire que, dans ces particules, toute la variété de ce qui allait venir était déjà inscrite ? C'est presque inconcevable. Donc il doit y avoir eu invention ou créativité par la suite. Ces onze personnes, je ne pense pas qu'il était écrit qu'elles devaient mourir ainsi.

I. A. : Il y a bien dû y avoir au moins une créativité humaine, une liberté, un choix, dans la détermination des règles et dans le respects ou non des consignes...

I. P. : D'une manière générale, la créativité est bien la caractéristique de l'homme. Puisque dès le néolithique, il se crée des civilisations, égyptiennes, pré-colombiennes, etc. et depuis lors les civilisations n'ont fait qu'évoluer. C'est évident dans le domaine de la musique, où tous les cinquante ans environ, il se crée de nouvelles formes de musique, et ça continue. Donc la créativité est immanente à l'homme. Mais il serait ridicule de dire que la créativité est l'apanage de l'homme puisqu'il y a une évolution du monde animal, et du monde végétal. C'est donc aussi une créativité de la nature. Nous ne sommes pas les seuls. Nous faisons partie d'une nature créative. Ce sont les termes de l'évolution créatrice. Alors de deux choses l'une : ou bien la vie et l'homme sont en dehors de la nature, ou bien c'est une propriété générale de l'univers. 

Et la richesse de créativité du monde a aussi d'autres aspects, comme par exemple la différentiation entre les hommes. Il fallait bien des hommes qui construisent la pyramide et des gens qui donnent les ordres de construire. Donc elle a aussi créé la division du travail et l'esclavage qui s'est perpétué jusqu'à il y a un siècle en gros. Donc d'une certaine manière, chaque bifurcation a ses victimes et des gens en profitent. Et je ne peux pas dire que c'est mauvais car cela a permis de créer la civilisation, et finalement notre vie dans laquelle quand même les gens participent davantage à la culture. Mais cela a créé en même temps des inégalités, dont nous souffrons encore aujourd'hui. On pourrait voir l'histoire, surtout occidentale, comme une suite inattendue de bifurcations. Il y a eu la bifurcation du paléolithique, puis celle qui est venue du charbon, celle qui est venue du pétrole, de l'électricité, celle qui est venue de la révolution informatique dans laquelle nous sommes. Mais chaque fois c'est aussi l'action individuelle sur un terrain instable. Il semble que la société, surtout occidentale, soit une société instable. Et alors l'action individuelle a une importance considérable.

Illustration 4
Prigogine : "la jeunesse doit lutter contre la résignation et le sentiment d'impuissance"

I. A. : Les grandes révolutions ne sont donc pas le fruit d'un déterminisme ? Rassurez-moi : Macron n'était pas une fatalité ? Il existait bien, virtuellement, un monde possible, probable, sans Macron aux commandes, n'est-ce pas ?

Prenez la révolution russe, par exemple, qui est le passage d'un régime tsariste à un régime post-tsariste qui aurait pu prendre des formes tout à fait variées, mais la forme qu'elle a prise et l'avènement communiste proviennent bien de l'incapacité individuelle du tsar, de l'impopularité de la tsarine et de la violence déjà engagée dans la révolution. Mai 68, avec tous ses défauts et utopies, a quand même été un moment important où la jeunesse a en plus joué un rôle. Nous sommes aussi dans une situation très difficile comme nous le montrent les Balkans, l'Afrique. Là aussi, il faudrait que la jeunesse prenne davantage part. Elle doit lutter contre la résignation et le sentiment d'impuissance. Justement les fluctuations et la structure microscopique qui précèdent un évènement a quelque chose d'important.

On peut, par exemple, avoir recours à la physique des populations. Une population est un système hautement non-linéaire : ce qu'un individu fait se répercute dans la population et, inversement, la population, la culture influence l'individu. Comme il y a une sociologie de l'individu, il y a aussi une sociologie des populations. Et au fond ce qui caractérise les populations, ce sont les corrélations : ce qu'un individu fait va influencer les autres. La physique newtonienne des systèmes intégrables élimine les corrélations et ne pense qu'aux individus. La physique que nous faisons aujourd'hui est une physique des populations qui tient compte de corrélations qui sont dérivées de manière rigoureuse à l'aide des mathématiques et qui pourra nous mener à comprendre les probabilités et la flèche du temps. Ce n'est pas au niveau de l'individu que se manifestent les phénomènes irréversibles ; c'est à l'aspect collectif qu'il faut s'adresser. Cette idée n'est pas nouvelle car les ensembles de particules ont déjà été introduits par Einstein et Gibbs au début du siècle passé. Ce qui est nouveau, cependant, c'est de ne pas y voir une ignorance, mais, au contraire, de la considérer comme une possibilité d'intégrer les probabilités irréductibles dans la physique qui habituellement considèrent toutes les probabilités comme étant réductibles, en définitive, aux notions de trajectoire ou, en mécanique quantique, de fonction d'onde.

I. A. : Je vous remercie beaucoup. Nous allons nous laisser sur cette idée des changements possibles et des mondes irréalisés... et je méditerai encore ce que vous avez bien voulu nous expliquer.

Prigogine se tourne vers le piano dans mon salon. Il me lance un regard :

I. P. : Parmi les projets que je n'ai pas réalisés, c'est de rester bon pianiste. Quand j'étais jeune, je travaillais dans la perspective d'un temps infini. A 80 ans, il est difficile de travailler dans cette perspective.

I. A. : Au revoir, Ilya Prigogine. Je regrette, moi, de ne pas vous avoir rencontré. Je vous aurais demandé ce que vous pensez de l'état du monde collectif actuel et des trajectoires individuelles quand on pense aux parcours et aux choix des djihadistes, des Macron et Pénicaud, de l'admirable Cédric Herrou, de Trump et Kim Jong-un, etc.


Sources et suggestions :

  • Prigogine, La fin des certitudes, 1996 (citations ici
  • Prigogine, L'homme devant l'incertain, 2001.
  • Hans Ulrich Obrist, "la science et l'art, une conversation avec Prigogine", Review (Fernand Braudel Center) Vol. 28, No. 2, Discussions of Knowledge (2005), pp. 129-142 (lecture gratuite ici)
  • Une interview courte, une interview longue (en français)... et bien d'autres sur internet.

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