Date de mise à jour : 7 mars 2025 ajout du lien histoire suivante
Les haut-parleurs reliés au centre de sécurité de la mairie invitent la population à garder son calme : Arrêtez de paniquer ! Les éco-terroristes sont sous le contrôle de la police. La soupe leur a été confisquée. La vitre protégeant la Joconde va être nettoyée. Le Grand vizir vous informe que les peines de prison pour jet de soupe vont être allongées.
La Folle de la reine et la Princesse se rapprochent de l'entrée du Centre des congrès. Finalement tout le monde ne s'est pas enfui.
La Princesse : Les cris et les mouvements de foule ont donné brièvement l'impression d'une panique générale.
La Folle de la reine : Ces apparences trompeuses seront transmises de cette façon dans les médias dominants. Les analyses sur les plateaux TV/radio seront mensongères car elles seront basées sur des faits tronqués.
Un couple passe avec un stock d'autocollants anti-technopolice. D'un saut l'un d'eux apparaît sur le pied d'un lampadaire.

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Dans les stands les discussions sont âpres.
- Allez...L'autre abruti va copier le Royaume-Uni. Un jet de soupe et hop il augmente les peines de prison. Aucune stratégie. Aucune culture. Toujours copier, copier, copier le pire.
- Non. Imiter, imiter, imiter le pire.
- C'est pareil !
- Non !
- Moi j'ai voté pour lui. Il me rassure. Je me sens intelligent avec lui au pouvoir.
- Ah si la paresse intellectuelle était aussi mal vu que la paresse au travail, nous n'aurions pas détruit notre environnement.
- De la soupe !
Klong.
- L'ordiphone m'informe que le dessinateur URBS de Cartooning for peace vient de publier dans le journal Le Monde une réaction appelée "Méfions-nous des jeunes". Un jeune est à table avec un œil en forme de point d'interrogation. Une femme, debout à côté de lui, dit : Mange ta soupe. J'ai pas envie qu'elle finisse sur la Joconde !
- Il a raison. Quel gaspillage alimentaire !
- Ce dessin est une caricature. Nous ne connaissons pas le point de vue de l'auteur.
- Tout de même. De la soupe sur une vitre dans un musée, c'est l'art qu'on assassine !
- N'importe quoi ! Auriez-vous préféré qu'elles jettent de la soupe sur l’œuvre adulée d'un agresseur sexuel, pédocriminel ou autre, décédé depuis des lustres ?
- Comment osez-vous parler ainsi de nos génies !
- Oh ne l'écoutez pas. Encore une jalouse qui considère que le talent n'existe pas quand il est tiré de la souffrance infligée par soi aux autres.
- Imaginez que nos artistes célèbres pour leur talent et leurs agressions sur des femelles se soient portés volontaires pour jeter de la soupe. Le grand vizir serait venu aussitôt les défendre comme lorsqu'ils sont accusés de violence sexuelle, non ?
Un silence.
- Certes il a défendu Gérard Depardieu mais heu, de toute façon nos célébrités n'ont aucune empathie pour le vivant donc elles ne risquent pas de décevoir le ministre de l'intérieur.
- Je campe sur ma position. C'est l'art qu'on assassine !
- N'importe quoi ! Le jet de soupe dans cette situation relève d'une manifestation artistique créant un lien avec un déchet du passé, catalogué comme ne devant pas mourir. L'art, le Vrai, est toujours subversif ! Relier le présent au passé, époque durant laquelle il était impossible de détruire la planète, relève du génie.
Klong.
- L'agence de presse explique que le jet de soupe au Louvre est revendiqué par le collectif Riposte alimentaire. Il demande une sécurité sociale de l'alimentation durable pour toutes, une carte vitale de 150 euros par mois et par personne pour acheter des produits conventionnés par des assemblées locales citoyennes. Il s'agit de la même mouvance que Dernière rénovation qui réclame un plan de rénovation thermique des bâtiments à la hauteur de l'urgence.

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Klong.
- Marre de cet ordiphone. Ah non, tiens, j'ai l'analyse d'une professeure de philosophie, Marie Grand.
- Qu'est-ce qu'elle dit ?
- Je pioche des extraits. Molière, terre-à-terre, assumait vivre "de bonne soupe et non de beau langage". Asperger la vitre blindée de La Joconde ce n'est évidemment pas vouloir détruire le tableau mais questionner le grand partage établi entre la nature et la culture, dont l'art est le produit indirect. Nous visitons des lieux en Égypte, réservés autrefois aux morts. Les musées n'ont pas toujours existé. Nous y regardons des masques que d'autres portaient.
- Elle a raison. Nous avons inventé l'art comme image immortelle. Le land art remet ce concept en question.
- Elle dit aussi Les militantes écologistes mettent donc ici le doigt sur une contradiction : notre souci de conserver les trésors de la civilisation est inversement proportionnel au faible respect que nous inspire la nature. Or, comment oublier ce que la première doit à la seconde ?
- Oui. Nous allons faire des selfies devant un vieux portrait, pour faire comme tout le monde, mais nous ne nous préoccupons pas de protéger le vivant sans qui un cadre, des pinceaux, de la peinture n'auraient pu exister, sans qui nous ne pourrions répondre à nos besoins fondamentaux comme s'hydrater et manger. Nous sommes des êtres superficiels.
- Et une action de désobéissance civile désigne toujours un coupable : l'industrie ou la politique qui détruit un écosystème.
- Les Soupolés passent leur temps à se plaindre. Il ne faut pas les écouter.
- Vous devriez changer votre filtre pour suivre l'actualité. Le jet de soupe sur des œuvres d'art est devenu un phénomène mondial car les ultra-riches détruisent tout, partout.
- Exact. Royaume-uni. Octobre 2022. Deux membres du collectif Just Stop Oil ont suscité une colère mondiale après avoir projeté le contenu d'un pot de soupe à la tomate sur Les Tournesols, de Van Gogh.
- Elles demandaient Est-ce OK que les hydrocarbures reçoivent 30 fois plus de subventions que les renouvelables, alors que l’éolien en mer est neuf fois moins cher ? Qu’est-ce qui est prévu face à la crise du coût de la vie, alors que des gens vont devoir choisir entre se chauffer et manger ?
- Et Pourquoi pensez-vous qu'un tableau est plus important que la préservation de la vie sur Terre ?
- L’œuvre n'a pas été abîmée mais l'indignation collective suscitée a été supérieure à celle suscitée face aux décisions publiques néfastes.
- L'indignation collective a été supérieure à celle suscitée par les expropriations de Total et d'une société chinoise en Ouganda et en Tanzanie. Des journalistes frappés, emprisonnés pour informer sur le biotope détruit et ses conséquences suscitent infiniment moins d'indignation que le jet de soupe sur une vitre.
- Des éco-terroristes !
- Non, il s'agit d'éco-vandalisme mis en action par des lanceurs d'alerte.
- Je parie un sachet de graines d'aubergines que les médias dominants au lieu de dénoncer l'inaction de dirigeantes, vont encore blablater des heures sur quelle peine de prison méritent les lanceuses d'alerte. Dans quel régime politique cherche-t-on à empêcher le débat, à faire croire qu'une idée opinion ne peut jamais être questionnée ou remise en question et que l'analyse de faits doit être tronquée ?
- Je suis militant écologiste depuis mes 15 ans.
- Pff ! Encore un éco-anxieux.
- Non. Je suis un "éco-colérique". Parce que je pense que, malheureusement, la messe est dite. C'est perdu. Et ça, ça me met en colère.
- J'ai aussi clairement perdu espoir dans nos institutions.
- L'inaction des dirigeantes est responsable de tant de maux. Le grand vizir est chef de file avec le pouvoir dont il dispose.
- Dans ma ville, nous avons un tagueur récidiviste. Ce délinquant prétend être un artiste, un peintre en graffiti. Les gendarmes nous ont conseillé d'installer de la vidéoprotection pour pouvoir le filmer.
- Si vous acceptez de voir vos proches filmés par l’État et le secteur privé à cause de votre addiction à la punition d'autrui ou parce que vous ressentez une certaine jouissance à chaque fois que vous apprenez que l’État va punir unetelle, vous manquez non seulement d'empathie mais aussi d'amour pour vos proches. Vous les sacrifiez pour satisfaire votre cruauté.
- Pire, ce réflexe de penser vidéo-surveillance laisse croire que vivre dans une prison à ciel ouvert serait normal. Et réfléchir à vivre avec un niveau de délinquance acceptable ou à la prévenir devient un tabou à force de devenir une parole à interdire.
- Moi, la Technopolice me fait tellement peur que je préfère ne pas en parler.
- Moi ça me rassure. Je préfère subir des violences en ayant perdu des libertés que subir des violences en étant libre de circuler.
- Avez-vous entendu ? Une saponaire officinale a été retrouvée dans un jardin belge laissé à l'abandon.
- Ah je me disais bien qu'une espèce disparue ne peut pas renaître. Je pensais qu'elle venait d'une des banques de graines, qui gardent la mémoire végétale. J'ai visité un centre russe de stockage de graines il y a dix ans. C'était facile pour eux d'avoir des bâtiments au frais quand il gèle à moins quarante degrés Celsius l'hiver sauf qu'il commence à faire plus chaud que d'habitude l'été alors la pérennité de cette idée de stockage n'est pas assuré.
- Ben oui fallait pas commencer à détruire la biodiversité.
La Folle de la reine lit des messages sur un ordiphone. La Princesse se rend au stand de la lutte contre la Technopolice franco-belge. Elle montre le billet d'Ibrahim et se voit remettre un livre dans lequel sont cachés des micros longue portée et un système d'enregistrement.
Une femme qui distribue des prospectus pour la dernière campagne Technopolice s'arrête à côté d'elle. Elle sort de son sac un smartphone, dont l'arrière représente la panthère rose jouant du saxophone, puis un mémo. Aussitôt une bourrasque lui arrache des doigts. Le papier s'écrase sur le sol, un fauteuil roulant l'emporte dans une roue; elle se précipite derrière. Il se retrouve sur le sol puis une bourrasque le soulève et il vient se coller à la chevelure poivre et sel d'un homme souriant, vêtu d'un costume gris et d'une chemise blanche en flanelle. Il se tient debout grâce à un exosquelette et est accompagné d'un robot dont l'apparence ressemble à une serveuse des années 1920. Il prend le papier, le lit et la salue.
- Bonjour madame.
- Bonjour. Merci d'avoir attrapé mon mémo.
- Vous êtes charmante. Êtes vous mariée ?
- Oui pourquoi ?
- Pouah, vous ne m'intéressez pas alors.
- Qu'est-ce que vous dîtes ? Si vous cherchez une relation sexuelle, il existe des sites internet pour ça. Pas besoin de m'importuner.
- Oui mais non.
- Vous êtes le deuxième goujat que je rencontre aujourd'hui. Pourquoi est-ce que les inconnus m'abordent toujours pour du sexe et jamais pour établir une relation d'amitié ?
- La Grande Fatalité. Ainsi va le monde.
- N'importe quoi. Oh quel funeste robot vous avez auprès de vous ! Il montre la médiocrité de celui qui a réalisé ce choix !
- Vous êtes charmante. Mon idée. Mon choix. La médiocrité est l'or des ingénieurs.
- Pourquoi cherchez-vous à remplacer le métier de serveuse ? N'êtes-vous pas capable de fabriquer un robot qui réponde aux besoins de base ? Ou laissez-moi deviner...Vous appartenez à une classe sociale dont l'ordre moral a besoin de trouver désirable la Cruauté pour rester un privilégié.
- Évidemment. Le plaisir de remplacer un métier utile à l'expression humaine et de voir tant de besoins non satisfaits me rend particulièrement heureux. La Grande Fatalité.
- N'importe quoi. Votre cruauté peut s'exercer parce que le secteur de la publicité est à votre service, parce que des économistes valorisent les innovations des lobbies les plus toxiques, parce que des experts se prennent pour des publicitaires et parce que des consommatrices admirent les personnes cruelles et leur obéissent.
- Exact. Et si vous l'expliquez aux consommateurs, ils ne changeront pas de comportement parce qu'ils sont sous l'emprise de leurs relations sociales. Il faut une santé mentale forte et du courage pour oser changer et devenir minoritaire dans son environnement.
- Nous avons des mains, des corps que nous avons besoin de bouger. Pourquoi vouloir remplacer le métier de serveuse ? Je ne comprends pas pourquoi vous niez ce que nous sommes. Êtes vous animé par de la haine ? Êtes vous insensible à nos besoins ? Ou êtes-vous juste un opportuniste ?
- J'ai longtemps été un mélange des numéro 2 et numéro 3 et aujourd'hui je suis numéro 1 et vous ne pouvez pas savoir à quel point.
L'air affable, il chiffonne le papier pour en faire une boule puis se dirige vers un avaloir et le fait glisser dedans. Un macaron à côté stipule "Ici commence la mer. Ne rien jeter".

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- Et voilà il est parti avec les eaux pluviales et il ira polluer une rivière puis la mer ou une nappe phréatique.

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- Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi avez-vous détruit ce billet ? Il était unique. Comment vais-je le contacter maintenant ?
- Vous êtes au bord des larmes. J'adore faire pleurer les femmes.
La femme se met à pleurer.
- Je suis sadique, toujours avec le sourire. J'ai l'air charmant, n'est-ce pas ? J'ai la réputation d'être quelqu'un de très respectable. Les médias m'adorent.
Il part avec son robot vers l'entrée du Centre des congrès.
La femme pianote sur son téléphone : Allo ? Sam ? Il faut que tu m'aides à retrouver les coordonnées de Benoît, tu sais le copain avec qui je dois écrire un roman graphique. J'ai du réinitialiser mon téléphone sur le trajet, trop de bogues, et j'avais enregistré des numéros dans le téléphone et pas sur la carte sim alors...Quoi c'est pas malin, je sais et attends la suite. Juste avant j'avais noté des numéros de téléphone sur des mémos et tu ne devineras jamais, un mec sadique vient d'en envoyer un à la mer. Mais si c'est vrai. Oui je sais qu'il n'y a pas la mer ici. J'anticipe. Il aurait pu le jeter dans une bouche d’égout mais il l'a balancé dans un avaloir, tu sais dans un trou où partent les eaux de pluie pour éviter les inondations, comme tout est bétonné. Qu'est-ce que tu dis ? Tu ne comprends rien ? Et comment je vais écrire ce roman si je ne peux pas le contacter ? D'acc. A dimanche.

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Un homme se penche vers l'avaloir et y jette son mégot. Il s'est à peine relever qu'une promeneuse de chien l'imite avec un sac à crottes de chien.
Un groupe arrive et commente:
- Ce comportement est inadmissible et montre que nous n'avons pas appris à l'école ce qui est utile pour vivre en collectivité en minimisant les besoins d'argent public. Quand je pense à combien la pollution coûte aux finances publiques, j'ai envie de binge watching pour oublier ce qu'est notre existence.
- Ma nièce a appris à l'école de La Barre-de-Semilly, dans la manche, qu'un mégot jeté dans la nature pollue 400 litres d'eau et que 80 % des déchets arrivés en mer proviennent des rivières. Elle est en photo dans La Manche Libre.
- Moi ma petite-fille a été élue éco-déléguée de sa classe. Elle doit aider à trouver des actions pour respecter l'environnement.
Un encravaté tape dans ses mains.
- Votre attention s'il vous plaît. Voilà messieurs les maires et mesdames les mairesses un exemple d'utilité de mon logiciel relié à une caméra de surveillance. Il peut détecter tous les jets de déchets dans les avaloirs puis suivre la personne dans le village pour repérer sa plaque d'immatriculation de voiture ou de vélo ou son adresse personnelle et il pré-établit la verbalisation que la police ou la gendarmerie n'a plus qu'à valider pour envoi.
- Oh ? Vous ne vendez pas la reconnaissance faciale ?
- Officiellement elle est interdite. Elle est comprise avec le logiciel mais dans les paramètres vous devez choisir de ne pas l'activer.
- Ou pas.
- Je n'ai rien entendu.
Des rires complices montrent que l'échange a créé un lien autour de la connivence.
- Et votre vidéo surveillance algorithmique n'empêche pas le jet de déchets dans un avaloir ?
- Non. Notre métier d'ingénieur consiste à utiliser l'informatique pour punir ou créer un sentiment de peur d'être puni.
- Je pensais que votre logiciel éduquait la population sur les bons comportements à privilégier et remplaçait les campagnes d'information municipale. Vivre dans la peur de commettre une incivilité reste une charge mentale.
- Oui. Si, à la longue, vivre avec la peur d'être puni crée une fatigue mentale propice à rendre violente toute personne ayant un score de cruauté faible, la baisse du nombre de l'incivilité visée, qu'elle soit ou non liée à notre logiciel, suffit à augmenter nos ventes et à nous rendre super-fréquentable aux yeux du secteur financier. Notre objectif n'est pas que de rendre notre société rentable mais de nous enrichir pour acquérir le super-pouvoir de détruire l'environnement en étant adulé par une partie de la population.
- Vous avez eu la chance de recevoir une excellente éducation.
- J'ai vu sur le stand franco-belge Technopolice le livre "punir, une passion contemporaine" de Didier Fassin, paru en 2017 et mis à jour en 2020 avec la pandémie. Quelqu'un l'a lu ?
"Non je ne lis pas ce genre de livres" s'entend-t-elle répondre puis le groupe entre dans le Centre des congrès.
La Princesse qui a fini de lire un tract : Que pensez-vous de cette campagne contre la Technopolice ?
La Folle de la reine : Je n'ai pas d'avis.
La Princesse : Ah.
La Folle de la reine et la Princesse s'arrêtent à différents stands et écoutent les conversations.
Au stand franco-belge de lutte contre la Technopolice.
Des chats et des chattes se prélassent. Elles portent des énormes colliers "interdire l’État policier", "stopper les violences policières", "chasser les violences étatiques". Trois pancartes posées au sol indiquent "le contrôle numérique étatique nouvelle forme d'esclavage et d'humiliation permanente", "Créer des algorithmes pour traquer la vie des moins aisés bénéficiant de l’État social est scandaleux, leur santé compte" et "pas de justice environnementale sans justice sociale".
Un chant s'élève "A bas l'état policier, à bas l'état policier, à bas, à bas, à bas".
Ibrahim arrive d'un pas rapide. Il présente sa main droite, façon serveur qui transporte des assiettes sur sa paume : Puis-je baiser votre main ?
La Princesse rosit : Ah le romantisme Soupolé ou votre façon de se saluer ?
Elle présente sa main. Il y dépose un baiser.
Ibrahim se redresse : Un nouveau romantisme copié d'un copain de ma belle-mère qui la saluait de cette façon il y a trente cinq ans. Je l'imite mal pour le moment.
La Folle de la reine : Je ne sais pas pourquoi mais vous me rappelez "le corps n'oublie rien", un livre publié en 2014 par Bessel van der Kolk, que j'avais prêté à la reine pour qu'elle tente de comprendre les conséquences des violences sexuelles sur les corps.
Ibrahim : Je l'ai vu traîner à l'atelier de déconstruction de la masculinité.
La Princesse, le regard interrogatif : J'essaie de comprendre cette chanson "Abats l'Etat policier". Vous voulez abattre la Technopolice ?
Ibrahim se gratte le nez et devient soucieux : Ah zut je n'avais pas pensé que "à bas" peut s'entendre comme l'impératif présent "abats". Nos services de renseignement n'ont jamais ouvert un dictionnaire ou une grammaire de leur vie alors ils vont nous imaginer en train de mitrailler le matériel de surveillance policière.
La Princesse ouvre son mini-dictionnaire : Des abats sont des viscères comestibles d'animaux. Elle est compliquée votre langue Soupolée.
Une jeune fille aux cheveux longs frisés se plante devant le groupe avec une moue pas contente et leur montre un crayon, insensible à l'eau, utilisé pour marquer les balles de golf. Elle se dirige vers un mur et écrit "A bas l'Etat" et souligne l'ensemble.

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Puis elle enfourche un vélo et disparaît.
- Si je comprends bien le message, des anarchistes nous rappellent qu'il ne faut pas réclamer seulement la fin de l’État policier mais carrément la fin de l’État.
- Oh pouf. Nous ne sommes pas compétents. Surveiller l'extension de la Technopolice nous prend déjà tout notre temps.
- Comme tu dis. Mettre fin à l’État policier est réalisable à court terme alors que diminuer l'emprise de l’État en général sur nos vies ne peut être que progressif puisqu'il faut mettre en place des alternatives.
Ibrahim : Votre journée s'est bien passée ?
La Princesse se tort les mains : Non. Une femme a été assassinée sous nos yeux.
Ibrahim étonné : Oui ça arrive tous les jours mais le nombre de femmes avec des séquelles est supérieur au nombre de femmes qui meurent sous les coups. Comme le nombre de personnes en invalidité est supérieur au nombre de personnes mortes au travail.
La princesse : Comment lutter ?
Ibrahim se gratte le front : Heu...Il faut collectivement refuser d'accepter en minimisant les faits ou en oubliant.
Il est interrompu par un message publicitaire gouvernemental. Des porteurs encravatés déposent une grande boîte transparente contenant une copie du grand vizir en automate.
La Princesse : Pourquoi les policiers protégeant cette machine semblent apeurés et braquent leur arme sur la population ?
Ibrahim : Ils sortent de l'école de Police. Les cours d'éducation à la réflexion critique ont été interdits. Ils sont surtout formés à avoir peur d'être agressés par la population.
La Princesse : Quelle drôle d'idée !
Ibrahim : Ils sont confortés dans cette obsession par le fait d'être autorisé depuis peu à porter une arme en dehors des heures de travail, dans leur vie privée.
La Princesse : Si la Police n'a rien à se reprocher de grave et récurrent, la population ne peut que lui faire confiance.
Ibrahim : Justement
- Taisez-vous ! Silence ! Le grand vizir vous explique pourquoi reporter l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans en 2024 et à 65 ans en 2032 engendrera des économies substantielles sur le plan comptable.
L'automate : Toc, toc, toc ! Qui est là ? C'est moi ! Mes coûteux compatriotes
"Parle pour toi" crient des inconnues.
Un porteur : Silence ! Je relance le Grand vizir.
L'automate bouge la tête, les yeux, les bras et les mains : Toc, toc, toc ! Qui est là ? C'est moi !
Mes coûteux compatriotes, la politique de l'offre, produire pour créer la demande, doit être poursuivie car elle s'avère très efficace pour bancaliser les services publics, pour augmenter le taux d'emploi en ajoutant de l'insécurité et pour augmenter notre dette. Je tiens à rappeler que nous sommes en retard sur les États-Unis concernant les gaspillages et les raisons de se droguer et les pollutions. Il va donc falloir travailler plus pour produire encore plus de ces magnifiques richesses.
Toc, toc, toc ! Qui est là ? C'est la réforme des retraites !
J'ai donc décidé que ceux n'ayant pas suivi d'études supérieures longues travailleront plus longtemps. Les autres étant entrés plus tard sur le marché du travail ne sont pas concernés. Travailler plus longtemps apportera des recettes parce que des cotisations supplémentaires seront collectées et diminuera les dépenses parce que moins de pensions de retraite seront versées, la durée de vie en retraite étant raccourcie. Un consommateur qui continue de travailler paie plus d'impôt sur le revenu et de CSG et il continue de cotiser à divers organismes. Le Trésor estime que le déficit public serait réduit de 0.9 point de PIB dans dix ans.
Toc, toc, toc ! Qui est là ? C'est l'énième réforme de l'assurance chômage !
Pour exercer une pression à la baisse sur les salaires, nos économistes proposent de supprimer l'éligibilité au chômage d'un certain nombre de personnes pour les pousser à accepter des emplois moins bien rémunérés et augmenter la main d’œuvre disponible.
Couteux, couteuses à bientôt !
Les porteurs soulèvent l'automate et repartent avec la protection policière porter la bonne parole dans un autre coin de la ville.
Au stand "les vrais écolos c'est nous" des applaudissements crépitent, aussitôt hués par le reste des présents.
Des syndicalistes de différents stands viennent se placer au milieu du chemin et testent leur dernière représentation.
- Oh mais le grand vizir a oublié des pans entiers de la vie économique. De quoi parlons-nous ?
- La pension de retraite dépend du nombre de trimestres d'assurance retraite et de l'année de naissance. L'âge légal de départ passerait de 62 ans à 64 ans.
- Et si je suis au chômage ?
- Tu resteras plus longtemps au chômage. Il faudra te payer plus longtemps.
- Et si je suis au RSA, au Revenu de solidarité active ?
- Il faudra te payer plus longtemps.
- Et si je suis en arrêt maladie ?
- Il faudra te payer plus longtemps. Qui paiera ?
- Cette hausse des dépenses sera assurée par des branches de la Sécurité sociale.
- La DARES chiffre à 1.3 milliard d'euros les allocations chômage supplémentaires à verser du fait d'un passage de l'âge de départ à 64 ans. La Drees évalue à 3.6 milliards d'euros la hausse du coût des autres prestations.
Une balance à deux plateaux inventée dans l'Oise en 1602 apparaît sur un chariot à roulettes haut de 1m80. Les mêmes poids bleu ciel sont posés de chaque côté.
- Voilà le système de retraite : à gauche les recettes, à droite les dépenses, les pensions. Son équilibre, c'est à dire si les recettes = les dépenses, ne signifie ni que le montant des pensions reflète un mérite, ni que la qualité de vie est satisfaisante pour la majorité. En vrai il faut le rendre plus redistributif, offrir des possibilités de départ progressif, sécuriser le niveau des pensions à venir mais hélas le Grand vizir veut augmenter l'âge de départ pour financer d'autres choses comme les baisses d’impôts aux entreprises, l'éducation, la dépendance.
- Et la croissance du produit intérieur brut ?
- A moyen terme elle peut augmenter car le nombre de personnes actives, c'est à dire travaillant, devraient augmenter si l'environnement reste celui d'aujourd'hui mais elle n'augmentera pas à long terme car une fois la taille du PIB augmenté, il faudra toujours trouver des sources de croissance.
- Utiliser l'âge légal d'ouverture des droits à la retraite pénalise les populations qui ont un salaire plus faible et moins de qualification, comme les ouvriers. Pour cibler les catégories privilégiées il faudrait augmenter la durée de cotisation.
- Car oui cette réforme des retraites pénalisera les catégories de population ayant le plus grand risque de chômage en fin de carrière et qui ont une espérance de vie en retraite plus faible. C'est socialement régressif.
Les poids bleu ciel sont remplacés par des poids rouges sur la balance à deux plateaux qui se met à pencher à droite, montrant que les dépenses sont supérieures aux recettes.
- Voici le déficit public du Royaume Soupolé. Il contient les dépenses et les recettes du système de retraite.
- Est-ce que ce déficit public sera réduit de 0.9 points de PIB d'ici 10 ans avec cette réforme des retraites si l'environnement change peu ? Le Grand vizir n'oublie-t-il pas les effets au niveau macroéconomique ?
- Si si. Plus de séniors seront en emploi et au chômage alors que des jeunes continueront à entrer sur le marché du travail. A court terme, la quantité de main d’œuvre disponible, en hausse, affaiblira le pouvoir de négocier un salaire ou son augmentation. La concurrence entre les personnes en âge de travailler sera accentuée.
- Oh mais si les salaires n'augmentent pas assez alors les cotisations et les impôts collectés refléteront un niveau de consommation insuffisant pour maintenir l'activité économique.
- Ah une bonne nouvelle pour la planète !
- Pas du tout car seuls les 10 % les plus riches disposent du pouvoir de détruire rapidement la planète. Or le report de l'âge de départ à la retraite va nuire au 90%.
- Pas totalement d'accord car avec 2 000 euros par mois de revenu, je peux payer une formule hôtel-avion à bas prix pour aller en vacances à l'étranger mais pas le camping Soupolé, trop cher. J'ai donc un score de cruauté supérieur à celui que j'aurais sans prendre l'avion.
- Certes mais là nous sommes dans une histoire courte donc nous nous focalisons sur une image globale. Tu ne prends l'avion qu'une fois pas an, ce qui n'est pas le cas des trop riches.
- En Martinique et en Guadeloupe nous sommes obligés de voyager en avion pour les aller retour avec l'hexagone. Fallait pas coloniser nos terres.
- Certes mais là nous sommes dans une histoire courte donc nous nous focalisons sur une image globale.
Une femme imite les mouvements de l'automate : Et pourquoi ne voulons-nous pas travailler plus longtemps ?
- C'est vrai ça. Pourquoi ?
- Parce que certaines d'entre nous savent qu'elles seront mortes avant l'âge de départ et qu'elles veulent le même droit à vivre avant la mort que les 10% les plus riches.
- Parce que les conditions de travail sont mauvaises et que nous sommes stigmatisées continuellement en activité : arrêts maladie, invalidité, maladie psychique, maladie chronique, port du masque, fatigue, font de nous des parias.
- Bon allez, le sujet aujourd'hui n'est pas de travailler plus pour engraisser les 5 % les plus riches mais de changer de modèle de société sans laisser personne sur le carreau.
- Et comment ?
- Il faut développer toutes les activités qui permettent de ne pas être en concurrence avec les pays non européens. Et être inventif.
- Créons la voiture low-tech. Réduisons les besoins en automobile.
- Et pourquoi dépensons nous tant en assistanat, heu je veux dire en redistribution ? Cet argent pourrait servir à d'autres causes.
- Les revenus primaires que sont les revenus d'activité, du capital financier, immobilier sont inégalitaires dans le sens où à ce stade la consommation globale de biens et de services et l'épargne n'est permise qu'aux plus aisés.
- Et sans demande, sans consommation suffisante, peu de chefs d'entreprise peuvent investir. La redistribution, c'est à dire verser des prestations sociales telles que la retraite, les allocations familiales et chômages, par exemple, s'avère donc indispensable pour maintenir l'activité économique.
- Tu oublies les transferts sociaux non marchands, comme l'hôpital public, l'éducation, par exemple, et les transferts sociaux marchands comme la part remboursée des consultations de médecine libérale, les médicaments ou les allocations logement par exemple.
Un homme arrive et colle un autocollant en forme de coeur sur un lampadaire après avoir exécuté des entrechats.

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- Exact. L'économiste Christophe Ramaux nous explique que nous ne vivons pas dans une économie de marché mais mixte car les pôles privés et publics sont interdépendants.
- Dîtes ! Connaissez-vous la dernière des trop riches ? L'économiste néolibéral Jean Pisani-Ferry l'a dit à la fin de l'émission chez Soupolé Culture. Les rachats d'actions permettent d'échapper à l'imposition de la richesse car ils évitent de passer par la case revenu alors que le Soupolé moyen paie lui rubis sur ongle ses impôts.
"Pas étonnant" répond une partie du public.
- Ne sont-ce point les Fées qui proposent d'utiliser de la dette publique pour financer des standards de vie qui une fois en place permettront à la vie dans le futur d'avoir moins besoin d'argent.
"Aucune idée" répond une partie du public.
- Christophe Ramaux, l'économiste atterré
- Au fait, il est pas pro-nucléaire, lui ?
- Et alors ? Nous avons tous et toutes des tares comme celles utilisées avec cette magnifique balance de Roberval.
Un chiffon est agité : Nous dérivons vers le hors-sujet alors que cette conférence se prétendait concise.
- Même si je ne suis pas d'accord avec lui, je ne suis pas sectaire et je reconnais l'excellence de son travail. Donnez-lui des arguments si vous voulez le faire douter sur le nucléaire.
Le chiffon est ré-agité : Non mais tu ne m'as pas entendu ? Arrêtons le hors sujet.
- Je rappelle que les économistes atterrés forment un collectif qui partage certaines valeurs. Ils ne fournissent pas un prêt à répéter mais un prêt à penser pour alimenter une réflexion.
- Quand je militais à droite, j'aimais déjà bien les réflexions de Benjamin Coriat. Je peux l'écouter pendant des heures.
- On s'en fout Pinsonne !
- Bon je disais que Christophe Ramaux, un économiste atterré, nous informe qu'entre 2017 et 2023 la dépense publique a baissé de 0.6 point de PIB et les recettes, les prélèvements obligatoires, ont baissé de 2.1 points, soit de 59.3 milliards d'euros.
- Oui. A lire là. Et Médiapart a une rubrique économie et social pointue à lire ici.
La Folle de la Reine fait signe à la Princesse de la suivre. Cette dernière salue Ibrahim et elles entrent dans le Centre des congrès.
Elles suivent un groupe portant des messages anti-patriarcat sur leurs vêtements et sur leurs joues. Un chaud sourire les accueille devant une porte fermée sur laquelle une feuille A4 glissée dans des rainures en bois indique "conférence avec la psychiatre Muriel Salmona et les deux Prix Nobel de la Paix 2018, le Dr Denis Mukwege, congolais, et Nadia Murad, Yézidie".
Le porteur du sourire, en costume sans cravate, se meut grâce à un exosquelette : Bonjour mesdames, quelle noble cause vous soutenez.
Le groupe le salue et bloque le couloir, attendant l'ouverture de la porte. Des micro-drones décollent des épaules de l'homme et partent former un cercle au dessus des têtes.
- Mesdames, regardez mon innovation pour soigner les psycho-traumas graves. Placez bien votre moelle épinière en dessous d'un de mes micro-drones et levez la tête.
Activé par la pensée, un drone sort de son sac banane et part se mettre au centre du cercle. Le groupe se met à suivre des yeux le mouvement successif de lumière émise par les machines. Toutes les personnes dans l'entrée se retrouvent soudain captivées.
- Tout doucement, lentement, aspi-4532 va aspirer toutes les mémoires traumatiques de ces dames, celles pas ou bancalement réparées. Chacune de ces mémos a une forme et une taille différente. La machine va marquer leur contour en imprimant des tirets jaunes puis va les rendre plus fortes.
Des tas de mémoires traumatiques sortent des corps sous l'éclairage éblouissant d'aspi-4532 et partent en file indienne dans la machine qui se met à leur répéter en boucle "tiens, encore une hystérique", "t'abuses", "si tu vas au commissariat je porte plainte contre toi pour diffamation, je dis ça, je dis rien", "mais non, ça s'est bien passé", "c'est dans ta tête", "mon fichier de police vous signale malade psychiatrique alors vous ne pouvez pas avoir subi de violences", "si tu ne te tais pas je détruis ta réputation", "tout est normal, tu l'as mérité", "tiens, encore une folle qui veut porter plainte", "fainéante, tais-toi ou je te vire", "encore une tarée hypersensible", "vous allez bien donc ce n'est pas grave", "c'est juste une main tout en haut de la cuisse, ya pas mort d'homme", "c'est pour rire", "oh mais si c'était grave tu aurais porté plainte", "de quoi tu te plains, tu as déjà de la chance d'avoir un travail", "Aucun souvenir ? C'est donc que vous étiez consentante", "mon fichier de police vous signale malade psychiatrique donc vous l'avez mérité", "tiens encore une folle qui se victimise", "et vous avez pensé à sa réputation à lui ?", "ah ah ah, allez, je vous prescris un antidépresseur, vous verrez vous allez arrêter de pleurer", "oh mais si c'était grave tu aurais été hospitalisée", "quelle fragile ! L'autre, là, a juste été témoin de violences", "c'est pas normal d'aller mal", "suite à vos propos, je n'imagine aucune violence, vous devriez faire de mon opinion votre vérité", "allez, dîtes-vous qu'il ne s'est rien passé et passez à autre chose, la psychothérapie c'est du charlatanisme", "mais il suffit d'être résiliente madame, faut pas en faire tout un fromage", "à mon avis il ne s'est rien passé de déviant. Tout est normal"...
La suite n'est entendu que par les propriétaires des mémos.
Les femmes appuient sur leur front cherchant à comprendre où est localisée la douleur soudaine pour savoir comment y faire face.
Un robot ayant l'apparence d'une serveuse humaine s'avance et verse du champagne dans une flute en cristal. L'homme au sourire la prend, la lève et dit : Je vous présente mon dernier robot qui s'apprête à remplacer le métier de serveuse. Il est totalement inutile car la médiocrité trouve toujours des financements et des consommateurs pour s'enrichir. Et j'adore l'argent. Il me permet de jouer avec la santé psychique des employés de mes usines.
Tout le monde se regarde effaré, se demandant si iel a bien compris.
Il boit une gorgée puis repose la flute sur le plateau de la machine.
La Princesse dit spontanément : Que c'est laid un robot déguisé en humaine !
L'homme lui jette un regard intrigué : Vous avez raison. La cruauté se pare toujours des atours de la laideur, qu'elle renomme beauté pour manipuler les esprits faibles. Si tout le monde pensait comme vous je ne serais qu'un ingénieur lambda mais la cruauté des Soupolés m'a hissé au niveau des génies ultra-riches.
L'homme d'un signe transforme la machine-serveuse en fauteuil. Il s'y installe. Elle sort des hélices et part en hauteur.
Il attrape quatre mémos avec lesquelles il se met soudain à jongler : Je suis ivre de plusieurs plaisirs. Le plaisir de se sentir dominant. Le plaisir de contrôler autrui. Le plaisir de punir ces femmes qui parlent de violences inacceptables au lieu de se soumettre à la Grande Fatalité.
Une mémo tombe. La propriétaire se retrouve au sol, essaie de se relever, se met à gémir et lance dans un chuchotement "nulle part en sécurité". Aussitôt ce cri d'appel alerte la super-héroine M qui en un quart de secondes se pointe à une fenêtre du couloir.
La Folle de la reine va l'ouvrir en soupirant : Nos super-héroïnes souffrent toutes du handicap de ne pas savoir entrer et sortir par les portes.
Une personne derrière la Princesse chuchote : Qui n'a pas de handicap ?
M entre. Elle dépose son sac à dos longiligne en osier, un panier de pêche datant du 19ème siècle, et l'ouvre.
M : Allez Loupemi !
Une King Charles Spaniel en sort à toute vitesse. Elle file léchouiller le front de la dame à terre ce qui répare instantanément une partie de la mémoire traumatique au sol et la restitue au corps blessé. Pendant ce temps-là, M avec son lasso a attrapé aspi-4532 sans pouvoir le bouger ce qui a quand même rendu le sourire de l'homme froid. Les micro-drones reviennent se garer sur ses épaules. Il remet les trois mémos dans le circuit et la porte du drone se ferme une fois la dernière mémoire traumatique entrée. L'homme en costard se transforme physiquement et se retrouve avec des mains devenues d'acier. Il attrape son drone.
Les témoins, sauf la Princesse, reculent d'un pas effrayé : AI ! Un Super-Méchant !
AI d'une voix basse et forte : Que vous êtes agaçants ! Je vous ai dit mille fois de m'appeler Super-Mec !
Un combat oppose M et AI pendant cinq minutes. Les femmes trouées de l'intérieur deviennent livides. Le traitement en cours de leurs mémos devient insupportable. M retire sa bague et la transforme en une micro-perceuse dont sort un minuscule foret. Le trou créé sur aspi-4532 suffit à faire sortir les mémoires traumatiques aspirées par l'air. Elle envoie sa bague dans le sac.
Les témoins sauf la Princesse : Spiderman !
L'homme araignée : Bonjour tout le monde. J'étais allongé sur un brancard dans le couloir des urgences du centre hospitalier universitaire quand j'ai reçu l'alerte par SMS, sur mon téléphone, un vieux nokia 3310 doté d'une batterie neuve. J'ai aussitôt signé le document déchargeant l'hôpital de sa responsabilité en cas de sortie non autorisée et je viens d'arriver au secours de ma collègue en longeant les murs.
M soupire : Qu'est-ce que tu es devenu lent au travail Spaïe depuis que tu souffres du syndrome d'épuisement professionnel... Et qu'est-ce que tu parles depuis que tu bénéficies de soins psychologiques...
AI essaie de profiter du détournement d'attention pour tirer violemment sur le drone. M valdingue mais ne lache rien. L'homme araignée se suspend au plafond au dessus d'aspi-4532.
Aussitôt il se tient la tête de douleur : Que se passe-t-il ? Mes psycho-traumas dansent et occupent tout un espace temps comme si j'étais en train d'essayer de les réparer avec une boîte à outils écrasée sous leur poids.
AI ricane : Tu aurais pu travailler pour moi Spaïedeurmanne, me ramener dans tes filets des babtous trop fragiles pour s'opposer à mon contrôle mental, mais tu as refusé. Sois maudit ! Je détruirai ta santé mentale. Hahahahahahahahaha!
Le rire joyeux entre en dissonance cognitive chez les témoins habitués à entendre dans les films des rires sardoniques sortir de la bouche des méchants.
La Princesse chuchote à sa voisine : J'avais oublié que dans la vraie vie un tueur en série peut être heureux de découper sa victime. L'institut de sondage qui demande aux participants s'ils sont heureux produit un score qui peut être glaçant.
AI à l'ouïe fine répond : Ah vous êtes bien une étrangère. J'utilise la technique des partis politiques de droite. Elle est dite de la cravate mais je suis plus intelligent et sans cravate pour être reconnu comme prônant l'égalité homme/femme.
La Princesse : Je ne comprends pas.
AI fier de lui : Voici la recette. Je fais semblant d'être respectable. Je ne suis jamais en colère en public. Je souris. Je suis calme. J'insulte mes ennemis mais toujours avec le sourire du super-hypocrite et je les affuble de mes tares avec le sourire du super-menteur. Et 70 % des Soupolés me font confiance, malgré mes exactions, selon un institut de sondage à qui j'avais commandé une enquête. Je voulais qu'il oriente les questions pour obtenir un score de 80 % mais il paraît qu'au dessus de 75 % un sondage n'est plus crédible.
L'homme araignée semble soudainement absent.
M lui crie : Courage Spaïe ! Dis à ton monde intestin-cerveau d'arrêter de faire des bouclettes et vite protège les mémos là. Elles essaient de rentrer chez elles. Tu les reconnais grâce aux tirets jaunes. N'en oublie aucune ! Je grimpe sur le présentoir.
Il obéit à sa collègue, quitte le plafond et d'un mur lance une immense toile d'araignée entre les mémos et le drone. Tout le monde sauf M, AI et ses machines se retrouvent en dessous.
M élève la voix en continuant de tirer sur son lasso : La science n'étant pas assez avancée sur le sujet tu ne peux pas les replacer à leur place, tu te bornes à les laisser rentrer chez elles.
Les mémos se mélangent en rentrant dans les corps. De l'extérieur des tirets jaunes sont visibles.
AI ricane : Mesdames la couleur jaune disparaîtra dans douze heures mais je ne peux pas vous assurer que les produits chimiques utilisés ne sont pas cancérigènes car les études de non toxicité ont été réalisées par mes laboratoires pour que les députés européens, acquis à ma cause, puissent utiliser ces fausses preuves pour autoriser leur usage commercial.
"Oh non" s'écrie tout le monde sauf les victimes muettes d'angoisse et les super-héroïnes dont la charge mentale a atteint les 100 %, celle de l'homme araignée ne disposant plus que de 20% de la capacité de celle des femmes depuis le constat de son épuisement professionnel.
L'homme araignée déconfit : Oups ! Désolé mesdames, suite au conseil de la député, Europe écologie les verts, Sandrine Rousseau, je me suis déconstruit concernant le masculinisme mais je ne suis pas formé en gestion d'urgence des psycho-traumas alors il va vous falloir démêler vos mémos. Essayez de les réparer en même temps. Si vous y arrivez n'hésitez pas à me partager vos astuces dans le Fediverse.
Les femmes acquiescent d'un signe de tête puis se regardent et échangent :
- Quand je regarde par la fenêtre, je vois que j'ai reperdu une partie des couleurs et les détails.
- Sois maudit Super-mec ! Je recommence à me sentir comme une morte vivante. J'ai un tournoi d'échecs demain. Gagner en ayant l'air hagarde ne m'enchante guère.
- Je recommence à avoir des idées suicidaires en boucle. Et c'est reparti pour trouver des détournements d'attention si je ne veux pas finir au service d'addictologie en les étouffant sous l'alcool ou les médocs. J'en ai marre.
- Oh non je recommence à ne plus savoir le vrai du faux. Va mourir en enfer Super-mec ! Tu as restauré le passé sous soumission chimique.
- Je recommence à ne plus avoir de place pour garder en mémoire le nom des plantes. Je connaissais le nom de celle près de la fenêtre en entrant et maintenant je l'ai oublié.
- Sois maudit Super-mec d'avoir mis le feu à nos mémoires traumatiques. Allez, j'éteins les émotions et je reprends les conduites d'évitement.
- Moi je suis toujours dissociée et je ne vois pas de différence.
- Il faut que j'en écrive un poème. C'est trop chelou. Ne pas souffrir avec l'anesthésie affective et souffrir en même temps de ses mémoires traumatiques.
AI lâche le drone et applaudit : Mon drone est d'une telle efficacité. Son logiciel a été réalisé en quelques heures. J'ai juste repris ce que vous et moi disons par cruauté et ce que les chercheuses en psychotraumatologie et victimilogie demandent d'arrêter de dire parce que c'est faux et
Un témoin consterné : Si seulement la civilisation considérait la santé psychique aussi importante que la santé physique.
Une témoin : Oh la la oui...Les pauvres elles vont subir incompréhension et insultes. Je n'aimerais pas être à leur place.
AI se frotte les mains : Votre comportement va accentuer leurs psycho-traumas ce qui les transformera en proie de luxe, si ce n'est pas déjà le cas. Elles seront encore plus malléables et encore moins crues.
M serre la mâchoire : Tu es ignoble Aïe.
Le combat reprend entre M et AI. Le lasso de M lâche le drone et elle file par la fenêtre.
AI et sa laide machine, transformée en objet volant non identifié, la poursuivent. Super-mec met le feu à une ex cabine téléphonique devenue une boîte à livres. M arrive et essaie de sauver la vie des livres. Les livres des économistes atterrés et des livres sur les arbres atterrissent dans un potager. Le livre "Inflation. Qui perd ? Qui gagne ? Pourquoi ? Que faire ?" d'Eric Berr, de Sylvain Billot, de Jonathan Marie se retrouve accroché dans un framboisier.
Scoubi Doux, un super héros canin, attiré depuis deux kilomètres par l'odeur de la King Charles Spaniel, réclame une pause à sa gardienne qui part lire sur un banc. Alors qu'il s'apprête à manger des Scoubi snacks en attendant la sortie de son amie canine, AI ne peut s'empêcher de jouer avec sa santé mentale. Il attrape les deux paquets et les suspend à une branche d'arbre suffisamment haut pour être inaccessible au chien, qui se met à sauter désespérément pour les attraper.
Pendant ce temps, M éloigne la cabine en flammes de tout objet communicant. AI essaie de lui saisir le cou avec ses mains en acier mais Scoubi Doux arrive en courant et se met à lécher joyeusement une des mains en acier pour lui signifier qu'il a faim et que les paquets de Scoubi snacks sont trop haut pour jouer. AI pousse un cri de douleur. Une substance dans la salive canine a réussi à glisser dans l'exosquelette et a stoppé l'activité d'un composant de la taille d'une bactérie.
AI beugle : Malédiction ! Un bogue ! Qui a oublié d'imaginer que la salive canine pouvait être toxique pour mes exosquelettes ? Qui ? Mes ingénieurs en robotique et en intelligence artificielle sont des sots. Virés ! Fired !
M détache les cordes et Scoubi Doux s'empare de ses paquets, jette un regard dédaigneux à AI pour ne pas savoir jouer avec les chiens et part demander à sa gardienne de continuer la promenade. L'odeur des livres brûlés lui a coupé l'appétit et les odeurs de peur dans l'air lui conseillent de fuir l'endroit.
Un groupe de jeunes a photographié des extraits de la scène et les balance sur des réseaux sociaux. A Caen, en Normandie, deux adolescentes et deux enfants devant l'ordinateur familial reçoivent les notifications et les scènes. Instantanément les grandes ont envie d'aller dessiner avec les petites sur des pans de mur autorisés par la mairie, dans le parc sportif situé en bas de leur immeuble.
Pendant ce temps là, AI a retiré sa main dysfonctionnelle, source de douleurs inconnues jusqu'alors. Il regarde autour de lui puis jette un pneu, recyclé et traité en surface contre les toxicités, qui servait de siège à balançoire, dans le feu. Puis il ceinture M et la tient un moment dans les vapeurs toxiques avant de s'enfuir avec ses machines.
M s’assoit en toussant, au bord du malaise. Des sapeurs-pompiers, prévenus par des capteurs à odeur, arrivent. Pendant que plusieurs éteignent l'incendie deux autres prennent en charge M.

Agrandissement : Illustration 8

L'homme araignée arrive après avoir récupéré le sac en osier et la King Charles Spaniel. Il s’assoit sur un fauteuil en bois. La canidé flaire les messages de Scoubi Doux, gratte la terre de contentement avec ses pattes arrières, satisfaite des messages qui lui sont destinés puis s'accroupit et dépose des pee-mails relevant de la vie privée et des pee-mails racontant les dernières péripéties. Ensuite elle saute sur les genoux de son gardien. Elle s’assoit, fière, et regarde sa gardienne en train de retrouver des couleurs.
Le groupe de jeunes qui avait photographié Scoubi doux reçoit des notifications. Les jeunes normandes rentrées chez elles présentent des photos de leurs œuvres de rue et demandent si l'homme chauve-souris, Batman, était présent ?

Agrandissement : Illustration 9

"Non" leur répondent les témoins.
"Trop tard" nous l'avons dessiné écrivent les normandes.

Agrandissement : Illustration 10

"C'est comme ça que se crée une légende urbaine" répondent des internautes anonymes.
La Folle de la reine ferme la fenêtre : La Fée psychologue doit être en train de s'occuper du groupe. La rapidité de prise en charge impacte la qualité de la réparation des psycho-traumas graves. Elle avait prévu un stand pour prendre en charge les visiteuses qui vont être en état de choc en se retrouvant entourées de maires voyeurs et cruels qui vont se réjouir de filmer leurs administrées. Je reste tout de même pessimiste sur la prise en charge. La science ne sait pas tout réparer et AI a augmenté la souffrance des psycho-traumas les plus graves. Venez, sortons prendre l'air.
Les pompiers emmènent M et l'homme araignée au Centre hospitalier.
La Princesse : Qui est Aïe ?
La Folle de la reine: Aïe est un homme opportuniste assoiffé de puissance et d'argent. S'il vivait dans la rue, sans le sou, il assouvirait son besoin de dominer en aliénant ses congénères qui partageraient un bout de trottoir avec lui. L'éducation créant de la frustration diverse et l'éducation par les médias, par les films, par les romans et par l'ordre moral de la société, qui accepte que le mérite signifiasse être violent, ne sont toujours pas déconstruites.
La Princesse soupire : Dans mon pays non plus. Encore une personne à haut niveau de cruauté.
La Folle de la reine : Oui. Il a perdu progressivement l'usage de ses jambes et le mauvais comportement de la société à son égard a nourri un ressentiment envers les valides des jambes. Comme il est ingénieur en robotique, en mathématiques et en informatique il a utilisé ses connaissances avec une équipe pour se confectionner une mobilité sur mesure. Il gagne sa vie en fabricant des produits et des services inutiles bardés d'informatique dont raffolent les gens sans cervelle, ce qui prive de financement les produits et les services dont la société a besoin.
La Princesse : Pourquoi s'est-il attaqué à ces femmes ?
La folle de la reine : Il est passé de l'indifférence à la détresse d'autrui au plaisir de la détecter pour l'amplifier. Il possède le gène des Sadicuss qui ne peut s'exprimer que si l'environnement est favorable, ce qui est le cas. Une éducation sans affects et pleine de frustration est en partie responsable de sa personnalité. Néanmoins nous ne connaissons pas assez sa vie pour émettre d'autres hypothèses. Tout le monde garde des pans de sa vie secrets.
La Princesse : Oui et le capitalisme de surveillance sur internet, la Technopolice, comme la vidéosurveillance par exemple, nous poussent à garder beaucoup plus de pans de nos vies secrets qu'avant, vu que ces outils sont utilisés pour nuire à notre intelligence, nuire à notre porte-monnaie, nuire à notre santé mentale et les données récoltées pourront demain être utilisées par un pays ennemi.
Une mairesse s'arrête et dit : Au lieu de torturer les victimes de violence, AI serait plus utile à torturer toutes les Soupolées qui soutiennent le Grand vizir et sa politique d'effondrement des services publics. Avez-vous vu l'état de la psychiatrie ?
La Folle de la reine toussote.
Au stand Gilets jaunes intitulé "on n'oublie rien" une femme lance une bourse en chanvre-lin fermée par une cordelette sur un chamboule-tout représentant le Grand vizir et dit désespérée en desserrant les dents : Mon frère ne serait pas mort si le roi Soupi avait appelé à voter pour la Méluche et pas pour ce fat en 2017.
- Joli, presque un carton ! Tenez j'ai ramassé votre porte-monnaie.
- Merci.
Elle se dirige vers un érable sycomore et rapetisse jusqu'à disparaître à l’œil humain.
- Oh Georgette t'as vu ? Elle est devenue contregnonne !
- Oui j'ai vu. Il en faut.
- S'ils ne mettent pas le feu à nos véhicules mais à ceux des 5 % les plus riches je suis pas contre.
- Où as-tu entendu qu'elles mettent le feu à nos véhicules ? Elles ont déjà assez de travail à tester des vies alternatives.
- Des fois la colère mène au désespoir.
La Princesse : Une contrenionne ?
La Folle de la reine : Les contregnons et les contregnonnes sont des communautés d'individus en colère qui tissent des liens pour essayer des vies alternatives en dehors du secteur financier. Les services de renseignement leur pourrissent la vie car il ne faut pas que la population puisse se projeter dans d'autres vies plus agréables. Venez, la promotion de la vidéosurveillance va commencer.
Elles entrent dans la salle rebaptisée pour l'occasion "vive le Techno-solutionnisme".
Près de l'estrade, une femme sort de son fauteuil roulant et regarde comment elle va pouvoir grimper. Aussitôt elle se prend une salve d'insultes.
- Non mais regardez cette menteuse. Elle n'est pas handicapée ! Elle marche !
Des jurons suivent et des projectiles divers sont lancés, allant du bâton de rouge à lèvres vide, de prospectus transformés en boulettes, à des papiers de paquets de bonbons.
La Princesse écrit sur un carnet : Le besoin de croire que les incivilités c'est toujours les autres justifie le totalitarisme numérique.
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Histoire précédente : https://blogs.mediapart.fr/isabelle-clere/blog/280824/qui-reveillera-lebo-de-soupole-7z
Histoire suivante : https://blogs.mediapart.fr/isabelle-clere-escouteloup/blog/060325/qui-reveillera-lebo-de-soupole-9z
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autres sources
des échanges là : https://mamot.fr/@ckouaf
AI = artificial intelligence
Deux ados armés d'un pot de soupe à la tomate nous inquiètent plus que les multinationales qui enclenchent, chaque jour ou presque, des bombes à retardement climatiques.
Comment désobéir Stéphane Foucart Le Monde 7 novembre 2022
Bong Joon-Ho : l'urgence climatique dans la peau. Les Echos week-end 10 mars 2023.
Ouest France du 5 mars 2024. L'éco-anxiété dans le Calvados.
Les poètes auront-ils un printemps ? Marie Grand. La Croix. Lundi 19 février 2024.
https://www.mediapart.fr/journal/ecologie/290924/la-fiction-litteraire-arrive-enfin-au-secours-du-chaos-climatique
La retraite à 65 ans génère-t-elle autant d'économies que ça ? Alternatives économiques - novembre 2022