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Billet de blog 23 novembre 2023

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Commentaire du « Nouvel Esprit du Capitalisme » 3

Voici le 3éme article de commentaire du "Nouvelle Esprit du Capitalisme" de Luc Boltanski et Eve Chiapello. Cette fois, je m’arrêterai sur leur travail d'analyse de la littérature managériale des anneés 90 qui correspond à ce 3ème Esprit du capitalisme.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Note  : Pour que vous puissiez facilement distinguer ce que disent les auteurices de mes commentaires, je mettrai ces derniers en italique.  De plus, les indications de pages sans précisions d’ouvrage renvoient à leur livre .

Methodologie 

Les auteurices vont s’intéresser à la littérature du management des années 60 et 90 comme sources de documentations de ce troisième esprit du capitalisme. 

L'intérêt de cette littérature c'est qu'elle n'est pas que technique on y trouve une "forte tonalité morale" car normative :  elle dit ce qui doit être et non pas ce qui est. Se pose, alors, la question de leur pertinence à dire ce qui se passe en entreprise : "Leur orientation n'est pas constatative mais prescriptive. A la façon des livres d'édification ou des manuels d'instruction morale, ils pratiquent l'exemplum, sélectionnent les cas retenus selon leur vertu démonstrative - ce qu'il faut versus ce qu'il ne faut pas faire" (p.101).


Une petite pensée au passage à Durkheim dans sa critique de l’économiste  qui "se trompe de problème" en confondant ce qui est et ce qui doit être. Ici on est vraiment dans des franchissement de seuils d'énoncés : des propositions du management ont franchi un seuil en devenant des énoncés de moralité. Ce genre de seuil d'énoncés techniques vers des énoncés moraux est également typique du discours de la science économique orthodoxe depuis le capitalisme. Ce qui change c'est la morale.


Quelques pages plus loin iels précisent que ce sont des énoncés variables et se modulant : pour se diffuser le message doit se moduler (p. 104).
Rappel :  les familles d'énoncés chez Foucault se définissent par leur variabilité interne.
Ainsi, au sein des énoncés de management iels ont comparés 2 corpus : 

  1. Un dans les années 60 (1959-1969)
  2. Un autre des années 90 (1989-1994).

Les corpus font plus de 1000 pages. Traités en 2 temps : 

  1. Analyse classique : "une lecture extensive visant à faire un premier repérage des préoccupations des auteurs, des solutions qu'ils proposaient aux problèmes de leur temps, de la représentation qu'ils donnaient des formes héritées du passé qu'ils déclaraient périmées et des différents arguments avancés pour opérer la conversion de leurs lecteurs" (p.105)
  2. Utilisation d'un logiciel "Prospero@" pour vérifier leur hypothèse, la répartition d'occurences et de termes etc pour confirmer s'il s'agissait bien d'un état général des corpus

L'accent a été mis davantage sur les différences que sur les constantes : « En outre l’image que renvoient de leur époque les textes des années 60 est bien différente de ce qu’en disent les textes des années 90. Là encore, il ne faut pas demander à ce type de littérature de nous offrir un panorama pondéré du passé, car son propos est de proposer des améliorations et donc de briser une partie des dispositifs provenant des pratiques installées. Elle sélectionne et grossit de ce fait les facteurs contre lesquels elle s'insurge, passant sous silence des traits qui peuvent être plus constants et non moins important" (p.105).


En plus de ce j’ai dit plus haut sur l’approche de Foucault qui réunit les énoncés par leur règles de variations, il y a selon lui  une distribution des énoncés qui se fait en fonction de rapport de force. Ils sont constitués par les foyers de pouvoir et ce qui s'y oppose. On n’est pas dans une véritable approche historique mais des hypothèses qui s'axent sur des énoncés pour comprendre comment opère des changements et comment ceux-ci sont envisagés et quelque part anticipés à une époque donné. On peut dire que les énoncés sont là pour penser les germes d'un changement. Notons que cette méthode se fait depuis une époque futur pour comparer les énoncés d'une époque avec celle de ce futur. C'est une méthode qui se base sur une différence temporel.

Ainsi, les deux générations ont en commun la question du sens à donner au travail en entreprise mais sous des aspects différents (p.107). Autrement dit ces énoncés permettent de dégager un certains rapport vis à vis d'un non sens du travail en entreprise

Le management des années 90 ou l’entreprise en réseau

Dans cette littérature des années 90 ce qui va apparaitre c’est une évolution vers un modèle de l’entreprise en réseau. Les auteurs de cette décennie 90 reprennent du corpus des années 60 la critique de la hiérarchie et de la bureaucratie du second esprit étendu cette fois à tous les salarié-e-s et pas seulement les cadres mais avec de nouvelles préoccupations : la pression concurrentielle et la demande des clients (p.120).


Dans un refus des rapports dominant/dominé, de donner et recevoir des ordres, la planification est « jugée rigide et fondée sur de froides données quantitatives qui ne rendent pas compte de la "vraie réalité"» (pp. 120-121). Thèmes de la concurrence, du changement constant, et toujours les technologies plus rapides comme dans le corpus des années 60 mais avec une autre ampleur. L'organisation doit être flexible, inventive et surfer sur toutes les vagues (p. 121).

On voit bien le passage d'un capitalisme "disciplinaire" avec une surface striée, hiérarchisée, segmenteé, etc. Qui n'est pas assez rapide face à un capitalisme fluide, modulaire, une surface lisse, non hiérarchisée, un modele rhizomatique. C’est la différence entre capitalisme compressif et un capitalisme dispersif dont parle Deleuze dans son texte sur  les sociétés de contrôles. Les sociétés disciplinaires ne sont pas assez rapides, y a des coupures. Cette différences de vitesse et de fluidité et le passage de l'un à l'autre a déjà ses prémisse dans le Capital livre 1 de Marx. Ainsi on peut dire que c'est un déjà-là dans la logique capitaliste mais qui attendait sa justification morale, son esprit, une expression, un agencement d'énonciation pour se réaliser, s'actualiser et devenir une expression du désir. Et évidemment les possibilité technologique pour atteindre un certain degré d’efficacité. Ce qui veut dire du point de vue capitaliste : le plus haut possible et surtout au delà.

 
L'entreprise doit travailler en réseau avec une nébuleuse de fournisseurs. Elle est organisées en plusieurs petites équipes pluridisciplinaires. Le véritable patron est le client. Le chef est devenu coordinateur (pp. 124-125) : " L'équipe idéale, innovante par définition multiple, ouverte sur l'extérieur et focalisée sur les désirs du client. Les équipes sont le lieu d'une auto-organisation et d'un auto-contrôle" (p.126).


Ce changement ce nouvel idéal va avec un régime que j'appelle autopolitique et que je présente dans cet article : se faire exploiter économiquement et politiquement les ressources en soi. Un bel exemple est celui des émotions à gérer, de l'économie affectives etc. Une autre fonction essentielle est l'intériorisation du risque. Le risque et donc l'incertitude économique est déplacé sur soi. Ces mouvements de deplacements des risques des institutions sociale vers les ménages démarre avec les années 70. Le livre de John Quiggin Économie Zombie décrit très bien ce mouvement. Évidemment on ne peut qu’y voir ce que va  donner l'auto-entrepreneur. Dans le diagramme autopolitique la capitalisation et le risque sont séparés. D'abord il y a avec les nouveaux produits financiers tout un tas de déplacement du risque. Par exemple par un système de découpage, on achète un produit fait de segments, de bouts. De sorte à ce que se soit un autre qui achète le risque de l'un. Le risque se déplace de proche en proche pour au final échouer au bout de la chaine aux ménages. Le risque est divisé en multiple éléments dans des produits financiers divers. Ce pouvoir d'action d'une multiplicité c'est le risque lié à l'incertitude qui est agissant sur l'individu travailleur. L'autopolitique peut être aussi celle de l'autonomie, des groupes d’auto-gestion. On a un groupe qui intègre en son sein une multiplicité de compétences où il n'y a pas de hiérarchie (apparente). L’autopolitique au niveau individuel est aussi une nouvelle subjectivité produite dans un monde de multiplicité. Le sujet de droit sera le pouvoir, le potentiels, des forces multiples dans l'homme. Un pouvoir qui est pouvoir multiple sur une population celui de la biopolitique. L'autopolitique abrite en soi une population. Autrement dit, l’autopolitique est l’interiorisation de la biopolitique, son pouvoir individualisant ou plus exactement ce par quoi va se fabriquer et se produire une certaine figure de l’individu et une nouvelle manière de se dire « je ». 



Philosophie du réseau oblige, la littérature managériale insiste sur l'importance de l'information, qui devient une source de profit importante : faire circuler des connaissance, en tirer parti, les combiner, les interpréter, les créer. Manipuler des symboles  car l'exploitation des ressources géographiques ou de la main d'oeuvre ne sera plus ce qui est source de "valeur-ajouté" (p.127). Comme il faut bien quelqu'un pour orienter les "êtres auto-organisés et créatifs" les chefs hiérarchiques sont remplacés par "les leaders et leurs visions. La vision a les mêmes vertus que l'esprit du capitalisme car elle assure l'engagement sans recourir à la force en donnant du sens au travail de chacun". Les travailleureuses partagent la même vision et le même sens. Un être qui va être capable de transmettre et faire adhérer sa propre vision. Il impose rien car chacun adhère au projet portant cette vision (pp. 127-128).


Nous somme dans ce qu'est un savoir chez Foucault, une combinaison d'enonçables (avoir du sens) et de visibilités (vision) : une archive audiovisuelle. C’est aussi un régime du visible nouveau car c'est un regard qui est partagé et commun. Ici c'est un diagramme du type : un regard de l'un partagé avec une multiplicité. Il y alors plus qu'un seul oeil qui est transparent car c'est le même pour tout le monde. C'est différent du panoptique qui est un regard opaque qui voit sans être vu. Dans l'autopolitique le regard qui fait voir et qui montre est celui de tout le monde. C'est un autoregard (oui j’ai osé ce néologisme).


Dans ce monde en réseau, les individus deviennent des êtres qui apprennent, se forment, exploitent leur pleins potentiel grâce à des coachs (p.127).

Il y a une auto-exploitation de ses ressources. L'auto-entreprise de soi devient une nouvelle production de subjectivité. Dans l'autopolitique on devient l'entreprise qui exploite ses propres ressources : propriétaire de ce moyen de production. Mais il faut articuler plusieurs pôles : le propriétaire des moyens de productions, le directeur/coordinateur/organisateur/chef/commandeur, celui qui profite de la plus-value, celui qui prend les risques. Dans le cas des groupes autogérés avec un modèle des communs les 4 pôles sont du coté du groupe.Dans ce cas je préfère parler d’autopuissance pour marquer une différence avec l’autopolitique. L’autoentrepreneur de chez Uber est propriétaire de ses moyens de productions, s'organise plus ou moins, mais la commande vient des clients, qui évaluent, c'est l’autoentrepreneur qui prend les risques. Mais c'est la plateforme qui organise et se fait de la plus-value. L’autoentrepeneur Uber gagne un salaire déguisé. Il dépend de commande, organisé par la plateforme, il peut refuser mais son salaire et son évaluation en dépend. Le risque est individuel et pas socialiser par une institution et un tiers. Uber c'est l’autogestion en tant que réalisé par la récupération de la machine capitaliste. Le diagramme autopolitique travail là dans la machine capitaliste où ses fonctions servent le but de la survaleur (plus-value). L'autogestion est née avec les groupes autonomes et transversaux, non hiérarchisés. La récupération possible de l’autogestion et d’un certain fourvoiement étaient déjà en 1968 une crainte anticipée par Guattari dans son texte "Autogestion et narcissisme" (In Psychanalyse et transversalité) que je vais vous présenter sur quelques points :


Dans ce texte il explique que l'autogestion peut-être une autoseduction, et récupéré par des logiques réformistes. « L'autogestion, comme tout mot d'ordre, peut être mise à n'importe quelle sauce. De Lapassade à de Gaulle, de la C.F.D.T. aux anarchistes. Autogestion de quoi ? Parler de l'autogestion en soi, indépendant du contexte, est une mystification. Cela devient une sorte de principe morale, l'engagement pris que ce sera de soi-même, par soi-même, qu'on gérera le soi-même de tel ou tel groupe ou entreprise. L'efficacité d'un tel mot d'ordre dépend sans doute de son effet d’autoséduction. » (Guattari, p.212). L’autogestion prise comme mot d'ordre sans un contexte en fait un groupe narcissique et assujetti à soi-même. Peu tourné vers un extérieur d'un groupe sujet (un groupe qui s’énonce et qui parle sans la soumission à un pouvoir). L'autogestion peut-être transformée en groupe assujetti (un groupe qui est énoncé et parlé par le pouvoir) quand il utilise un ressort narcissique. Ce soi-même montre une sorte de normalisation de l'autogestion où la subjectivité devient moïque. De moi à moi. Le diagramme autopolitique c'est exploiter de façon économique et politique les forces en soi. Mais selon qu’il s’agisse d’une instance du moi en miroir ou une subjectivité non normée capable de transformation, on passe  des forces multiples qui peuvent autant être des lignes de mutations dans une relation à un mode subjectif replier sur soi. L'autopuissance peut  déplier alors que l‘autopouvoir replie sous couvert d’une ouverture factice.  Dans ce même texte l’autogestion peut même devenir une justification pour le pouvoir car n'est possible que dans un monde lui-même en autogestion : « On “conteste”, dans l'imaginaire, la hiérarchie. En fait, non seulement on n'y touche pas mais on lui retrouve un fondement moderniste, on l'habille d'une morale rogerienne ou autre. Le ressort de l'autogestion d'une entreprise implique le contrôle effectif de production, des programmes : des investissements, de l'organisation du travail, de relations commerciales etc. De ce fait un collectif de travailleurs qui se “mettrait en autogestion” dans une usine aurait à résoudre d'innombrables problèmes extérieurs. Cela ne serait possible et viable que si cet extérieur était organisé en autogestion” (Guattari, pp. 212-213) 
Sur le danger de la récupération : « Il faut redouter que le mot d'ordre d'autogestion, qui s'est révélé juste dans les luttes de contestation des structures bureaucratiques sur le plan universitaire, ne soit récupéré par les idéologues et les politiciens réformistes. Il n'y a pas de “philosophie générale” de l'autogestion qui la rendrait applicable partout et à toutes les situations » (Guattari, p. 213). Ainsi, c’est très concrètement dans les vœux du management des années 90 que la crainte de notre camarade s’est réalisée. 


Revenons au Nouvel esprit du capitalisme. Dans cet littérature de management se dégagent 3 figures pour 3 fonctions (pp. 130-133) : Gerer-controler (une micro-biopolitique), developper personnel (agit sur l'autopouvoir comme autoexploitation de ressources internes) et savoir (un savoir locale, spécifique, singulier. Le type de savoir qui intéresse Foucault).


Le manager : Il remplace le terme "cadre" dont il était la traduction. Et passe directement sans traduction.


Notez que le fait qu'il passe directement sans traduction indique déjà une variation.C'est typique d'un énoncé qui est entre 2 systèmes homogènes. Exemple : énoncé de sexualité chez Richard von Krafft-Ebing ("Psychopathia sexualis") c'est quand ça bascule de langue allemande à la langue latine. Ainsi « manager » va être l'énoncé d'un autre pouvoir, non plus celui de la bureaucratie disciplinaire mais un l’énoncé d'un pouvoir de contrôle de type néolibérale.


Ne cherche pas à encadrer, pas d'ordre, pas de consigne à appliquer. Il anime l'équipe, Coach, visionnaire il inspire, c'est un « donneur de souffle » (Hervé Sérieyx). L'autorité s'acquière par la confiance et sa qualité d'écoute et de communication (pp. 132.133).


Il amène un engagement consenti de façon modulaire, le pouvoir est ici personnalisé tout en étant la vision de l'un qui ne s'impose pas à l'autre mais se partage. Une visibilité démultipliée en chacun, le manager n'est pas un cyclope despotique mais un paon faisant sa parade nuptiale.


Les managers sont du coté de l'intuition créatrice et pas du calcul rationnel. Sont humanistes, généralistes et pas étroit d'esprit (p. 132).

On manège donc avec des qualité humaines et non des qualités mécaniques. Le manager puise les qualité dans son humanité, empathie, des qualités humaines morales. Il exploite ses propres ressources humaines dans la mise en condition de possibilité de l'exploitation des autres. Il y a un exercice du pouvoir qui a été territorialisé à l'intérieur de nous. C'est ça l’autopolitique.


Le coach : On peut distinguer un autre "personnage", le coach (qui n'est pas forcément assurer par le manager) : Developper le potentiel de l’équipe (pp. 132-133).

Ici c'est un pouvoir  de faire développer et exploiter les ressources internes de chacun. C'est un pouvoir d'affecter  qui agit sur d'autres pouvoirs d'être affectés internes. 

L'expert : il a l'information et un savoir très spécialisé pour l'innovation. Et être compétitif technologiquement (p. 133).

Malgré ce caractère nouveau, le néomanagement est toujours ce qu'a toujours été le rôle du management : le contrôle du facteur humain (pp.133-134). Il enferme encore et toujours des dispositifs de contrôles.


Notons qu'avec le texte de Deleuze sur les sociétés de contrôle on devrait parler de dispositif disciplinaire pour le 2d esprit et de dispositif de contrôle dans la 3ème esprit. Tous deux agissant sur ce "facteur humain" sur lequel un pouvoir s'exerce.


La question que se posent les auteurs des années 90 est la question du contrôle d'une "entreprise libérée" (Tom Peters), faite de groupes autogérées, en réseau, sans unité de lieu ni de temps : « Il n'existe pas une infinité de solutions pour "contrôler l'incontrôlable" : la seule est, en fait que les personnes s'autocontrôlent - ce qui consiste à déplacer la contrainte de l'extériorité des dispositifs organisationnels vers l'intériorité des personnes » (p. 135). D'où l'importance des mobilisations et motivations intrinsèque. Le partage des visions et des rêves visent ce but car nous implique.


Cet autocontrole, levier de l’autopolitique, c'est l'autogestion retravaillée par le capitalisme du contrôle, du réseau, du capitalisme moléculaire. Il n'y a pas de capitalisme dispersif/molécualire/rhizomatique sans autopolitique. L'autopolitique est un diagramme venue d'une  critique du capitalisme, celle des groupes militants autogérés avec des modele transversaux (chaque partie est connecté mais avec un respect et une reconnaissance de chacune où le pouvoir d’action et de décision est garanti à chaque niveau). Ici la transversalité est devenu l'exercice d'un contrôle et non plus celui d'une énonciation collective. L’auto-entrepreneur est un bel exemple d'autocontrole. Précisément la diagonale à été aplati à l’horizontale (tout le monde est au même niveau de soumission et d’impossible décision vraiment libre) par une verticalité financière :


Ainsi via le passage du controle à l'auto-contrôle c'est le coût et la tache du contrôle qui n'est plus du ressort d'un pouvoir hiérarchique mais externalisé sur les prestataires et les équipes autonome (p. 136).

Le coût est horizontalisé et n'est plus du ressort de la verticalité. C'est une belle économie. C'est aussi le risque qui se déplace vers les autonomes. Cette façon d'être tous autant démunie et propre à ce qui posait problème dans l'horizontalité pour Guattari : « où les gens s'arrangent comme ils peuvent de la situation dans laquelle ils se trouvent » (Guattari, « La transversalité » in Psychanalyse et Transversalité, p. 79). Ainsi le capitalisme dispersif via l'auto-controle fait passer une horizontalité pour une transversalité. Dans l'autogestion, la ligne tracée est diagonale mais dans sa version mutée par le capitalisme dispersif elle devient horizontale ! Il faut donc bien distinguer Auto-gestion et auto-controle ! 


L'autocontrole fait émerger dans la littérature le thème de la confiance : « La confiance est en fait l'autre nom de l'autocontrôle puisqu'elle désigne une relation sûre alors même qu'il n'existe aucun autre dispositif que la parole donnée et le contrat moral. Elle est en outre moralement qualifiée alors que le contrôle par un tiers n'est que l'expression d'un rapport de domination » (p. 140).

Ici des qualité humaines deviennent les conditions de possibilités de l'exercice de ce pouvoir et non pas seulement une justification. C’est de la psychopolitique comme dirait Byung-Chul Han (in Psychopolitique. Le néolibéralisme et les nouvelles techniques de pouvoir).

Si le management des années 60 défendait la raison et  la liberté contre la passion et la barbarie, il est devenu  pour le management des 90, une bureaucratie qui a transformé l'entreprise en "machines inhumaines". A l’encontre de cela ce néomanagement va donner place aux émotions et à la créativité où le changement, la mobilité, le gout du risque a remplacé la valorisation de la sécurité des années 60 (p. 149).

La cité par projets 

La justification du progrès économique est moins présente et plutôt remplacée par la nécessité de survivre dans un contexte lié à une concurrence exacerbée dans le cadre d'une augmentation du chômage. Va être valoriser les capacité de travailler en groupe, avec des personnes différentes de s'adapter au circonstance, d'être flexible et ouvert aux changements de projets (p. 153). C’est un nouvel agencement, une nouvelle cité, la 7ème qui nait alors : " Nous avons baptisé cette nouvelle "cité", la cité par projets en référence au monde flexible constitué de projets multiples menés par des personnes autonomes » (p. 154) 

Les nouveaux managers, ces « neomanagers », se doivent de se préoccuper d'éthiques, doivent avoir des qualités personnelles qui les poussent à ne pas opprimer les autres etc. Se développe une « éthique des affaires » (sic). Le problématique qui se pose est celle du contrôle à distance dans un contexte de flexibilité. Pour cela il faut que les travailleureureuses s'autocontrolent et s’autoregulent ce qui suppose "l'intériorisation des règles de comportement préservant l'intégrité des personnes et évitant que leur contribution ne soit pas reconnus. » (p. 158).
Cette littérature managériale pour répondre à ce soucis va mettre en avant "l'effet régulateur des mécanismes de réputation". Une bonne réputation devient la garantit d'être sans arrêt employé et exerce des "pressions normalisatrices particulièrement efficaces » (pp. 158-159). 

Un capitalisme modulaire s'exerce grâce à l'autocontrôle des individus qui s'autoregulent par la pression qu'exerce la réputation pour pouvoir survivre. La réputation devient la nouvelle forme de régulation sociale des individus, l'autocontrôle passe par une dispositif optique de jugement d'un oeil multiple. C'est un paon. Il y a donc une pouvoir social qui travail l'autocontrole. L’autogestion des groupes militants ne tombe pas dans cet écueil car il n'est pas réguler par un oiseau qui crie « Léooooonnnn ».


Mais pour Luc Boltanski et Eve Chiapello, au final la capacité de mobilisation du nouvel esprit tel qu'il apparait dans ce corpus est pour eux médiocre. Car  il manque un système de justice dans les valeurs sont à peine esquissé et il n'y a de proposition efficace quant à la sécurité. :  « L'"Employabilité", "l'éthique personnelle" et la "prise en otage des réputations" n'ont pas trouvé, tout au moins dans la littérature de management, de traduction très solide en termes de dispositifs » (p. 159). En effet, ce néomanagement répond à la critique artiste (demande d'authenticité et de liberté) mais laisse de coté la critique sociale (égoïsme et inégalité) (p. 161). Iels expliquent ensuite que ces discours qui se réclament de mai 68, reprennent des "mouvements auto-gestionnaires", leur idées d'autonomie, de non hiérarchie, de convivialité, de créativité, de spontanéité, de mobilité, de "capacité rhizomatique" (p.162). Ces thèmes liés aux critiques radicalement anti-capitaliste de mai 68 sont devenu dans ce corpus des 90 "en quelque sorte autonomisés, constitués en objectifs valant pour eux-mêmes et mis au service des forces dont ils entendaient hâter la destruction." (p.162). 




Cette insistance sur les qualités relationnelles s'axe plus sur l'exploitation d'un "savoir-etre" que d'un savoir-faire », se liant plus avec des gens avec qui on veut travailler et qui nous convienne personnellement qu’avec des gens qui seront là dans leur capacité à accomplir une tache. Tout ceci est présenté comme un moyen de rendre les travail plus humains : "Mais elles peuvent faire naître en retour des nouveaux risques d'exploitation". Ils justifient ces dispositifs à la fois par le gain en productivité et baisse des coût salariales mais ça rompt avec le coté inhumain, froid robotique de la taylorisation où les humains sont traités comme des machines. Mais c’était justement parce c’était de l'ordre de la robotisation que ça ne mettait pas au service  du profit, l'exploitation de ce qu'il y a de plus humains dans l’humain : en utilisant les approches comportementales et cognitives plus humaines, qui « pénètrent aussi plus profondément dans l'intériorité des personnes, dont on attend qu'elles se "donnent" » (pp . 163-164).


Conclusion 

Il faut bien avoir à l’esprit qu’au moment des corpus qu’étudient les auteurices du Nouvel esprit du capitalisme, il s’agit encore d’énoncés dans une littérature spécialisée qui ne sont pas encore agencés concrètement. Evidemment avec le recul actuel on peut percevoir ce qui a pu politiquement se matérialiser avec les discours qui les justifient. De plus les dispositifs et formes plus traditionnelles d’exploitations demeurent bel et bien. La force répressive est particulièrement la grande alliée du capitalisme dont la séduction à visage humaine ne fonctionne plus suffisamment. Du moins à la proportion de sa propre fringale qui ne tolère aucune frustration. Cette machine n’entend pas à ce qu’on l’empêché de croitre. Les corps qui ne veulent plus être exploités sont alors détruits, mis en morceaux, oeil pour oeil, dent pour dent, toute amputation au PIB justifie l’amputation de nos membres. Les changements d’esprits du capitalisme n’en enlève en rien la matérialité profondément violente de sa faim. Il n’y a pas plus zombies que le capitalisme

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