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Billet de blog 3 juin 2022

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« Le programme économique de la Nupes est-il sérieux ? »

« Le programme économique de la Nupes est-il sérieux ? » Se demande Romaric Godin dans son article de Mediapart en opposant le programme économique de la Nupes aux thèses de droite du think tank Terra Nova. L’article est sérieux, long mais néanmoins intéressant, pas faux mais contourné, ce qui en partie explique sa longueur. J’en fais ici un résumé tout en le « traduisant ».

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Pour faire sérieux Godin considère les multiplicateurs associés aux deux politiques opposées : multiplicateur de 1,18 pour la relance par la « demande » avec le plan de 250 milliards d’€ de la Nupes, contre 0,8% pour la relance par l’ « offre » de la droite. Cela fait sourire : la « science économique » est constituée d’explications de pourquoi les coefficients et les projections linéaires passées n’ont pas marché : tout simplement parce que les crises, caractéristique essentielle du système capitaliste, ne sont pas prises en compte. Sans remonter plus loin et entre autres : 1973 et 1979 chocs pétroliers, 1982 crise bancaire des pays émergents, 1987 éclatement de la bulle spéculative à la bourse de New York, 1997 crise des marchés financiers asiatiques, 2000 bulle Internet, 2008 crise des « subprimes », 2015 crise grecque, 2018 gilets jaunes, 2020 virus et crise du « Grand Confinement », 2022 guerre d’invasion de l’Ukraine, confinement en Chine… une seule certitude, l’histoire économique ne se déroule ni dans le déroulé pacifique d’une politique de l’offre, ni dans celle de la demande. Toujours pour faire sérieux, Godin considère d’un coté les acteurs capitalistes, qui investissent, propose « l’offre » etc. et de l’autre les consommateurs, qui constituent « la demande ». Ces consommateurs ne sont jamais vus avant tout comme des producteurs, des travailleurs qui ne touchent pas le fruit de leur travail, fruit qui est accaparé par les 1%. L’exploitation et la lutte de classe est exclue du paysage. Godin, n’ayant pas mis en relief ces réalités fondamentales de la situation, est obligé, pour recoller à la réalité, de les réintroduire par des développements longs et alambiqués pour finalement conclure : « la question centrale est politique, davantage qu’économique. »  Mais il oppose ainsi faussement économie et politique qui sont liées. Les crises économiques génèrent forcément une tentative de réponse politique nouvelle.

Dans sa comparaison des deux politiques, Nupes et droite, Godin justifie les 250 milliards € du plan de relance par la demande de la Nupes par le fait que la droite de son côté a initié un plan de 400 milliards € avec sa politique du « quoi qu’il en coute ».  Il passe sous silence le fait que ce plan de droite commence à être remboursé par l’inflation, et que le plan de la Nupes qui est d’emprunter à la BCE sans la rembourser n’est pas réaliste.

A juste titre il nous rappelle que la simple éventualité d’une politique « de gauche » a entrainé le quasi blocus de la Grèce en 2015. Il reprend l’argumentation de Mélenchon comme quoi ce sera différent demain car la France est bien plus puissante que la Grèce économiquement et démographiquement. Ok. Mais c’était aussi vrai en 1981 quand la tentative de gauche en France a été écrasée par la finance et a « obligé » au tournant de la rigueur de 1983.

Cependant Godin n’est pas dupe « le programme partagé dont (la) lecture traduit une volonté de renouer avec la social-démocratie réformiste historique, … est en quelque sorte une dernière chance donnée au système capitaliste sous un angle post-keynésien. Si cette relance échoue … alors ce sera la preuve que le système capitaliste est très gravement malade puisqu’il ne répond plus aux politiques d’offres et de demandes. » et ce d’autant plus que « in fine, la faisabilité d’un tel programme ne repose réellement que sur la mobilisation du mouvement social et des citoyens ». Or, mais il ne le note pas, cette mobilisation n’existe pas aujourd’hui. Par contre on ne voit pas sur quoi il s’appuie pour dire « Il sera alors difficile de prétendre que cet échec est une incitation à un retour des politiques de l’offre ». C’est bien pourtant ce qui s’est passé en France en 1983 ?

Au final sachant que les programmes aussi bien de la droite que celui de la Nupes échoueront, et Godin a raison sur ces deux points, il se pose deux questions sur le programme de la Nupes : Tout d’abord l’opposition des socialistes et de EELV à une rupture avec le capitalisme permettra t elle à la tentative d’aller jusqu’au bout ? et surtout, puisque dans le programme partagé de la Nupes « Il y a une tension fondamentale entre la démarche post-keynésienne à court terme et les ambitions de transformation à long terme ... L’une tend à donner une chance au capitalisme, l’autre à le dépasser… (car) il est possible que l’ambition sociale-démocrate soit difficilement réalisable compte tenu de la crise actuelle du capitalisme, et qu’il faille aller plus vite ». Autrement dit Mélenchon et la direction de la Nupes croient-ils à leur projet social-démocrate ou n’est ce qu’une tactique pour montrer que ça ne peut qu’échouer ? Amener les gens sur une position révolutionnaire « à l’insu de leur plein gré » ? Car qu’y a-t-il de « plus vite » qu’une solution sociale-démocrate si ce n’est une perspective communiste ? Mais Godin, timide, ne le dit pas. On est sérieux, entre économistes…

Il y a une logique entre les silences d’un programme économique comme celui de la Nupes, la volonté de ne pas nommer les choses, lutte de classes, exploitation, manque de mobilisation, de mettre sous le tapis certaines des réalités cruelles d’aujourd’hui comme la guerre en Ukraine, les crises, les famines, les migrations et ne pas vouloir nommer l’avenir réaliste : le communisme.   En affirmant que « la vraie bataille sera celle des récits. », en obscurcissant l’objectif, on ne prépare pas les exploités, en toute conscience, à y travailler.

Voter Nupes (voir Voter Nupes : quoique…) doit surtout être vu comme un moment politique entre autres, comme une manifestation de la volonté d’unité nécessaire aux travailleurs, mais pas comme un pas décisif vers l’émancipation.

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