Jordan Bardella / Marion Marechal : Le problème d’un vote pour l’extrême droite même « pour voir » c’est que trop souvent c’est un vote pour toujours, un vote sans retour. On se rappelle qu’Hitler est arrivé au pouvoir par les élections avant de les supprimer. Plus près de nous Poutine et ses émules, pour qui ces leaders ont un penchant, n’organisent plus que des élections bidon, accompagnées de l’assassinat des opposants. Les Trump et les Bolsonaro organisent des putschs pour contester les résultats. En Allemagne le leader de l’AFD a lâché le morceau un peu tôt en révélant sa sympathie pour les nazis avant les élections ce qui a obligé ses amis du RN à le renier… avant les élections… après les chiens peuvent être lâchés… Au pouvoir ces gens assèchent le pluralisme et suppriment les contrepouvoirs, composantes de la démocratie. Sur le plan économique ces listes maintiennent l’état existant, le pouvoir des riches, et s’attaquent à la fraction déjà la plus exploitée de la classe ouvrière, les immigrés. Dans son clip officiel de campagne TV pour les européennes Bardella présente sa liste : « Ils sont hauts fonctionnaires, préfets, chefs d’entreprise, commissaires de police, magistrats, élus locaux, soignants, agriculteurs, fonctionnaires. ». Ouvriers et employés qui constituent pourtant 70% de la population active en France ne font visiblement pas partie de la hiérarchie proposée ! On prétendait faire « peuple » ? Mais on s’y croit déjà ? plus la peine de faire « social » ? Quant à la profession de foi de Marion Marechal et sa défense de « notre civilisation et ses racines chrétiennes »…Tous ces gens frôlent la sortie de route démocratique lorsqu’ils s’en prennent à la CPI, la cour pénale internationale parce que cette dernière met en cause les crimes de guerre de l’État israélien qu’eux soutiennent « inconditionnellement ».
Valérie Hayer / Bellamy : comme leur patron Emmanuel Macron, ces listes représentent le pouvoir en place, celui des riches. Ils partagent avec les candidats d’extrême droite, un même programme, en plus sophistiqué : baisse des impôts pour les riches, ISF, impôts directs, mais pas de baisse d’impôts de la TVA, l’impôt que tous payent. Baisse aussi des taxes et des cotisations, donc baisse des salaires réels collectifs et dégradation des services publics appauvris au profit des établissements pour riches, comme les écoles ou les cliniques privées. Ils ont initié la loi contre la fraction ouvrière immigrée que l’extrême droite a voté. Ces gens sont aussi ceux qui avec Yael Braun Pivet, la présidente de l'Assemblée Nationale, ont donné un blanc seing à l’état israélien en déclarant lui apporter un "soutien inconditionnel" ce qui a conduit aux crimes d'aujourd'hui.
Raphaël Glucksmann a le soutien de François Hollande dont Macron était le ministre de l’Économie avec les résultats que l’on sait, l’aggravation des inégalités sociales etc. Il « oublie » très souvent de dénoncer les crimes israéliens en Palestine. En ce qui concerne l’Ukraine, il est totalement suiviste à l’égard de l’Otan. Il est de ceux qui transformerait la lutte de résistance de l’Ukraine contre la guerre d’invasion de Poutine, en guerre mondiale de l’Occident contre le reste du monde. Il relaie la propagande anti chinoise et participe ainsi à la préparation des agressions américaines contre la Chine. Il défend les ouigours mais pas un mot sur les Indiens américains parqués dans les réserves et qui ont eux, réellement subi un génocide. En poussant l’Europe à devenir une puissance impérialiste rivale de la Chine il nous coupe des pays du Sud.
Manon Aubry lors du débat du 21 Mai sur LCI avait choisi elle aussi comme introduction une photo dénonçant le « dumping chinois ». Reflet sans doute de l’inconséquence de cette organisation, LFI, dont on ne sait dire où elle ira, à part prédire qu’elle éclatera. Lors de cette campagne elle a été plus claire que d’habitude sur le soutien à l’Ukraine et la dénonciation de l’agression russe. Mais comment la croire alors que, lorsqu’ils n’y sont pas obligés, les représentants de LFI ne parlent jamais de la guerre en Ukraine et qu’ils n’ont pris en plus de deux ans aucune initiative pour soutenir sa résistance ? Sous prétexte que les dirigeants occidentaux font du « deux poids deux mesures » en soutenant l’Ukraine et pas la Palestine, ils justifient un « deux poids deux mesures » inversé. Comme si le soutien aux travailleurs en lutte était à géométrie variable !
Les deux lacunes des listes de gauche
C’est le cas également des autres listes de gauche menées par l’écologiste Marie Toussaint et le PCF Léon Desfontaines : ne parler de l’Ukraine que contraints et forcés, et ne pas soutenir clairement sa résistance. L’autre lacune de fond que révèle la campagne c’est l’incapacité de ces listes de gauche à monter au créneau sur l’immigration. Elles se contentent de condamner moralement le discours de l’extrême droite et de la droite mais la laisse s’étaler dans ses contrevérités : que l’immigration est un cout, alors que l’immigration avec ses ouvriers mal payés et mal logés est avant tout créatrice de richesse pour tous. Cette gauche, (faute de conviction ou de connaissance du sujet[1] ?) n’invite pas les électeurs à constater par eux-mêmes qui compose le personnel des chantiers ? des sorties d’usine ? des établissements de soins ? Qui nous applaudissions lors des confinements ? Lorsque Marion Maréchal affirme sur les plateaux de LCI et autres que les immigrés sont les auteurs de « viols de rue », personne ne rappelle que les viols sont pour l’essentiel commis en privé (finalement Manon Aubry l’a fait lors du débat suivant sur BFM). Personne ne dénonce concrètement l’affirmation de l’extrême droite que «immigration = insécurité » parce que des immigrés sont délinquants. Des français aussi sont délinquants donc « français = insécurité? »... Généralisation quand des immigrés sont impliqués dans des délits, mais pas lorsqu’il s’agit de français de souche, etc. Le droit de vote pour les immigrés, vieille revendication de la gauche n’est jamais rappelé. Surtout l’immigration n’est vue par cette gauche que comme victime, et non comme une fraction particulièrement dynamique de la classe ouvrière. C’est pourtant pour cette raison essentiellement que la droite, extrême ou non, s’en prend à elle. Preuve en est que les leaders de ces droites, comme Meloni en Italie, Orban en Hongrie stigmatisent les immigrés mais font appel à eux ! À force de refuser de la défendre ni même d’en parler, (Marie Toussaint se glorifie sur BFM que le mot n’est même pas dans son programme !), l’immigration est passée de la 12ème (enquête IFOP mai 2023) à la 2ème préoccupation des français (enquête IFOP mai 2024) après le pouvoir d’achat. Ces lacunes des listes de gauche dans la campagne électorale, le non-soutien à la résistance ukrainienne et à l’immigration, sont dans le prolongement de l’absence totale d’initiative de soutien à la résistance ukrainienne depuis plus de deux ans, comme dans l’absence d’offensive contre la loi anti-immigration votée en janvier 2024 où la gauche, dans la rue, a laissé les sans-papiers en première ligne. Voir Loi immigration : la gauche gagne, le RN pavoise cherchons l’erreur !
La racine commune à ces deux lacunes ?
Le dédain pour la position des travailleurs concernés. La vue en surplomb qui fait ne pas tenir compte que les immigrés sont une force en lutte, pas seulement des victimes. La prétention à vouloir imposer un cessez le feu en Ukraine à des travailleurs qui ont choisi de lutter contre l’envahisseur. Même pour la Palestine, qu’au moins elle défend, la gauche se permet de parler pour les palestiniens et de soutenir exclusivement la solution à « deux états ». Or ce n’est qu’une des possibilités à côté de l’état multinational ou une solution à l’algérienne… Voir le billet : Les candidats face aux deux guerres.
C’est en surmontant cette attitude, c’est-à-dire en prenant en compte et en faisant l’unité avec les autres travailleurs sur leurs positions, et non sur celles qu’on prétend leur imposer, que peut se construire une unité de classe ; que l’on met en œuvre le sens profond de « prolétaires de tous les pays unissez-vous ». Dans la situation actuelle, concrètement c’est en soutenant à la fois les positions des travailleurs d’Ukraine et de Palestine, sur leurs positions et non sur les nôtres, et en faisant des travailleurs immigrés ici une composante essentielle de la lutte, que se construit une position de gauche solide, solidaire des travailleurs du Sud. Les lacunes des propositions actuelles des listes de gauche, la certitude qu’elles ne pourront mener à l’unité, incitent à ne pas contribuer aux illusions en votant pour elles, même si on doit reconnaitre à LFI la volonté d’avoir voulu l’unité, ce qui en soit est une bonne chose. Alors vote blanc ? Choix de l’une quelconque des 38 listes qui défendent une cause particulière, animaux etc. ? Dispersion, y compris sur l’une des listes de gauche lacunaires ? Faute d’une réelle position de gauche susceptible de galvaniser l’unité, ce dont la forte abstention prévue est aussi une manifestation, l’expression populaire sera éclatée lors de ces élections.
[1] Voir Jacques Lancier « Étrangers, immigrés bienvenue ! Vous aussi êtes ici chez vous » L’Harmattan 2023.