En 1943 l’activité du réseau se faisait en particulier autour de la diffusion du journal « Arbeiter und soldat » animé par le militant trotskiste juif allemand Martin Monath. Le 6 octobre le réseau est dénoncé par un des soldats allemands membre du groupe. La plupart des militants français sont tués ou déportés à Buchenwald où beaucoup meurent, les militants allemands (une quinzaine ?) sont fusillés ou envoyés sur le front de l’Est.
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Samedi après les émouvantes cérémonies du matin, un colloque sur « Arbeiter und soldat » s’est tenu à la maison des syndicats avec interventions d’historiens, d’auteurs de livres sur Martin Monath, sur la résistance trotskiste etc. Le colloque se conclue sur l’intervention d’un des dirigeants de l’un des POI (lequel ?) l’un des groupes trotskistes actuels. L’orateur déploie un grand poster supposé représenter un soldat ukrainien et un soldat russe fraternisant. Michel, le fils d’André Calvez – dit Ned- l’un des rares membres du réseau qui par chance échappa à la rafle, présent dans l’assistance, fait observer, en aparté, que l’orateur n’a pas brandi un poster représentant un soldat israélien et un soldat palestinien fraternisant. L’aurait-il osé ? En tout cas cela marque l’impasse de la démonstration développée. À partir d’un fait de résistance admirable, rare, sinon unique, de fraternisation entre « prolétaires sous uniforme » et résistants, l’erreur consiste à en déduire que leurs commanditaires, les dirigeants des deux calitions se valent. Le poster brandi est supposé nous dire que l’Ukraine et la Russie ont le même degré de responsabilité dans la guerre. L’impossibilité, même pour un trotskiste, de faire la même chose avec un soldat israélien et un soldat palestinien révèle l’impasse de l’argumentation.
La fraternisation d’ouvriers enrôlés sous des uniformes opposés est admirable et positif car elle contribue à la prise de conscience de classe, à l’unité des intérêts ouvriers, mais cela ne signifie en rien que les dirigeants des armées pour lesquels ils combattent se valent. Toujours en aparté, son fils rappelle que Ned, l’un des héros du réseau resté libre, une fois le réseau démantelé, rentre dans les FTP dirigés par le PC, avec donc obligation de faire son « autocritique » de trotskiste etc. Il essaie de convaincre Yvan Craipeau, l’un des dirigeants trotskistes de l’époque de faire de même, mais celui campe sur la position « on ne choisit pas entre les capitalistes américains et allemands ». Cette position est un peu la même que celle du « campisme » actuel et la scandaleuse attitude de la gauche qui ne prend aucune initiative pour soutenir les travailleurs ukrainiens en lutte contre l’invasion russe.
Pour les férus d’histoire
Les trotskistes pourtant souvent férus de références historiques en négligent d’importantes : En 1916 au cours même de la première guerre mondiale, ce n’est pas parce que les deux camps sont impérialistes qu’il faut selon Lénine « Opposer la révolution des prolétaires à la guerre impérialiste », mais « c’est parce que les forces des deux coalitions ne sont pas tellement différentes » comme il l’explique à Rosa Luxembourg dans son texte de 1916 « A propos de la brochure de Junius ». Junius étant le pseudonyme de Rosa Luxembourg. Or dans le cas des agressions subies par l’Ukraine comme par la Palestine, les forces sont très « différentes », et ces luttes d’émancipation nationales devraient toutes les deux être soutenues par le mouvement ouvrier. On ne peut pas appliquer les préconisations de Lénine pour la guerre de 14, à celle de 40 ni à l’invasion de l’Ukraine aujourd’hui. Et même un trotskiste n’ose pas l’appliquer à la Palestine.
Dans son discours du 22 février 2022 pour tenter de justifier son agression de l’Ukraine, Poutine s’en est pris violemment à Lénine : « L’Ukraine peut être appelée à juste titre "Ukraine de Vladimir Lénine". Il en est l'auteur et l'architecte ». Poutine reproche surtout à Lénine les « conditions humiliantes du traité de Brest-Litovsk ». Contrairement à ce que dit Poutine Lénine s’est contenté de reconnaitre le mouvement national ukrainien qui préexistait et que le traité reconnaissait. Il est vrai que Lénine a imposé à Trotski de le signer. Trotski, bien qu’ukrainien lui-même, refusait (déjà) la lutte nationale ukrainienne…
On se souvient qu’un stand LO (autre groupe trotskiste) à la fête de l’Humanité 2023 présentait une chronologie où on passait directement de la crise capitaliste de 1929 à la création de l’ONU après-guerre, en zappant la seconde guerre mondiale ! Pourquoi ? Parce qu’il faudrait reconnaitre que l’axe nazi est vaincu par l’alliance Urss / États-Unis, l’alliance PCF / De Gaulle, l’alliance du camp ouvrier avec une fraction de la bourgeoisie impérialiste, et la réclamation de plus d’armes américaines tout comme le fait Zelenski aujourd’hui pour résister à l’invasion. Voir Le stand de LO à la fête de l’Huma 2023.
Zelenski, est le De Gaulle ukrainien en ce sens qu’il incarne la résistance nationale « J’ai besoin d’armes pas d’un taxi » répond-il fièrement à Biden qui veut l’extrader en février 2022, tout en défendant comme De Gaulle des intérêts oligarchiques spécifiques.
La fraternisation ouvrière
La lutte du réseau des ouvriers trotskistes de Brest autour de « Arbeiter und soldat » est admirable car elle portait très haut l’unité des travailleurs, au-delà du statut d’envahisseurs et d’envahis, au-delà des uniformes opposés. Elle indique la nécessité pour les travailleurs de conserver leur autonomie lorsqu’ils participent à une alliance avec la bourgeoisie. Car alliance ne signifie pas fusion. Par exemple il faudrait des drapeaux rouges lors des manifestations de soutien à l’Ukraine. Ne pas laisser qu’à la seule OTAN le soutien à la résistance. Aujourd’hui toutes les organisations ouvrières ukrainiennes, y compris russophones, mènent la lutte contre l’invasion. Au nom de quoi leur dire : vous devriez faire la paix, céder le Donbass, la Crimée ? Si à un moment les travailleurs ukrainiens considèrent que le rapport de force est trop déséquilibré, parce que les armes occidentales font défaut par exemple, que le cout humain est trop grand, qu’il faut une retraite stratégique, alors oui il faudrait aussi les soutenir dans ces choix.
À vrai dire il faut ces drapeaux rouges aussi face au Hamas qui mène la lutte avec de grosses pertes pour les travailleurs palestiniens. Grosses pertes en partie dues à la stratégie terroriste. Voir ce billet du 10 octobre 2023 : L’offensive du Hamas une victoire à la Pyrrhus
Le soutien conjoint aux résistances d’Ukraine et de Palestine, ainsi que le soutien aux travailleurs de l’immigration sont les marqueurs d’une recomposition d’une réelle gauche en France aujourd’hui.