Cependant les souffrances des deux peuples, les dizaines de milliers de victimes, les destructions massives, les « plans de paix » auxquels ils sont acculés, l’absence de débouchés satisfaisants prévisibles obligent à se poser la question de la justesse des stratégies suivies jusqu’ici par les deux résistances. Le billet : Sur les échecs actuels des résistances de Palestine et d’Ukraine se posait déjà la question il y a plus d’un an. Depuis les événements n’ont fait que confirmer sa justesse. À Gaza comme en Cisjordanie la politique génocidaire de l’état fasciste israélien semble se poursuivre sans limite. En Ukraine la pression de Poutine et Trump pour faire accepter le démembrement du pays et l’instauration du régime fasciste russe, au minimum sur la Crimée et le Donbass, semble irrésistible. Il ne s’agit pas de prétendre dire « ce qu’il aurait fallu faire », mais au moins tirer des leçons de ces luttes, y compris des échecs.
1) Tout d’abord comme indiqué plus haut il ne faut pas perdre de vue que ces échecs sont relatifs. Les luttes des deux peuples ont contré les deux impérialismes, soutiens aujourd’hui des offensives fascistes partout dans le monde. Les difficultés qu’ils leur ont créées feront hésiter ces impérialismes avant de se lancer dans d’autres agressions. Quelques soient leurs rodomontades. En ce sens Palestine et Ukraine luttent aussi pour nous, et nous devrions les soutenir plus que nous ne le faisons. Palestine, Ukraine même combat !
2) Les luttes légitimes des peuples palestiniens et ukrainiens ont été menées dans les conditions spécifiques des oppressions qu’ils subissaient. Les résistances se sont donné les directions politiques correspondant à leur état de développement : l’islamisme terroriste du Hamas à Gaza, la fraction d’oligarques nationalistes avec le parti « Serviteur du Peuple » du président Zelenski en Ukraine. Elles se sont appuyées sur les pays capitalistes islamistes du Golfe pour la première, sur le capitalisme occidental libéral pour la seconde. Bien entendu ces peuples continueront à décider de l’orientation de leurs luttes. Mais dans les conditions nouvelles où ils vont se trouver suite aux différents accords négociés par leurs directions actuelles (les plans de Trump « de paix pour Gaza », et « en 28 points » pour l’Ukraine), des orientations nouvelles de la lutte s’imposeront.
3) D’autres part, justement parce que ces peuples luttent aussi pour nous, il est utile, en particulier pour la gauche, de tirer des leçons de leurs expériences et d’évaluer l’efficacité des énormes sacrifices qu’ils ont consenti.
LE TYPE DE SOCIÉTÉ QUE L’ON SOUHAITE
Il semble nécessaire d’avoir pour but de la lutte un type de société qui réponde à la volonté du plus grand nombre : par exemple il est difficile de mobiliser les femmes pour une société future qui risquerait de déboucher sur un régime islamiste de type afghan ou iranien ! L’islamisme mine, divise et affaiblit le peuple palestinien. La corruption, comme le scandale Midas[1] en Ukraine actuellement, mine, divise et affaiblit la résistance du peuple ukrainien. Autrement dit un projet de société démocratique, égalitaire et laïque mobilisera mieux y compris pour la lutte nationale d’indépendance. D’autant plus qu’il répondra aussi aux autres problématiques auxquelles sont confrontées, comme les autres, les sociétés palestinienne et ukrainienne : les inégalités, les menaces écologiques, les risques de crise du système financier mondial, le contrôle de l’Intelligence artificielle, la montée des Bric’s etc. Une grande énergie ne se mobilise que pour un grand but !
L’ORGANISATION AUTONOME DES TRAVAILLEURS
Le type de société pour lequel on lutte détermine le type d’organisation qui dirige cette lutte. Comment éviter la corruption de l’organisation dirigeante quand le type de société affichée comme souhaitée est « enrichissez-vous au maximum » ? C’est pourquoi les partis communistes ont souvent été les meilleurs guides dans les luttes de libération nationale comme en Chine, au Vietnam, à Cuba… Toutes les luttes, en particulier celles pour l’indépendance nationale, drainent des intérêts de classes divers. Il est indispensable au cours de ces luttes, et afin de leur garder leur probité, que les travailleurs maintiennent leur autonomie d’organisation. Par exemple en Ukraine vis-à-vis des oligarques nationalistes, en Palestine vis-à-vis de la bourgeoisie religieuse arabe.
Le type de société que l’on souhaite et le type d’organisation qui mène la lutte permettront d’éviter certaines erreurs stratégiques.
- Dépendre trop exclusivement de soutiens extérieurs, financiers comme militaires ne permet pas de développer une stratégie correspondant à l’état réel du rapport de forces. Lorsque ces appuis extérieurs font défaut, le Qatar pour le Hamas, Trump pour l’Ukraine, la résistance est en difficulté. Il faut avant tout compter sur ses propres forces, définir stratégie et tactiques sur cette base, et secondairement seulement sur les appuis extérieurs.
- Les actes terroristes, s’en prendre aux civils, les tuer ou en faire des otages, si cela permet des « victoires» faciles, sont contreproductifs à terme car ils décrédibilisent la lutte.
- Autant la lutte de la société ukrainienne a été victorieuse au début quand elle s’est levée seule pour empêcher la prise de Kiev le 24 février 2022, autant la lutte conventionnelle, front contre front, la guerre « d’attrition», se révèle un échec et ne peut éviter le grignotage face à un ennemi quatre fois plus nombreux. La résistance dans les régions occupées du Donbass et d’Ukraine sera peut-être le ferment d’une résistance différente au fascisme de Poutine. Elle sera peut-être le ferment d’une résistance dans toute la « Grand Russie » impériale que Poutine essaie de reconstituer, et que Lénine, russe pourtant lui aussi, qualifiait déjà de « prison des peuples ».
Les guerres à mener, si et lorsqu’elles sont nécessaire, sont des « guerres du peuple » comme les leaders victorieux, Mao, Giap, Ho chi Minh, Castro l’ont montré. Pas des actes de terrorisme ou des guerres conventionnelles. « Compter sur ses propres forces », « Être dans le peuple comme un poisson dans l’eau », « La politique commande au fusil », « Être dans son bon droit », « Se battre à l’intérieur des lignes », etc. Ces enseignements de luttes victorieuses du passé seraient à prendre en compte et à réactualiser.
Les résistances palestinienne et ukrainienne se poursuivront, même si c’est dans des conditions différentes. Elles luttent aussi pour nous et leurs enseignements aident à concevoir une stratégie pour la gauche, en particulier pour nous en Europe. Europe dont ces luttes sont si proches. Voir aussi : Sur les échecs actuels des résistances de Palestine et d’Ukraine 28 octobre 2024.
[1] Le ministre de la Justice German Galushchenko, le secrétaire du Conseil national de sécurité et de défense et ex-ministre de la Défense Roustem Oumierov, l'ancien vice‑Premier ministre Oleksiy Tchernichov, l'ex-associé de Volodymyr Zelensky Timour Minditch, Andriy Yermak, son chef de cabinet, sont impliqués dans le détournement de 100 millions de $ dans le secteur de l’énergie.