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Communiste sans parti. Auteur de: "Etrangers, immigrés, bienvenue! vous aussi êtes ici chez vous", "L'Irruption des prolétaires", "Gilets Jaunes une lutte ouvrière décapante", "Réinventer le communisme"

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Billet de blog 28 octobre 2024

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Sur les échecs actuels des résistances de Palestine et d’Ukraine

Gaza dévastée, les camps de réfugiés palestiniens assiégés, le Liban bombardé, la Cisjordanie annexée. L’Ukraine, pays indépendant de plus de 50 millions de personnes, tombée à 30 millions, terre d’un million de tués et blessés, grignotée km par km par l’envahisseur russe. Plus de 10 millions de réfugiés dans chaque cas. Que Trump ou Harris soit élu le 5 novembre, ça ne changera pas la donne.

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Quel que soit leur président les États-Unis ne continueront à fournir finances et armes à l’Ukraine qu’avec réticence, et de toutes façons ne pourront compenser les autres faiblesses, comme celle du nombre de combattants. De même ils continueront à soutenir le corps expéditionnaire israélien dans ses crimes de guerre et tentative de génocide en terres arabes. L’Europe divisée n’aura pas la volonté de compenser le retrait américain en Ukraine et continuera à suivre les États-Unis dans leur soutien à l’agression israélienne. La situation est sombre pour les résistances palestinienne et ukrainienne. Quelles que soient les responsabilités des agresseurs russes et américains il faut admettre que des erreurs ont été commises dans la façon de mener la résistance. Il reviendra aux leaders des deux peuples d’en tirer les leçons. Mais en tant qu’amis et soutiens aux deux luttes nous pouvons et devons participer à la réflexion.

En Ukraine

Les travailleurs, dont toutes les organisations participent à la résistance à l’invasion, sont de fait dans une union nationale dirigée par les oligarques ukrainiens, dont le président Zelenski, sorte de De Gaulle ukrainien, est un remarquable représentant. Ces oligarques à la fois dirigent la résistance et s’attaquent aux droits des ouvriers.

Alors même qu’à la surprise générale le fait politique et militaire majeur en Ukraine a été la mobilisation spontanée et victorieuse du peuple contre l’invasion en février 2022, le conflit a évolué vers une guerre conventionnelle, dépendant de surcroit de l’aide militaire extérieure qui n’est venue qu’au compte-goutte. Cela semble aller à l’encontre de l’enseignement des guerres de libération victorieuses telles que celles menées par Mao et Zhu De en Chine, ou Ho Chi Minh et Giap au Vietnam : « Compter sur ses propres forces ».

Mener une guerre conventionnelle face à un adversaire 4 fois plus gros est un choix stratégique hasardeux, qui semble à l’opposé d’une « guerre du peuple ». Aujourd’hui la résistance ukrainienne est affaiblie par les divisions et la corruption qui la mine et qui se reflètent dans les difficultés de mobilisation, faiblesse majeure bien plus impactante encore que la difficulté d’accès aux armes étrangères.  Alors que les travailleurs sont en première ligne, les favorisés du système se défilent ou trafiquent. La cupidité capitaliste mine la résistance. La leçon à en tirer est qu’il n’y a pas de lutte puissante pour la liberté sans l’égalité et la fraternité. Même pour mener une lutte de résistance nationale, l’idéologie de la mise en commun, du communisme est la plus efficace. Si l’on est mu par l’idéologie capitaliste du profit on est toujours susceptible d’être corrompu. Où s’arrête le principe capitaliste : « enrichissez-vous individuellement » ? Bien sûr des gens qui se disent communistes peuvent aussi être corrompus, mais ayant mis leurs intérêts individuels au-dessus de la cause commune ils cessent alors instantanément d’être réellement communiste.

La position des pays du Sud global

Même si les impérialistes russes et occidentaux finissent par imposer un cessez-le-feu avec partition de l’Ukraine, la lutte continuera. Simplement elle prendra d’autres formes dans l’empire colonial russe. Il est possible que les résistants ukrainiens aient à mener la lutte différemment, au côté des autres peuples, y compris russe, dans cette « prison des peuples » comme Lénine qualifiait en 1914 « la Grande Russie », objectif explicite de Poutine. Poutine est isolé. Il a été condamné à la quasi-unanimité à l’ONU à l’exception de 4 ou 5 pays clients. Ce n’est pas vrai que les pays du Sud global le soutiennent. Ils ont tous condamné l’atteinte au droit international et le non-respect des frontières de l’Ukraine. Ils font du commerce avec la Russie ? Oui et ils font encore bien pire ! ils font aussi du commerce avec les États-Unis et la France ! bien que ces pays soient les « soutiens inconditionnels » de la politique de crimes de guerre d’Israël que ces pays du Sud condamnent également. Ces pays du Sud ont aussi totalement isolé Israël et les Etats-Unis à l’ONU. L’Afrique du sud est le pays qui a porté Israël en Cour de Justice Internationale, néanmoins elle commerce toujours avec les Etats-Unis ! Qui lui en veut pour ça ?

Ces pays du sud où la vie est parfois bien difficile doivent vivre. Ils doivent donc commercer avec l’ensemble du monde, s’ils veulent éviter l’autarcie et la misère auxquels les blocus états-uniens acculent les pays comme Cuba (sous blocus depuis 63 ans !), le Venezuela, l’Iran, La Corée du Nord.

En Palestine aussi

Nous écrivions dans un billet du 13 octobre 2023, 6 jours après le 7 octobre :   

« La victoire militaire du Hamas s’est transformée en défaite politique. Imagine-t-on la jubilation dans le monde entier si le Hamas avait fait sauter le mur de la prison Gaza, investi les casernes, les commissariats, les tanks, fait des prisonniers militaires … sans tuer les bébés, les danseuses, sans prendre les civils en otages ? » Voir ici.

L’islamisme du Hamas a réduit l’appui que mérite la cause palestinienne. Lui aussi en s’appuyant principalement sur les aides financières et militaires extérieures, Iran, Émirats arabes unis, il a orienté la résistance palestinienne vers le terrorisme, le sacrifice illusoire des « martyrs » vers le paradis etc. Ce qui a divisé la lutte et aggravé l’ampleur des drames et impasses actuelles. Là encore les enseignements des victoires des luttes précédentes des luttes de libération, des « guerres du peuple », ont été oubliés : Toujours « être dans son bon droit », « se battre à l’intérieur des lignes » : La lutte de travailleurs comme celle des peuples opprimés est une lutte difficile contre des puissants qui détiennent le pouvoir depuis des décennies. Il faut, outre « être dans le peuple comme un poisson dans l’eau », prouver la justesse de sa cause à chaque étape afin d’unir en permanence son propre camp et en conséquence obtenir le maximum de soutien des forces de l’extérieur.

Là aussi la lutte continuera et surmontera les difficultés actuelles. Cette lutte n’a en fait jamais cessé depuis la création d’Israël. Netanyahou a raison dans sa polémique avec Macron : l’ONU proclame formellement le partage de la Palestine fin novembre 1947 par 33 voix contre 13 et 10 abstentions sous pression des États-Unis, « les moyens de coercition exercés sur les pays confinaient au scandale » indiquait James Forrestal, secrétaire à la Défense des États-Unis en 1947. Contrairement à la France la Grande Bretagne tient bon et s’abstient. Mais c’est bien la guerre d’extermination déclenchée par le corps expéditionnaire israélien en 1948 qui déclenche la Nakba, l’expulsion de 800 000 palestiniens de leurs terres et la proclamation d’Israël par le travailliste Ben Gourion en mai 1948.

La lutte du peuple palestinien continuera mais devra, elle aussi tirer la leçon des échecs. La direction religieuse irrationnelle et sa stratégie terroriste devra être écartée. Les directions islamistes terroristes comme Daech, Al Qaeda, n’ont mené les peuples qui les suivaient qu’à des échecs. Même lorsqu’une victoire tactique est emportée comme en Iran ou en Afghanistan, c’est une catastrophe pour le peuple et en particulier pour sa moitié, les femmes. Une direction laïque, rationnelle, dégagée de l’obscurantisme religieux, comme en Chine ou au Vietnam, est une des conditions de la victoire. En Algérie également ce ne sont pas les islamistes, apparus après la bataille, qui ont mené à l’indépendance de 1962. Autant s’appuyer sur l’idéologie et les enseignements de ceux qui ont mené au succès !

Pour nous aussi

Les résistances de Palestine et d’Ukraine sont riches d’enseignement : Pour mener au succès une lutte de libération nationale, pourtant alliance de plusieurs classes, en particulier bourgeoisie et classe ouvrière, il vaut mieux s’appuyer sur une idéologie rationnelle communiste. À plus forte raison, au moment où le pays leader du capitalisme occidental envisage d’élire un « fasciste », selon les propres termes de ses anciens collaborateurs, l’horizon pour nos luttes est bien de dépasser ce capitalisme. Le projet communiste[1], porteur depuis toujours des revendications d’égalité et de fraternité, utile et efficace même pour mener les peuples à la liberté, se voit aujourd’hui porteur également de la défense de certains acquis du capitalisme démocratique que ce dernier se révèle incapable de préserver : un état de droit, la défense des libertés individuelles, le respect du droit de vote étendu à tous, une justice impartiale, la réelle égalité homme / femme…

[1] Jacques Lancier : « Réinventer le communisme, un communisme démocratique, écologique, européen, internationaliste », Amazon 2018.

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