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Billet de blog 18 février 2017

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Democrado, de la république des illusions au franc foutage de gueule

Bienvenue dans la France de 2017. Bienvenue en terre démocratique ! Bienvenue au pays des droits de l'homme... politique (Homo Magouillus Selfishus) ! Cette tribune est un coup de gueule contre les scandales politiques en cours et, plus encore, contre l'effarante absence de réaction du peuple et des grands médias face aux provocations indécentes qui s'accumulent.

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C'est la lecture d'un simple article qui me fait écrire cette tribune. Un tout petit article, de rien du tout, dans Mediapart, l'un des rares journaux qui fait encore du journalisme (de l'investigation si vous préférez). L'article en question s'intitule "Le parlement facilite la vie des fraudeurs financiers". On y apprend que nos députés ont voté, en toute discrétion, le jeudi 16 février, un minuscule amendement proposé par le ministre... de la justice, Jean-Jacques Urvoas. Bon l'amendement ne touche à trois fois rien. Il ne fait que définir une prescription, qui n'existait pas jusqu'alors, pour les délits financiers (toute ressemblance avec l'actualité récente est fortuite, évidemment). On croit rêver non ? En pleine affaire Fillon ? En plein blabla sur la moralisation de la vie politique ? Par le ministre de la justice lui-même ? Allez, je vous donne quelques exemples des faits triviaux concernés par ce texte, histoire de vous faire marrer un peu : corruption, abus de biens sociaux, détournement de fonds publics ou privés. Hahahaha, génial non ?! Quel sens du timing, quelle audace insolente ! Chapeau les artistes, fallait oser, quand même ! S'il y avait une coupe du monde du foutage de gueule, le ministre de la justice - et l'ensemble des députés, puisque le texte a été voté - devraient s'y inscrire de toute urgence. Nul doute qu'ils seraient désignés vainqueurs avant même le début des épreuves.

Essayons donc de prendre un peu de recul pour contextualiser cet événement et lui donner du relief. Si vous n'aimez pas les articles longs, arrêtez votre lecture ici et faites tourner l'article Mediapart précité, vous aurez déjà contribué à faire vivre une démocratie digne de ce nom.
2016 et 2017 sont décidément des années charnières. Nous sommes à la fin d'un cycle et les signes qui le montrent sont nombreux. De la crise financière à la crise migratoire, de l'émergence des mouvements citoyens aux dernières élections surprises - Grèce, Brexit, Trump à l'échelle mondiale, éjections de Sarkozy, Juppé, Hollande et Valls à l'échelle hexagonale - tous les événements récents ne sont que les témoins d'un système à bout de souffle. Ce système qui craquèle dans tous les sens doit se réinventer radicalement... ou mourir ! Y-a-t'il d'ailleurs une réelle différence entre ces deux options ? Se réinventer radicalement, n'est-ce pas finalement repartir de zéro, renaître ?

La fin d'un monde est toujours délicate, parce que l'inconnu fait peur, parce que tout est à réinventer, parce qu'émergence du nouveau veut dire remise à plat d'un système et donc redistribution des cartes. La fin d'un monde fait peur, aussi, parce qu'elle souligne cruellement les fossés qui se sont creusés entre une majorité contrainte par le système et une minorité à sa tête, qui en détermine les règles... et en profite trop souvent. L'affaire Fillon n'est qu'une illustration de ce phénomène. La manière dont l'affaire a été traitée par le candidat et ses communicants dans les premiers jours du scandale en témoigne : ils n'ont pas ou peu réagi ne mesurant aucunement la portée des révélations dans l'opinion. Ce décalage, cette inconscience, sont sidérants bien au-delà du scandale en lui-même. Ils disent tout de l'état de notre démocratie : le suffrage universel français a aujourd'hui le potentiel de porter à la tête du pays un homme ou une femme en déconnexion totale avec le citoyen lambda ! Il apparait aujourd'hui clairement - au-delà des Fillon et de la droite (la gauche ne fait pas mieux) - que le peuple français (et certainement les peuples du monde, l'exemple Roumain en est un nouveau signe) expriment une exaspération croissante envers les politiciens profiteurs, envers la corruption qui gangrène la politique et les affaires.

Ces scandales à répétition sont triplement mortels. En premier lieu, ils démobilisent les citoyens, lassés de tant d'immoralité et de discours contradictoires. Deux réactions en découlent, la démobilisation totale (ne plus voter) ou le vote réactionnaire (le tous pourri légitimé à chaque nouvelle révélation). En deuxième lieu, ils occultent le débat politique "normal" qui devrait avoir lieu dans le cadre d'une élection présidentielle. Quand les communicants s'emploient à faire oublier l'affaire, il faut frapper fort, il faut divertir efficacement (taper sur la presse, sur la justice, trouver des embrouilles chez les concurrents en lice, etc...). Constatons que la communication de crise, l'allumage de contre feux, est rarement propice à des débats de fond sereins contribuant à dessiner l'avenir du pays. Venons en au troisième point qui est le plus important et de loin le plus dangereux. Les hommes politiques prennent enfin (!) conscience de la défiance généralisée qui s'est développée envers ce qu'ils représentent : des professionnels de la politique qui servent leurs intérêts propres avant de servir la nation. La conscience citoyenne qui émerge, qui rêve de mettre en place un monde plus juste, plus participatif, plus égalitaire, menace directement l'équilibre du système archaïque, poussiéreux mais opulent dans lequel ils vivaient jusqu'ici dans une tranquille opacité. Nos professionnels de la politique voient, en somme, arriver la fin d'un monde qui leur a toujours garanti statuts, avantages et privilèges. Ce climat de fin de règne est à l'origine des actes les plus dangereux, les plus pernicieux : les  politiciens en sont aujourd'hui au stade où ils détournent sciemment le débat démocratique des vraies questions qui se posent. Tout est fait pour éviter une question à la fois primordiale et refondatrice : "comment remettre à plat les choses et construire un nouveau système adapté aux aspirations actuelles des citoyens ?". Comment, ça n'est pas cela la République ? Ca n'est pas cela que les "représentants du peuple" sont censés faire ?

Illustration 1
Démocratie et illusions - image freepik.com

Il est intéressant et instructif de regarder à cet égard les thématiques amenées au débat à deux mois de l'élection présidentielle. Voyons donc ce que nous avons à la carte dans les médias dominants. Le chef vous propose, en apéro, l'immigration, les réfugiés, le terrorisme (avec un bon amalgame entre les trois, ça ne mange pas de pain !). L'entrée est composée des ingérences étrangères et de la cybercriminalité (bouhhh les méchants Russes ! Voir à ce sujet cet article). Continuons avec, en plat principal, un ptit sujet sur les banlieues, délicatement saupoudré d'immigration hein, faut bien faire passer le message : la France est envahie. Côté fromage ensuite, nous trouverons un article sur le chômage (les Français ne bossent pas beaucoup et sont fainéants) ou sur la dette publique (les Français coûtent vachement chers au système, démolir le pacte social est une priorité, on n'a de toute façon plus les moyens pour toutes ces conneries). La feuille de salade accompagnant le fromage mentionnera les assistés (pas ceux en cols blancs, faut pas déconner non plus, on sait que la fraude fiscale coûte bien plus que la fraude sociale mais chuuuuut). Allez ma bonne dame, mon bon monsieur, je vous mets en dessert un sujet Europe ou accord CETA, et ça ira comme ça hein ?! Oui oui l'addition arrive !

Que retirer d'un tel "menu" ? Rien ne vous choque ? Ne voyez-vous pas que nous sommes au pays des dangers illusoires ? Ces dangers qui viennent soit des autres (les réfugiés, les Russes, l'Europe, les traités...) soit des citoyens eux-mêmes (nous citoyens fainéants qui attendons tant de l'Etat et sommes réfractaires au changement) ? Ne voyez-vous pas que les sujets proposés sont toujours... les mêmes, d'une élection à l'autre, d'une mascarade à l'autre ? Ne voyez-vous pas que le cancer des magouilles, de la corruption, des avantages conférés à nos puissants n'est jamais discuté, sérieusement ? Ce mal souterrain est pourtant le mal premier : il ronge la démocratie, les notions de représentativité, d'exemplarité, du sens de l'effort qui sont à la base du socle républicain, à la base de la confiance même dans les institutions. Ce mal est infiniment plus toxique que toutes les maladies plus ou moins imaginaires exhibées pour divertir ! Faire peur, se poser en victime d'entités extérieures, condamner l'autre, monter les gens les uns contre les autres... Pourquoi toutes ces fables si ce n'est pour éviter de remettre en cause le système politique tel qu'il existe ? Le troisième poison mortel est bel et bien celui-ci : le poison de la diversion et de la division permanentes des citoyens. Organiser une mascarade, une grande illusion démocratique est des plus pratique lorsque l'on veut prolonger le système et surtout ne rien changer.

Il est urgent de réagir, de s'indigner de ces affaires qui tuent, doucement mais sûrement, notre démocratie. Il est urgent d'imposer une règle élémentaire : la délégation de pouvoir qu'accordent les citoyens à des représentants a une contrepartie indiscutable. Celle de la transparence totale et de l'exemplarité. Le métier d'homme politique n'est pas un métier comme un autre, quoi que l'on ait pu entendre ces dernières semaines. La sphère publique œuvre pour les citoyens avec l'argent des citoyens : à statut d'exception, régime d'exception. Imposer la transparence et l'exemplarité est vital, c'est ce qui permettra d'exorciser le mal premier précédemment décrit. C'est ce qui restaurera crédibilité, légitimité, égalité et solidarité. L'objectif n'est pas de tomber dans un puritanisme béat. L'enjeu est de créer les conditions qui permettront de ressouder le pays, de mener des réformes d'ampleur, de préparer le futur de la France. Comment le faire sans un solide socle de valeurs partagées ?

Alors que les Américains sont contraints de réagir après coup avec Trump, les Roumains ont magistralement rappelé qu'une république ne peut pas vivre sans pouvoir citoyen. Que faut-il faire pour que les Français bougent, se réveillent quand on se fout ouvertement de leurs gueules ? Faut-il encore dix scandales Fillon, avec des montants détournés supérieurs (qui ne seront plus poursuivis en justice puisqu'il y aura prescription grâce à l'amendement miracle à l'origine de cette tribune) ? Faut-il cinq ans de Le Pen ? Faut-il des signes plus forts encore que notre démocratie se meure ? Des manifestations contre la corruption sont organisées ce dimanche 19 février, dans plusieurs grandes villes de France. Mobilisez-vous, à votre échelle, avec vos moyens et vos manières de faire (perso c'est l'écriture, les coups de gueule, le partage d'articles d'investigation, mais chacun peut faire quelque chose !).

Mobilisez-vous parce que VOUS êtes citoyens. VOUS êtes la nation. VOUS pouvez, à votre échelle, agir pour changer les choses !

VOUS pouvez déplorer, chaque jour, que la France décline, s'enfonce dans une Démocrado qui se fout de votre gueule ouvertement.

VOUS pouvez aussi décider, maintenant, de réagir parce que cela doit changer.

A nous de jouer, amis citoyens !

* * * * *

a) Contenu du texte incriminé voté à l'Assemblée Nationale :
http://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2016-2017/20170120.asp#P976833
Proposition : adoptons comme les communicants de crise la stratégie de diversion : "à qui profite le crime ?" Cela implique de se renseigner sur les députés ayant voté le texte. La rubrique "vote sur l'ensemble" du compte-rendu ci-dessus n'est pas remplie et je n'ai, pour le moment, pas la réponse à cette question. Le vote a peut-être été fait à main levée. N'hésitez pas à intervenir en commentaire si vous pouvez m'aider à clarifier ce point.

Complément d'information du 20 février : cette investigation a finalement donné lieu à un article à part entière sur la notion de transparence, tant le sujet est riche de rebondissements !

b) Manifestations de ce dimanche 19 février :
http://www.contribuables.org/2017/02/rassemblement-contre-la-corruption-ce-dimanche-19-fevrier-a-paris/
https://www.facebook.com/events/1511317512225416/

c) Complément d'information du 20 février concernant le point précédent. Une page Facebook a été créée suite aux manifestations d'hier afin de pouvoir préparer et coordonner les prochains événements. Tout cela n'est qu'un chantier mais il faut bien un début.
https://www.facebook.com/Contre-la-Corruption-Des-Elus-1136560309786952/

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