LES FAITS ET LEURS INTERPRÉTATIONS
Les faits sont simples : une démission surprise annoncée à l'occasion d'une invitation dans la matinale de France Inter. Les interprétations en ont été nombreuses, de LREM qui les a imputés à l'inconstance de Hulot et à son caractère incontrôlable, à d'autres beaucoup plus sévères qui ont mis en avant ses contradictions et ses convictions à géométrie variable, en passant par tous ceux, les plus nombreux, qui l'ont félicité "d'avoir essayé" et qui ont apprécié de le voir dénoncer l'immobilisme du gouvernement et en tirer les conséquences. Faisons le tri.
L'inconstance est sans doute l'explication la moins crédible. Que Hulot ne soit pas très fort de caractère, il l'a lui même reconnu en disant qu'il n'avait pas prévenu Macron de sa décision de peur que celui-ci ne le fasse revenir dessus. Mais il sait néanmoins fort bien ce qu'il veut, il l'a montré dans la conduite de ses affaires et dans l'efficacté de la valorisation de son image. Peut-être faudrait-il parler plutôt d'un fond de naïveté qui lui a peut-être fait croire qu'il pouvait seul infléchir la politique de tout un gouvernement. Sa phrase sur l'absence d'une équipe autour de lui tendrait à le montrer. Espérait-il que les ex-EELV devenus macronistes allait le suivre par la seule grâce de sa présence alors qu'ils avaient déjà trahi la cause écologiste pour un plat de lentilles ? Ou que son prestige et sa cote de popularité soit la même à l'Assemblée Nationale et chez les hauts fonctionnaires que dans l'opinion publique ? En plus de la naïveté, on pourrait aussi y voir la marque d'un ego quelque peu hypertrophié...
Les jugements sévères ont aussi une légitimité certaine (voir par exemple ici et là les excellents billets d'Olivier Tonneau en Une du Club et en tête des recommandations). Hulot n'est pas à une contradiction près et son train de vie, son sens des affaires qui a allègrement conjugué émission de télé et marque homonyme avec des méthodes qui ne devaient pas grand chose à l'écologie (voir ici sa déclaration de patrimoine...), en témoignent. Et l'image du naïf qui a cru à la bonne volonté des hommes politiques (avant Macron il y avait eu Chirac et son "Notre maison brûle...") ne résiste guère à l'examen de ses déclarations et de ses actes. Outre l'inconséquence patente de l'homme, on peut y voir en plus un certain cynisme. En effet, après s'être construit une image de défenseur de l'environnement (basée plus sur sa notoriété que sur des actions tangibles) au dessus des partis, il a d'abord tenté d'être le candidat des écologistes en 2011 (après avoir soutenu Chirac auparavant...) pour finir par accepter ce poste auprès de Macron dont le programme sur l'écologie était des plus minces. Pensait-il vraiment avoir une chance, seul contre tous, d'y bousculer les habitudes ou n'a-t-il plutôt tout simplement constaté qu'il y avait là une opportunité de sortir de ce statut sclérosant de bonne conscience nationale incapable d'aller au-delà des mots, et de raviver par là-même un image de marque en déclin ?
N'étant pas amateur de simplisme en matière de psychologie, je pense qu'il y a un peu de tout ce qui précède dans la conduite de Hulot mais avec une constante, le soin qu'il apporte à son image. D'où la question :
ET MAINTENANT, QUE FAIRE DE NICOLAS HULOT ?
Il est en effet plus que probable qu'il n'arrête pas la sa carrière politique. D'autant que son aura sort visiblement renforcée de cette séquence auprès d'une grande majorité de français. Il faut reconnaître que, même si sa démission a eu un aspect spontané, son tempo a été particulièrement bien choisi. Profiter de la rentrée pour quitter avec fracas un navire qui a pris l'eau tout l'été ne doit peut-être pas grand chose au hasard et a été d'une grande efficacité. Il faut donc s'attendre à le voir tester un éventuel soutien à différentes formations politiques susceptibles de l'accueillir.
Mais cet accueil n'ira pas sans risque. Tout d'abord parce que l'image de Hulot, celle qu'il a de lui-même comme celle qu'il veut avoir auprès de l'opinion publique sont pour lui sacrées et qu'il n'hésitera pas à torpiller un gouvernement, fût-il sincèrement écologiste, qui la remettrait en cause. Ensuite parce que ses convictions politiques sont encore moins stables que ses convictions écologiques et qu'il n'y a rien de certain à ce qu'il ait la même intransigeance (par exemple vis à vis des grands groupes qui sponsorisent ou ont sponsorisé sa fondation) s'il avait véritablement le pouvoir que celle dont il a fait preuve lors de cette interview. Un Hulot trop bien installé pourrait vite devenir embarrassant. Il peut certes être alléchant de l'attirer à soi en raison du potentiel de sympathie qu'il représente mais il faudra bien prendre garde à ne pas se laisser déborder et à perdre son âme pour un plat de lentille électoral.