...voici énumérés quelques fourbes dont il fut déjà mention en notre chronique, augmentés de quelques autres à titre d'exemplaires nouveaux par nous sélectionnés :
- Laurent du Velay dit Laurent le Fourbe, archi-grand-duc d'Auvergne, grand intendant du duché des Savoies et prétendant à la couronne. Si tant fourbe qu'en sa fourberie il s'embourba lui-même dit-on. On dit aussi que pour autant qu'il soit docteur des universités il n'en était pas moins infatué et sot.
- Gérard de Chalon de Fourvière de Cuire de Caluire du crayon de La Part-Dieu, marquis de la Croix Rousse et seigneur de Lyon, fourbe parmi les fourbes, grand tordu au portrait de fouine mâtinée de rat, qui trahit ceux qui de Lyon lui donnèrent la seigneurie avant que de quitter sans crier gare le navire et le service du roi pour aller guerroyer sur ses terres à l'encontre des assauts du précédent.
- Edouard le Roublard, grand Chancelier du roi après que d'avoir échoué contre lui dans la guerre de succession à François le Commun, au service du prétendant malheureux à porter l'étendard bleu du parti des grands féodaux de hautes lignées. Il fit toutes les écoles qu'il faut pour de la fourberie connaître tous les us et en premier temps loua ses bons offices au blason de la rose. Première anguille.
- Blaise le Gris Veau, pour sa part premier tambour du palais, grand bonimenteur du roi dont il acquit les faveurs pour avoir trahi les traitres au roi François le déchu. Traitre de traitres, se peut-il y avoir pire traitre ? Très vénal, très verbeux et très gris. Avant que d'en courir les salons dorés en pleine lumière, il fut dans les couloirs secrets des ministères émissaire de l'ombre pour quelque douteuse officine mercantile dans le même temps qu'il conspirait à quelques coups fourrés ou de Jarnac, on ne sait, en petite province.
- Marine de Montretrop à qui nous consacrâmes une récente chronique et de qui ne dirons pas plus ici.
- Monsieur de Castagnette le Grand Castagneur, qui mérita comme la ci-devante teu teu teu, tant son grands ses mérites, en rude castagne comme en fines pirouettes que nous nous inquiétions de lui il y a peu et de qui ne dirons donc pas plus ici.
- François le Grand Pleutre, et grand infatué, qui n'eut pour fait d'arme que d'avoir mugit quelque ridicule réprimande depuis un perchoir pour lui bien trop haut et fut cependant remercié en guise de consolation du lot d'un maroquin pour être traitreusement passé dans la guerre de succession du vert à la marche arrière selon parjure si notoire qu'éhonté. Petite vertu.
- Bruno le Chouan, apprenti en enfumage jésuitique. Cauteleux. Il se tient embusqué derrière Laurent le Fourbe, retaillé au cordeau pour faire bonne figure au sortir de ses exploits chez son maître le petit mais fort long marquis, jugez-en, Philippe Marie Jean Joseph Le Jolis de Villiers de Saintignon, grand et furieux papiste nostalgique de la pureté blanche et chrétienne des contrées vendéennes autant qu'affairiste notoire en fumisteries spectaculaires.
- Richard l'anguille, ferré sur ses terres de Bretagne, dans un banc de menu fretin en fuite sentant venir la déroute de François le Commun à la maison duquel il était attaché de longue date. Bonimenteur à l'aise autant qu'affairiste besogneux, ou l'inverse, il profite et se perche avec bonheur sur la charge honorifique autant que pourvoyeuse de bonne rente à lui par le fait du prince octroyée, de grand chancelier du très grand parlement du royaume après en avoir été prévôt des fort nombreux gros idiots.
Mais, de poursuivre l'inventaire il deviendrait fastidieux tant sont nombreux ces tristes faquins, libre à chacun de s'en saisir et de la poursuivre à sa guise...
- Et de Chonchon le Furibond ne nous entretenez point ? (m'interpella le sourcilleux Félix, sieur de Répoutégous en Rouergue très profond).
- C'est que de tout autre affection que de fourberie nous semble bien plus souffrir Chonchon ; de bien des façons et par multiples humeurs. Sans doute en sa figure voit-on Don Quichotte autant que Brighella ou Tartarin, et tantôt Cyrano ou Matamore, sans qu'il soit possible de jamais décider à qui il nous fait le plus penser.
- Et n'est-il point d'autre blason un tantinet rosé à défaut d'être carminé qu'il nous faudrait considérer ?
- Que nenni, en la guerre de succession tous furent éparpillés "façon puzzle" et ne saurait avant longtemps sortir de l'infirmerie.
Mais bientôt ne manquerons pas de vous relater en leurs obscurs recoins les sombres machinations d'Emmanuel le Jupitérien et la suite des incroyables aventures de tous ces tristes sires, tant habiles à rebonds et sottises ils savent se montrer.
Et voici donc en quelle manière et par quel sombre dessein Emmanuel troqua Jupiter pour Apatée.