Et de rester sociable.
La misanthropie me guette.
Je n'en peu plus de tous ces anathèmes, de toutes ces invectives qui font actuellement le quotidien de notre débat public national.
Dans une course effrénée à la bêtise et à l'irresponsabilité, chacun devient désormais le facho ou l'abruti de l'autre.
Et nous, lecteurs ou auditeurs modestes, sommés de gober autants de logorrhées argumentatives et savantes, assorties d'exemples et citations probantes, pris en otages de tous ces grands et beaux esprits qui se croient autorisés à nous dire ce que nous devons penser, et finalement incités à fociférer des horreurs dans l'indescriptible brouhaha d'une république qui se chie dessus.
Merde !
Ils me gonflent !
Que savent-ils mieux que nous de la vie et de ses réalités ? Quelles sont leurs expériences ? En quoi vaudraient-elles plus que les nôtres ?
Ainsi le dernier billet de Philippe Marlière dénonçant à juste titre l'outrance du premier, met-il implicitement face à face Jacques Julliard et Edwy Plenel.
L'auteur du "parti collabo" contre celui du "vêtement comme les autres".
Je ne connais pas Julliard (ne l'ai jamais lu, son bouquin sur "les gauches françaises" m'attends toujours sur une étagère, et ses interventions radiophoniques ou télévisuelle m'ont toujours laissé l'impression d'une bonhommie catho de surface, un peu dans la panade pour se mettre à jour).
J'ai plutôt de la sympathie pour Plenel... sauf quand il me gonfle.
Et voilà qu'ils s'y mettent à deux pour me gonfler. Deux solistes prêcheurs dans le vacarme débridé d'un affrontement d'orchestres.
Orthodoxes contre authentiques, laïcité en bandoulière et roule ma poule.
Marlière a donc parlé d'outrance à propos de Julliard. Que dire de plus ? Si, peut-être... délire.
On perd la raison.
Mais le "vêtement comme les autres" ne fut-il pas également outrancier ?
Certes, c'était une expression volontairement provocatrice quoique irréprochable en droit, à vocation probablement pédagogique... mais pour le coup un volontarisme disons, un peu taurin. Et qui, aveuglé par le chiffon, fonce sur la lame.
Ça doit être la chaleur qui les gagne. Ebullition sous le capot.
Rester froid.
Garder un peu de distance.
Faire le tri.
C'est quoi qui fout la merde ?
Oui, car sauf à plonger dans la mêlée ardente des procès d'intention sans fin, il faut bien trouver une, ou des explications.
Que tel ou tel, parmi l'incroyable cohue des experts de la pensée qui va bien, ne soit pas tout à fait sincère et nous enfume, c'est possible, voire probable.
Y compris à l'insu de son plein gré si ça se trouve.
Mais que la duplicité s'empare du commun, de la masse des vulgaires que nous sommes, certainement pas.
Alors ?
Alors avec Maurice nous dubitons...
La lutte des femmes pour leur émancipation...
La liberté de croire... on de ne pas... et dans tous les cas de pouvoir le dire...
La résurgence du racisme et la permanence des ségrégations sociales post-coloniales...
Les prosélytismes et les fanatismes religieux...
Les manipulations électoralistes et la dérive liberticide...
Il n'y a rien à jeter.
Et sans doute en avons-nous oublié ?
Peu importe, la coupe est déjà bien pleine.
Alors faut-il trier ?
Faut-il hiérarchiser, prioriser ?
C'est compliqué.
On dirait que ça demande réflexion.
Un tantinet approfondie.
Et si on contextualisait la dispute ?
La France, ce petit bout de territoire européen en crise dans un monde en crise.
La France avec ses prétentions ridicules et ses blessures narcissiques, sa crise sociale, morale, politique, institutionnelle.
Et si on recontextualisait 1905... la loi de séparation...
Alors peut-être pourrions-nous concevoir qu'il n'y a pas lieu de se ranger dans un camp ou dans l'autre.
Qu'en réalité tous les combats à mener sont légitimes, qu'ils n'ont de sens qu'en association, selon des enjeux aux temporalités et aux réalités territoriales distinctes et doivent être conduits avec pragmatisme selon des voies et des calendriers à superposer, connecter et articuler, et non à opposer.
C'est compliqué.
C'est trop pour tout un chacun.
Oui, c'est sûr, mais il faut cependant élaborer les cohérences.
Et c'est finalement le seul reproche que je persiste à adresser à nos animateurs patentés du débat.
Vous gaspillez vos forces et surtout vous dilapidez les nôtre, entrainées dans vos querelles tous comptes faits irresponsables.
Quand prétendant nous conduire, vous nous perdez.
Et la question qui tue vaut toujours : à qui profite le crime de la discorde ?
( J'aime bien la dernière contribution de Philippe Pierpont : "Langage des maux")