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Billet de blog 26 juillet 2023

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Les composantes de l'extrême-droite française

L’extrême-droite porte en elle le fascisme comme la nuée porte l’orage. Il ne faut pas attendre que l’orage éclate. Le fascisme doit être écrasé dans l’œuf. Il faut combattre l’extrême-droite pour se débarrasser de tous les germes dont il faut craindre l’éclosion.

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 Le danger

Illustration 1

L’extrême-droite porte en elle le fascisme comme la nuée porte l’orage. Il ne faut pas attendre que l’orage éclate. Le fascisme doit être écrasé dans l’œuf. Il faut combattre l’extrême-droite pour se débarrasser de tous les germes dont il faut craindre l’éclosion.

La méthode pour le combattre c’est la réalisation de l’unité la plus large contre ce danger. Trotsky écrivait :

« C'est précisément dans ce sens (la recherche de l’unité) que j'écrivais - avec l'intention délibérée de susciter l'effroi sincère ou l'indignation feinte des imbéciles et des charlatans, - que, dans la lutte contre le fascisme, nous étions prêts à conclure des accords pratiques militants avec le diable, avec sa grand-mère, et même avec Noske et Zörgiebel (Les deux sociaux-démocrates qui avaient organisé la répression contre les spartakistes) »

Il faut se souvenir que la principale cause de la prise du pouvoir par Hitler en 1933 a été la division de l’opposition principalement entre les socialistes du SPD et les communistes du KPD. J’ai expliqué tout cela dans un article intitulé : « Staline ouvre la voie à Hitler et à la liquidation des communistes allemands ». Il faut s’unir pour combattre le fascisme et, dès maintenant, combattre l’extrême-droite.

Aujourd'hui, l'unité est possible. La preuve en est que les 8 organisations syndicales françaises (CFE-CGC, UNSA, CFDT, CGT, FO, Solidaires, FSU, CFTC) ont choisi de s'exprimer ensemble en faveur des ukrainiens et d'avoir des actes de solidarité communs pour venir en aide à la résistance ukrainienne contre l'envahisseur. Au même moment, toute l'extrême-droite soutient Poutine après avoir soutenu El-Assad.

Tous les groupes de l’extrême-droite européenne sont derrière Poutine comme ils étaient derrière El Assad. Nous retrouvons notamment :

  • En Italie, le groupe néo-fasciste Casa-Pound appuyé par une autre organisation d'extrême-droite : "Forza Nuova".
  • Au Royaune-Uni l’UKIP (Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni), un parti de la droite nationaliste et xénophobe allié au British National Party (BNP).
  • En Pologne, les fascistes du groupe Falanga.
  • En Grèce, Aube dorée avec les fascistes de Black Lilly.
  • L’European Solidarity Front qui regroupe diverses organisations fascistes et fascisantes de toute l’Europe (National Rebirth of Poland, Casa Pound, Black Lilly…).
  • En Allemagne l’AfD (Alternative für Deutschland. Alternative pour l’Allemagne).
  • En Belgique le Vlaams Belang (parti flamand d'extrême-droite).

Le ciment de l’extrême-droite

Depuis l’invasion de l’Ukraine, le ciment de l’extrême-droite est assurément sa totale adhésion à la politique de Poutine. Celui-ci représente dans leur imaginaire collectif une stature peu commune, le modèle du leader fort, déterminé à combattre. Il devient le symbole de l’extrême-droite qui veut une internationale nationaliste autoritaire. Il défend les valeurs de « l’occident chrétien » en s’opposant à la « dégradation des mœurs » des « pays décadents ».

Illustration 2

Les défenseurs de Poutine

Il s'agit d'abord d'une fascination pour la violence, pour cette puissance que Poutine veut abattre sur ceux qu’il a décidé de punir sans craindre les jugements du monde. Ils répètent à l’envi la métaphore de l’ours, animal puissant et gentil, qui devient redoutable contre ceux qui l’ont énervé. Poutine est donc toujours pour eux en état de légitimité. S’il agresse c’est parce qu’il a été provoqué. Il peut raser des villes entières comme Grosny, Alep ou Marioupol. Ses « opérations meurtrières spéciales » sont pleinement justifiées pour punir les populations qui lui résistent. Son ultra-nationalisme de Grand-Russe et sa soif de reconquête du grand Empire des tsars est un exemple pour tous les nostalgiques des guerres d’expansions des empires coloniaux. Poutine est désormais le prototype de l’excellent chef d’état nationaliste et anticommuniste. Nostalgique d’un ordre antérieur où personne ne défiait l’autorité russe, il veut éliminer tous les obstacles à sa soif de reconquête. Il agit au nom d’une « dénazification », prétendant ainsi prolonger la lutte contre le nazisme lors la seconde guerre mondiale. Il falsifie au passage l'histoire en attribuant au seul peuple russe la victoire contre le nazisme alors que, même en ne s'en tenant qu'au front de l'Est, ceux qui se sont sacrifiés étaient souvent tyrannisés par Staline notamment les peuples d'URSS massivement déportés (Tatars de Crimée, Arméniens, Tchétchènes, Ingouches, Kalmouks, Karatchaïs, Meskhètes... ) De plus, c'est faire bien peu de cas du fait que c'était une guerre mondiale. Les admirateurs de Poutine oublient, à l’image de leur dieu, que cette guerre contre le nazisme n’aurait jamais pu être gagnée sans les débarquements en Afrique du Nord, en Sicile, en Italie, en France et sans les victoires de l’Atlantique, du Pacifique, du Sahara…

Admirateurs sans limite du tyran, ils boivent ses paroles comme si elles venaient d’un Dieu. Ils n’émettront jamais aucune critique contre lui. Ils n’ont plus aucun discernement personnel et répandent la divine propagande sans compter. Ils lui sont entièrement soumis et préoccupés de satisfaire ses désirs : récupération des territoires perdus, domination de la Russie...

Ils ne se contentent pas de justifier et d’approuver sa politique. Ils le vénèrent et le glorifient. Ils se plient en quatre pour répéter et justifier les énormes mensonges de Poutine : « C’est Lénine qui a inventé l’Ukraine », « Les américains avaient promis que l’OTAN ne s’étendrait pas à l’Est » … Ils n’hésitent pas à se rouler dans la fange pour inventer les pires sornettes qui pourraient justifier ces mensonges (Voir notamment à ce sujet mon article "Les poutinolâtres en remettent une couche"). La fin justifie les pires moyens s’il s’agit de confirmer les propos de leur Dieu. Ils sont prêts à mentir et à falsifier à leur tour en déployant pour cela des records de fourberies en tout genre. Chez eux, perfidie, ruse, trahison et tromperie deviennent des qualités quand il s’agit de servir Poutine. Aucune nuance critique ne trouve place dans leurs discours sur leur héros.

L’extrême-droite traditionnelle

L’extrême-droite française est issue du pétainisme et du nazisme. Après la deuxième guerre mondiale, les ultra-nationalistes et les fachos, remis pour la plupart sans grands dommages de l’épuration, se sont lancés dans la défense de l’empire colonial en déclin. Avec la guerre d’Indochine, ils ont trouvé un nouveau créneau pour défendre la grandeur de la France contre des ennemis de l’occident chrétien. Ensuite, pour se remettre de la défaite de Dien Bien Phu, ils ont immédiatement trouvé d’autres ennemis en Algérie. Pour garder toute sa grandeur la France devait s’étendre de Calais jusqu’à Tamanrasset. C’est dans ces combats que Jean-Marie Le Pen a commencé à se faire connaître.

La famille Le Pen représente maintenant l’extrême-droite traditionnelle avec le Rassemblement National qui s’appelait, il y a peu de temps, le Front National. Ce parti, créé en 1972, est resté groupusculaire jusqu’à ce que Mitterrand décide d’en faire un grand parti capable de concurrencer la droite traditionnelle. Il suffisait pour cela de l’inviter régulièrement à la télé. Nous le savions depuis longtemps : « les bandes fascistes prolifèrent à l’ombre des gouvernements de front populaire » et « les gouvernements de front populaire fraient la voie au fascisme ». La politique de Mitterrand a été parfaitement réussie. Lionel Jospin en a subitement pris conscience en 2002 quand Jean-Marie Le Pen a pris la place qu’il se croyait réservée au second tour de l’élection présidentielle.

Aux élections présidentielles de 2017 et 2022, il était acquis, dès le premier tour, que Marine La Pen serait présente au second tour avec au moins 20% des suffrages exprimés. Jean-Luc Mélenchon a fait preuve d’une grande intransigeance pour refuser qu’il y ait un candidat unique du mouvement ouvrier au premier tour. Il a ainsi, assuré deux fois la victoire de Macron alors que les partis de la classe ouvrière étaient les mieux placés à condition de les réunir sur un seul candidat dès le premier tour (voir « Bilan de l’élection présidentielle »).

Depuis lors, le RN/FN est le principal parti d’opposition faisant ainsi de la France le pays européen le mieux loti en forces d’extrême-droite diverses. Les néo-nazis français sont en force à l’abri de cette extrême-droite mais ils ne se déclarent pas comme tels. Cependant, ils apparaissent dans certaines manifestations du FN/RN comme le 8 mai 2011 ou en cortèges séparés comme le 6 mai 2023.

Illustration 3

Les électeurs de la famille Le Pen appartiennent à divers courants de l’extrême-droite. En particulier, lors de la dernière élection présidentielle Zemmour est venue faire concurrence à Marine Le Pen au premier tour. Mais, force est de constater que l’extrême-droite française ne se limite pas aux néonazis ou aux défenseurs de Zemmour et Le Pen. D’autres composantes de l’extrême-droite sont apparues. Nous allons les passer en revue.

Illustration 4

Le 12 mai 2013, les JNR défilent à Paris avec Serge Ayoud lequel accueille Asselineau dans son bar pour qu'il y tienne une réunion de l'UPR

L’UPR : nouvelle composante de l’extrême-droite

Nous trouvons notamment parmi ces composantes l’UPR avec son leader Asselineau. Les masques sont tombés en ce qui concerne cette organisation. L’UPR n’affiche plus la politique qui lui avait permis de présenter Asselineau comme candidat aux élections présidentielles de 2017. Les vieux slogans sont abandonnés. Ils ne servaient qu’à bluffer pour ratisser large. Il n’est plus question de rassembler sans clivage gauche-droite. Le soutien aux pires dictateurs, El Assad et Poutine, en est une preuve flagrante. Il n’est plus question non plus de ne pas se prononcer sur les questions clivantes. A propos de l’épidémie du COVID, Asselineau a émis des avis catégoriques et tranchés sur pratiquement toutes les formes de prévention et de traitement. Il s’est campé comme le plus éminent spécialiste de la question. Il ne reste rien non plus des discours sur le CNR (Comité National de la Résistance). Aujourd’hui, si un CNR devait se reconstituer ce serait non seulement malgré Asselineau mais ce serait même contre Asselineau. Il est en effet d’ores et déjà acquis que toutes les organisations syndicales sont contre lui puisqu’elles se sont prononcées pour le soutien à la résistance ukrainienne contre l’invasion de la Russie. De plus, la politique interne de l’UPR a été contestée par tous les cadres. Ils étaient traités par Asselineau comme Poutine traite les autres oligarques. Les principaux dirigeants ont déserté bientôt suivi par les trois quarts des militants.

Asselineau montre maintenant son vrai visage. La cohérence est totale avec ses anciennes amitiés comme Longuet et Pasqua. Asselineau ne cache pas sa proximité avec Florian Philippot qui était l’un de ses invités lors de la soirée festive qu’il a organisé à l’occasion du Brexit. La différence entre Philippot est Asselineau tient  essentiellement au fait que Philippot ne dissimule nullement qu’il est d’extrême-droite. Asselineau veut, quant à lui, nier son appartenance à l’extrême-droite en exhibant que l’UPR a été classée par le ministère de l’intérieur dans les « divers ». Comme si le choix du ministère de l’intérieur avait un quelconque intérêt pour nous. Il affirme par contre volontiers que le gouvernement de Macron est d’extrême-droite sans que celui-ci ait été classé comme tel par le ministère de l’intérieur ! Il voudrait interdire aux autres de faire ce que lui-même se permet. Cependant, certaines de ses déclarations ne trompent personne. Il dit : « Moi, quand je suis en France j’ai envie d’être en France, quand je suis en Espagne, j’ai envie d’être en Espagne ». Et, avec ça, il n’admet pas qu’on dise que son hyper-nationalisme frise la xénophobie. Il est vrai que cela nous rappelle une déclaration de Charles De Gaulle à propos de « Colombey les deux mosquées » mais cela nous conforte à propos de son orientation.

Un détail particulièrement significatif doit être rappelé. François Asselineau a tenu une conférence le 8 avril 2010, dans un bar parisien nommé le « Local 92 » au 95 rue de Javel. Ce bar est tenu par un certain Serge Ayoub, alias « Batskin » qui est un dur de dur de l’extrême extrémisme de droite. Asselineau affirme  : « Je ne savais pas du tout où je mettais les pieds et je ne connaissais pas Monsieur Ayoub […] J’ai donné ma conférence devant une cinquantaine de personnes, mais nous n’avons strictement aucun lien avec ces groupes. » La pilule passe mal car ce bar est réputé pour être le QG des nazillons qui suivent Ayoub. Cela est précisé (0mn 50s) sur une vidéo intitulée « Serge Ayoub et ses copains d’extrême-droite ». Suite à la polémique que cela a déclenché, Ayoub a twitté  : « Si j’avais su qu’Asselineau serait diabolisé à ce point par Caron (un journaliste de la télévision), je n’aurais pas pris le risque qu’il vienne au « Local ». » Cela laisse bien pensé qu’Ayoud maitrise ce qui se passe dans son bar et qu’il savait qui était Asselineau quand celui-ci est venu y tenir sa conférence. Asselineau cache bien mal qu’il a de nombreuses amitiés dans l’extrême-droite : Longuet, Pasqua, Philippot, Ayoub…

La négation de la lutte des classes est l’une des principales caractéristiques de l’extrême-droite. Comment Asselineau explique-t-il la grève générale de Mai 1968 ? Comment explique-t-il le Maïdan en Ukraine ? Comment explique-t-il la révolution et la guerre en Syrie ? (…) Il n’est jamais pour lui question de révolte, de révolution ou de lutte de classes. Il s’agit dans tous les cas de manipulations des USA via la CIA. La preuve pour mai 68 : c’est une déclaration de Cohn Bendit (voir la vidéo « Asselineau (UPR) Mai 68 »). Comme si ce guignol de Cohn Bendit était pour quelque chose dans le fait que des millions de travailleurs se soient mis en grève. La preuve pour le Maïdan c’est que la dame au blouson bleu a distribué des petits pains. Admirons cela sur une vidéo intitulée « Victoria Nuland gives food for demonstration people in Ukraine ». Qui nous fera croire que cette distribution de petits pains a eu un quelconque impact sur ce mouvement ? Les 300 000 morts en Syrie seraient dû à des terroristes islamiques manipulés par la CIA. N’y aurait-il pas une autre explication pour justifier tant de morts ? Non ! Là comme ailleurs, pour Asselineau, il n’y avait ni lutte de classes, ni révolte, ni révolution. Ces mots-là sont bannis à l’UPR. C’est cela l’essence de l'extrême-droite. C'est non seulement la négation du combat des exploités contre les exploiteurs mais c'est une détestation de tout mouvement social de révolte, de toute révolution. Les exploités ne sont-ils pas censé subir l'exploitation avec le sourire tant les exploiteurs, qu'il n'est jamais question de combattre, sont si gentils ?

De tout temps, depuis les révoltes des esclaves spartakistes jusqu’à nos jours, les exploiteurs n’ont cessé d’exprimer leur haine, égale à leur hantise, contre les exploités qui se révoltent. C’est pourquoi ils calomnient toutes les révolutions et tous les révolutionnaires. Leurs discours sont toujours les mêmes : « laissez-nous jouir de votre plus-value ! Transpirez pour nous ! On veut vous faire crever au boulot (Tiens ! Si on faisait une réforme des retraites...). Soyez soumis et dociles. Si vous vous révoltez, il y aura plein de morts. Ce sera atroce et ce sera de votre faute. C’est vous qui aurez commencé. Vous l’aurez bien cherché... ».

Alors Asselineau, comme tous les réactionnaires, déteste la grève générale de mai 1968, la révolution russe, les bolchéviks, Lénine, Trotsky... Il rend les bolcheviks responsables des massacres en grande masse perpétrés par Staline. Par contre Asselineau adore les dictateurs-massacreurs et pas seulement les américains. Il admire surtout El-Assad et Poutine. D'ailleurs, s'il est permis de faire de la transitivité, il adore aussi Staline : le massacreur des bolchéviks. Poutine a en effet expliqué, dans son discours qui précédait l'invasion de l'Ukraine, qu'il appréciait beaucoup la dictature de Staline. J'y viens maintenant en m'intéressant aux néostaliniens.

Des néostaliniens se joignent à l’extrême-droite

Une autre composante vient s’amalgamer à cette coalition de l’extrême-droite. Il s’agit des néostaliniens c’est-à-dire de ces nouveaux admirateurs de Staline qui sont à ce sujet en totale harmonie avec Poutine.

Illustration 5

Celui-ci explique lui-même son admiration pour Staline en même temps que sa haine contre Lénine dans son discours du 21 février 2022. Pour Poutine, si des républiques se sont détachées de la Russie c’est entièrement de la faute à Lénine et aux bolchéviks. D’après lui, ce sont les bolchéviks qui ont inventé cette idée d’Ukraine indépendante qui n’avait pas lieu d’exister. Pourquoi ne pas dire, pendant qu’il y est, que ce sont les bolcheviks qui ont inventé la langue ukrainienne. Voici ce qu’il dit (01mn55s) :

« Tout d’abord, l’Ukraine moderne a été créée entièrement, de toute pièce, par la Russie des bolcheviks, par la Russie communiste. Ce processus a commencé pratiquement tout de suite après la révolution de 1917. D’ailleurs Lénine et ses compagnons l’ont fait de manière assez brutale vis-à-vis de la Russie c’est-à-dire qu’ils ont séparé de la Russie, ils ont coupé une partie des territoires historiquement russes et des millions de personnes qui vivaient sur ce territoire n’ont pas pu exprimer leur avis. »

Poutine considère par contre qu’une merveilleuse solution a été apportée par la terreur de Staline. Voilà enfin un remède aux dérives de ce pauvre Lénine ! (9mn02s) :

« Ensuite, il y a eu l’époque de la terreur de Staline : la nationalisation, le système planifié de l’économie. Tout cela a mené au fait que les principes qui ont été déclarés de cette construction étatique n’ont pas pu fonctionner (Il s’agit des principes de Lénine). C’est-à-dire que ces républiques n’ont pas pu avoir de vraies volontés. En pratique, on a créé un système très centralisé donc c’était un Etat unitaire. Staline a pratiquement réalisé sa vision et non pas la vision de Lénine de construction de l’Etat. »

Le gouvernement mis en place par Staline n’avait aucun rapport avec ce que Lénine avait voulu. Nous sommes bien évidemment d’accord avec cela. Les principes de Lénine n’ont pas été appliqués sous Staline « Tout cela a mené au fait que les principes qui ont été déclarés de cette construction étatique n’ont pas pu fonctionner ». Car, en fait, avec Staline « on a créé un système très centralisé donc c’était un Etat unitaire ».

En conséquence, du point de vue de Poutine, tout allait bien. Les républiques fédérées existaient sur le papier mais en fait elles n’avaient plus aucune existence puisque, dans tous les cas, toute l’URSS obéissait à la dictature stalinienne comme s’il s’agissait d’un seul pays. Celui qui osait broncher se faisait fusiller. Contrairement à Lénine, Staline a donc toute la sympathie de Poutine. Cela se comprend car Staline était lui-même un nationaliste. Lénine en avait fait la remarque. Dans un texte qu’il dicte le 30 et 31 décembre 1922, il qualifie en effet Staline en des termes peu flatteurs :

« Géorgien qui accuse dédaigneusement les autres de “social-nationalisme” alors qu’il est lui-même non seulement un véritable et authentique “social-nationaliste”, mais un grossier argousin grand-russe ».

Il reste que, pour Poutine, autre « grossier argousin grand-russe », Staline a commis une grave erreur : il ne suffisait pas de supprimer dans les faits les républiques fédérées. Pour Poutine, Staline aurait dû aussi les supprimer sur le papier, dans les textes constitutifs de l’URSS (9mn45s).

« Mais, on n’a pas fait de modification à la constitution et les principes qui ont été déclarés par Lénine n’ont pas été formellement démentis (Poutine aurait voulu que ces principes disparaissent des textes constitutifs de l’URSS). Mais, de toute façon, c’était un régime totalitaire. Ça fonctionnait de toute façon et de l’extérieur on avait une bonne image d’un pays démocratique »

En effet, grâce à la propagande des partis staliniens en France et ailleurs « de l’extérieur on avait une bonne image d’un pays démocratique ». Voilà un exemple apprécié par Poutine : une grosse dictature qui a une réputation de démocratie à l’extérieur. Il n’a pas un mot de compassion pour les innombrables victimes de Staline lequel avait en effet construit une URSS où plus personne ne pouvait protester. Rappelons que pendant « la grande terreur », qui a duré environ 500 jours en 1937-38, il a fait fusiller en moyenne 1 500 personnes par jour et il en a déporté 1 600 autres. Voilà bien pour Poutine un personnage formidable qui savait comment avoir une URSS parfaitement homogène.

Les néostaliniens de France et d’ailleurs sont nostalgiques de cette époque où le PCF pouvait dominer l’opinion publique et faire des pires mensonges les pures vérités staliniennes. Avec 800 000 adhérents et 28,6% des suffrages aux élections en 1946, il pouvait faire croire aux pires accusations des procès de Moscou malgré les preuves des falsifications apportées lors de l’enquête de la commission Dewey. Aujourd’hui les néostaliniens disposent d’une maison d’édition financée par Poutine pour réintroduire toutes ces falsifications. J’ai eu l’occasion de dire quelques mots au sujet de l’infâme Aymeric Monville qui est responsable de cette maison d’édition. J’évoquerai les cas d’autres personnages qui sont passés par les partis communistes avant de sombrer dans l’extrême-droite comme Michel Collon ou feu Alain Benajam.

A l’image de Poutine, les néostaliniens défendent le capitalisme. Il ne faut voir là aucune contradiction. Il est parfaitement logique de défendre à la fois Staline et le capitalisme. Staline lui-même avait abandonné ouvertement la lutte pour la révolution socialiste. Il l’avait déclaré sans ambages dès mai 1935, au journaliste américain Roy Howard, qui était célèbre à l’époque. Voici textuellement ce que fut leur échange à ce sujet :

« Qu’en est-il, a demandé M. Roy Howard à Staline, de vos plans et de vos intentions de révolution mondiale ? » — « Nous n’avons jamais eu de semblables desseins. » — « Mais pourtant... » — « C’est le fruit d’un malentendu. » — « Un tragique malentendu ? » — « Non, comique ou plutôt tragi-comique. »

A l’image de Poutine, les néostaliniens sont en plus anticommunistes. Là encore, il ne faut voir aucune contradiction. Staline avait exterminé pratiquement tous les bolchéviks. Je n’ai dénombré que neuf survivants. Les néostaliniens, exactement comme Poutine, défendent non seulement le capitalisme de Russie mais aussi les visées de conquêtes impérialistes de Poutine notamment en direction de l’Ukraine. Cela n’a évidemment rien à voir avec le communisme.

Pourtant ces néostaliniens se disent parfois « communistes » les jours de fêtes. Ils n’ont que faire de Marx, de Lénine et de la révolution socialiste. Ils sont autant communistes que l’étaient Jacques Doriot ou Simon Sabiani. Bref ! Ils sont d’extrême-droite même si parfois ils ne le savent pas.

Ces néostaliniens sont les nouveaux venus de l’extrême-droite.

Les anciens de l’extrême droite

Intéressons-nous aussi aux plus anciens militants de l’extrême-droite comme André Chanclu ou Frédéric Chatillon.

Illustration 6

André Chanclu était déjà à l’oeuvre à l’époque où dans le GUD (Groupe Union Défense) et le mouvement « Ordre Nouveau » chaque militant avait un casque et une barre de fer, comme les antifas d’aujourd’hui. Il est toujours aux avants postes de l’extrême-droite mais le style a changé. Maintenant il supervise des productions sur internet, il organise des voyages en Ukraine ou en Syrie, il tisse des liens à l’international, il cherche des financements… Il est co-auteur avec Jacques Mayadoux du livre « Ordre Nouveau raconté par ses militants ». Il explique notamment que ce sont eux qui ont décidé de créer le FN en 1972 pour donner aux fascistes français une apparence institutionnellement acceptable (voir cette vidéo).

En même temps que son style, c’est surtout sa technique de recrutement qui a changé. Il ne s’agit plus d’aller chercher systématiquement la baston contre les militants de gauche et d’extrême-gauche mais plutôt de bien les écouter, de les caresser dans le sens du poil, d’aller chercher chez eux la fibre nationaliste, l’attachement à des valeurs traditionnelles… Il recrute maintenant des militants qui sont passés par le Parti Communiste, la France Insoumise ou qui se sont réclamés du trotskysme. Pour qui sait faire du prosélytisme, il ne faut rejeter personne apriori.

Dans une autre vidéo disponible sur Youtube, il est interviewé par un journaliste d’Egalité et Réconciliation. Il commence par expliquer en quoi consiste ce changement fondamental de stratégie de l’extrême-droite (De 1mn14s à 1mn48s) :

« Il faut être, toujours pareil, au plus proche. Parce que le principe du militantisme politique c’est d’être au plus proche des gens. Si on veut faire du prosélytisme, ce qui est le but de tout militantisme politique, c’est de se rapprocher des gens qu’on veut capter dans son rayon politique. Donc, c’est de s’y approcher, c’est d’essayer de leur changer leur manière de voir la vie en général, c’est de leur ouvrir les yeux sur ce qui est le scandale et les escroqueries du système actuel. C’est faire ce travail de fond ».

Il félicite ensuite les militants d’Egalité et Réconciliation (De 1mn48 à 2mn09) de savoir faire ce travail :

« Ce travail de fond que vous faites d’ailleurs, que vous faites très bien au travers de vos vidéos, etc. C’est une chose qui est très bien. Mais bon voilà ! Moi, je pense que ce que vous faites c’est bien pour faire un travail de fond, de militants politiques. C’est bien, donc avec une autre vision, une autre stratégie que celle qu’on avait vécue à l’époque d’Ordre Nouveau. C’est clair. »

Tout son discours vise d’ailleurs à montrer que, pour une orientation politique qui est exactement la même qu’à ses débuts en politique, il faut agir tel que le fait Egalité et Réconciliation avec des méthodes différentes de celles qui étaient nécessaires à l’époque d’Ordre Nouveau. Il en vient logiquement à évoquer un autre militant d’extrême-droite (De 9mn50 à 10mn06) il dit :

« J’ai notamment un de mes amis, qui s’appelle Alain Benajam, que vous connaissez peut-être, qui est un des fondateurs du Réseau Voltaire, qui est un ancien cadre du Parti Communiste, qui est un militant politique exemplaire avec lequel on milite régulièrement. »

Alain Benajam est décédé en 2022. Son cas mérite cependant d’être évoqué puisqu’il a été membre du Parti Communiste Français et il s’est donc longtemps considéré comme un militant de gauche ou d’extrême-gauche. Force est de constater qu’il a fini par se retrouver dans une organisation d’extrême-droite voire même fasciste. Il a créé et animé avec André Chanclu le « Collectif France-Russie » et le « Comité France-Donbass représentant français de Novorossia ». Svetlana Kissileva (Kysilyova), André Chanclu et Alain Benajam respectivement présidente, secrétaire et adjoint de Novopole, étaient, rien de moins que les représentants officiels des « Etats indépendants de la Novorossia en France ». C’était les ambassadeurs d’un état non reconnu par la France. On les voit tous les trois dans la vidéo intitulée « Débats avec le comité France-Donbass ».

Dans cette vidéo, ils diffusaient leur nauséabonde idéologie ultra-nationaliste qui permettait de fusionner, comme le dit Benajam, le drapeau rouge des travailleurs avec la croix de Saint-André de la Russie laquelle représente les valeurs traditionnelles. Nous retrouvons ici les notions chères à Alain Soral : « gauche du travail et droite des valeurs ». Ils illustraient ensemble à la perfection comment il est facile de tomber dans le nationalisme pur et dur en passant par le rouge-brun. Benajam expliquait consciencieusement qu’en venant de l’extrême-gauche il se reconnaissait parfaitement dans les discours des ultra-nationalistes et qu’il ne fallait donc pas s’embarrasser de préjugés pour hésiter à plonger franchement dans l’idéologie des camarades Chanclu et Soral. Il dit (De 4mn40s à 8mn08s) :

« Quand ils sont venus me voir en tant que Président du réseau Voltaire France, j’ai trouvé que leur combat, que leur volonté était, il faut le dire, admirable, je le pense comme ça, et qu’ils ont pris énormément de risques pour aller jusqu’à Novorossia… »

Pour Chanclu, il est normal que la mutation de l’extrême-gauche à l’extrême-droite ne se fasse pas du jour au lendemain. Le cas de Benajam est illustratif à ce sujet. En 2017, il avait voté pour Asselineau au premier tour et pour Le Pen au deuxième. En 2022, il réitère son choix pour l'extrême-droite mais il vote pour Le Pen dès le premier tour. Dans la vidéo, on voit d’ailleurs Benajam critiquer l’idéologie d’extrême-droite et même parfois néo-nazie des partis au pouvoir en Ukraine en soulignant à ce sujet les contradictions de l’Union-Européenne. Chanclu l’écoute placidement, à peine inquiet d’entendre son ami critiquer le nazisme, il ajoute une indispensable précision antisémite et antiaméricaine : les bataillons néo-nazis sont financés par des juifs et finalement l’origine du mal n’est pas le nazisme mais bien le judaïsme. (De 16mn38s à 17mn18s) il dit :

« Je rajouterai que le paradoxe va très loin puisqu’en fait quand on s’aperçoit que le financier du bataillon Azov (Voix couverte par l’assistance) Igor Kolomoïsky est président du parlement juif européen. C’est donc avec des fonds de l’Union Européenne que ces gens-là financent des bataillons néo-nazis. On est donc en train de tourner dans une spirale infernale. On finance des gens comme on finance le djihadisme. C’est pareil. C’est le même combat. Je crois qu’aujourd’hui les Etats-Unis ont décidé de financer les forces les plus sombres du monde à leur profit. Voilà ! C’est clair ! Ce n’est pas la peine de tergiverser. Ce sont des faits »

Chanclu passe allégrement d’une critique d’un juif ukrainien à une généralisation sur les Etats-Unis. « C’est clair » dit-il ! Heu… pas tellement ! Il est également loin d’être évident que le parlement juif européen dispose des finances de l’Union Européenne. Peu importe ! Pour Chanclu, l’essentiel est de trouver un tour de passe-passe pour accuser les juifs et les américains. Sous la conduite et la protection de son maître, Benajam se montrait le parfait militant de la nouvelle extrême-droite. Il est évident que l’opération était pilotée par André Chanclu mais que celui-ci se mettait volontairement en retrait en poussant son poulain sur le devant de la scène.

Chanclu nous livre à l’occasion l’essence de l’idéologie de cette nouvelle extrême-droite : Le monde est dirigé par une petite élite de l’empire américain qui constitue « l’état profond ». Les juifs y sont prépondérants. Ils ont une vision raciste du reste de l'humanité, une idéologie messianique avec une propension phénoménale à la violence et une obsession pour l'argent et son pouvoir de corruption. Ils sont avant tout animés par la cupidité et sont prêts, pour arriver à leurs fins notamment pour s’accaparer l’essentiel du marché du pétrole et du gaz, à financer les forces les plus sombres du monde à leur profit notamment les djihadistes. C’est cette idéologie qui a guidé toute l’action de cette nouvelle extrême-droite tout au long du conflit syrien.

Passons maintenant au cas de Frédéric Chatillon. Il est né en 1968, quand Chanclu était déjà en pleine activité politique, mais il a en commun avec lui de ne pas se mettre sur le devant de la scène tout en étant un acteur majeur de la politique de la nouvelle extrême-droite. Il se tient le plus possible dans l’ombre tout en assurant la promotion de ses poulains. Il était dès 1991 le président du GUD (Groupe Union Défense) dont nous avons déjà parlé. Rappelons que c’était l’organisation étudiante française d’extrême droite la plus connue dans les années 1970. Elle a donné naissance au mouvement Ordre Nouveau en 1969 lequel a créé le Front National en 1972. Cette organisation était réputée pour ses actions violentes. Frédéric Chatillon est par ailleurs un proche de la famille Le Pen. Il a rencontré Marine Le Pen quand ils étaient étudiants à la faculté d’Assas. A cette époque, le GUC pratiquait encore les actions musclées. Les troupes de Chatillon s’appelaient les « Waffen Assas ». Il a épousé en premières noces une amie d’enfance de Marine Le Pen et, tout naturellement, Jean-Marie Le Pen est le parrain de l’une de ses filles. Il crée l’agence de communication Riwal qui travaille activement pour le Front National et les campagnes de Marine Le Pen en France, mais elle est aussi prestataire du gouvernement d’Assad et elle héberge en France le site de Thierry Meyssan : « Réseau Voltaire ». En 1994, il est en Syrie aux côtés de Moustapha Tlass le sanguinaire ministre de la défense. Il souhaite que le militaire partage son expérience et lui apporte son aide en tant que président du GUD. La Syrie finance alors l’édition d’ouvrages révisionnistes et plusieurs campagnes d’affichage du groupuscule d’extrême-droite. L’agence de communication de Chatillon a créé le site du ministère du Tourisme syrien. En décembre 2009, elle réalise une campagne pour le ministère syrien du tourisme, en faisant tourner un car dans Paris pendant deux semaines, avec le slogan « Syrie, une nouvelle aire ». Selon le journal « Le Monde », Chatillon est un fervent supporter du Hezbollah et il a, de longue date, des amitiés solides et haut placées à Damas. Durant la guerre de l’été 2006, il organise un voyage au Liban, via la Syrie, avec Dieudonné, Alain Soral et Thierry Meyssan. Il fait un autre voyage de presse en août 2011, aux côtés de Thierry Meyssan.

En juin 2011, trois mois après le début des manifestations contre Assad à Paris, Chatillon lance le site InfoSyrie qui jouera un rôle clé pendant tout le conflit syrien pour bloquer l’émergence d’une solidarité active depuis la France en faveur de la population syrienne qui subit la répression de Bachar el-Assad. Il devient un agent français des services de propagande d’el-Assad. Il ne se contente pas de reprendre telle qu’elle est la propagande syrienne ou celle de Poutine. Il l’adapte. Il sait jouer sur la méfiance de la population à l’égard des médias de masse. Ceux-ci-sont en effet dans les mains de quelques milliardaires et ils mènent une propagande pour le gouvernement de Macron et pour l’Union Européenne. Il profite de ce rejet des informations officielles par une grande masse de la population pour nier tous les faits qui accablent le régime de Damas. Il installe ainsi un récit falsificateur qui prétend « rétablir la vérité ». Cette inversion des réalités vise à réécrire le conflit syrien en faisant d’el-Assad une victime, voire même un sauveur, mais jamais un coupable et surtout pas un dictateur. Pour cela, il reprend toutes les grosses ficelles bien connues : Les français sont abreuvés par la propagande occidentale qui masque la réalité. En fait ce sont des terroristes à la solde de la petite élite de l’empire américain qui se sont attaqués à la Syrie. Les grosses fortunes juives y sont prépondérantes. Ce sont elles qui financent la rébellion contre le régime d’Assad qui doit vaillamment défendre son peuple contre les forces les plus sombres du monde. Ces grosses fortunes sont avant tout animées par la cupidité et sont prêtes, à tout pour s’accaparer l’essentiel du marché du pétrole et du gaz. Elles organisent des coups fourrés ourdis en coulisses dans des officines étrangères : ce sont ainsi des agents étrangers infiltrés qui ont tiré sur les enfants à Deraa. Les manifestants étaient rémunérés par les puissances étrangères aux bottes des grosses fortunes juives... Il n’y a pas eu de révolution. Comme dit Thierry Meyssan : « il n’y a pas du tout de soulèvement de masse et de répression ». Ce genre d’explication, qui relève du roman d’espionnage, est somme toute assez classique. Cela revient souvent et toujours de la part de ceux qui soutiennent un régime contre un peuple qui le conteste. Ce fut tout le discours des russes blancs puis des nazis à propos du complot judéo-bolchévique pour expliquer la révolution russe. Rien de fondamental n’est changé dans les rangs de l’extrême-droite et du fascisme.

Le site InfoSyrie est la porte d’entrée la plus évidente entre une certaine extrême-droite et Bachar al-Assad. La proximité de Chatillon avec le Rassemblement National ne doit pas masquer le fait que c’est surtout une droite négationniste et antisémite qui constitue le gros de ses troupes.

André Chanclu et Frédéric Chatillon ont créé ce que j’appelle la nouvelle extrême-droite française. Il s’agit pour eux de faire un recrutement, le plus massif possible, en marge de l’extrême-droite traditionnelle des Le Pen et des Zemmour. Ils veulent construire une extrême-droite qui ne dit pas son nom. Ils recrutent des poulains, comme nous l’avons vu avec Benajam en allant volontiers les chercher dans des milieux dits d’extrême-gauche mais qui flirtent avec les idées nauséabondes de l’extrême-droite notamment dans l’admiration pour Poutine ou El Assad.

La nouvelle extrême-droite

Nous voyons comment la nouvelle extrême-droite s’est mise en place à côté de l’extrême-droite officielle de la famille Le Pen. Nous avons cité les noms d’Alain Soral, Dieudonné, et Thierry Meyssan qui sont amis avec Frédéric Chatillon. Ils ont voyagé ensemble en Syrie et au Liban. Nous avons vu aussi que feu Alain Benajam était un ami d’André Chanclu après avoir créé « Réseau Voltaire » avec Thierry Meyssan. Sur les photos suivantes, nous voyons aussi apparaître Michel Collon avec Dieudonné et Meyssan. Cet ancien communiste belge a été animateur d’un « Comité Joseph Staline ». C’est un cas typique de néostalinien passé à l’extrême-droite. Sur son site web « Investig’Action », il s’exhibe avec ses nouveaux amis : Erwan Castel, Jacques Baud ou Christelle Néant.

Illustration 7

Nous voyons qu’il y a une filiation directe de la nouvelle extrême-droite avec l’extrême-droite plus ancienne représentée il y a cinquante ans par Ordre Nouveau et le GUD. Mais, contrairement aux leaders de l’extrême-droite traditionnelle, ceux de la nouvelle extrême-droite ne crient pas sur les toits leur affectation politique. L’exemple de Dieudonné est caractéristique. En tant qu’homme de spectacle, il soigne sa clientèle et il ne veut pas rebuter d’éventuels spectateurs qui pensent être de gauche ou d’extrême-gauche. Cependant, Dieudonné, comme les autres leaders, ne renie pas ses opinions et ses amitiés. Ils se contentent tous d’éviter d’étaler leurs étiquettes politiques. Tant et si bien que nombre de personnes adoptent leurs idées et reprennent leurs discours sans être conscientes qu’elles participent ainsi à la diffusion des idées réactionnaires de l’extrême-droite.

Les sites de « réinformation »

Voyons maintenant quels sont les sites web dits de « réinformation ». Nous y retrouverons notamment ceux qui sont gérés par les amis de Chanclu et Chatillon. Par transitivité, nous en trouverons facilement d’autres. Rappelons que l’objectif de ces sites à été clairement défini par Chanclu (vidéo de 1mn14 à 2mn09).

« se rapprocher des gens qu’on veut capter dans son rayon politique. Donc, c’est de s’y approcher, c’est d’essayer de leur changer leur manière de voir la vie en général, c’est de leur ouvrir les yeux sur ce qui est le scandale et les escroqueries du système actuel. C’est faire ce travail de fond. Ce travail de fond que vous faites d’ailleurs, que vous faites très bien au travers de vos vidéos, etc. C’est une chose qui est très bien » (Il parle ici du travail fait par le site de Soral : Egalité et Réconciliation.)

Il s’agit donc, pour Chanclu, de défendre la même politique d’extrême-droite que les organisations fascistes pour lesquelles il a toujours milité mais en les présentant sous un autre jour. Il précise :

« une autre vision, une autre stratégie que celle qu’on avait vécue à l’époque d’Ordre Nouveau »

Nous tenterons de présenter le tronc commun des idéologies d’extrême-droite dans un autre article intitulé « Etes-vous d’extrême droite ? ». Faisons maintenant le tour des principaux site web concernés :

  • Égalité et Réconciliation (abrégé E&R) est une association politique fondée en juin 2007 par Alain Soral, ainsi que par Jildaz Mahé O'Chinal et Philippe Péninque, deux anciens responsables de l'organisation d'extrême-droite GUD (Groupe Union Défense). Soral est un militant du Rassemblement National qui critique tous les autres partis lesquels ont tous pour lui l’inconvénient majeur de prendre des voix aux RN lors des diverses élections. La nouvelle extrême-droite appuie entièrement l’extrême-droite officielle représentée par la famille Le Pen mais, elle n’est pas tenue directement par le respect des règles institutionnelles et l’électoralisme ce qui l’autorise souvent à prendre des libertés que Marine Le Pen ne peut pas cautionner. Le regard critique de Soral sur le RN tient à cela et aussi à sa mégalomanie. Il est déçu de ne pas y trôner comme un cadre supérieur reconnu par tous et en premier lieu par la famille Le Pen. Il est en effet le théoricien de cette nouvelle extrême-droite. Il a écrit plus de dix livres traduits dans plusieurs langues. Il est parfois reconnu comme tel à l’étranger notamment par le site web pro-Poutine « The Saker ».
  • Réseau Voltaire. En 2012, est lancée l’association : « Réseau Voltaire France ». Le président était au départ Alain Benajam et le vice-président André Chamy. On retrouve, comme membres du Conseil d’administration, Thierry Meyssan et Issa El Ayoubi. Il est principalement géré et alimenté par Thierry Meyssan.
  • Réseau International : Créé en janvier 2013, le site était initialement un blog WordPress. Les vrais dirigeants et propriétaires du site se cachent. Le nom de "Sy Abou" , entrepreneur bordelais originaire de Mauritanie, revient fréquemment chez ceux qui ont enquêté. Le site publie beaucoup d’articles venant des autres sources de la même mouvance d’extrême-droite (sites « complotistes-alternatifs »). Il publie notamment de nombreux articles de Thierry Meyssan.
  • Les Crises : Site dirigé par Olivier Berruyer. Le site d’André Soral (Egalité et Réconciliation) lui fait une abondante publicité. Nous avons vu comment Berruyer met des gros titres à un document alors que le contenu est sans rapport avec ces titres. (Voir mon article « Les poutinolâtres français en remettent une couche »). Cela confine à de la falsification. Il pratique très consciemment et consciencieusement l’art du mensonge ce qui dénote le profond mépris dans lequel il tient ceux qui lui font confiance et qu’il s’ingénie à tromper.
  • Saker Francophone (lesakerfrancophone.fr). Propriétaire : Jean-Jacques Hector. Les animateurs de ce site sont ouvertement affiliés à Egalité et Réconciliation. Le Säker (Confident en Suédois) est édité par un groupe de citoyens francophones, qui se sont improvisés journalistes. Ce site fait le lien vers d’autres portails de l’extrême-droite (Comité Valmy, Blog Noir de Brocéliande…).
  • Site web hébergé par Riwal, une société de communication appartenant à Frédéric Chatillon. Le site a été créé par Thierry Meyssan dès le début de la révolution syrienne pour relayer depuis la Syrie la propagande du pouvoir en place. Il fut très en vogue pendant le conflit syrien.
  • Investig’Action : Site créé par Michel Collon. Il représente typiquement la déviance d’extrême-droite de militants issus des partis communistes et qui ont donc encensé Staline. Ils peuvent maintenant encenser tout à la fois Staline et Poutine. Ce site fait de la propagande de guerre et des médias-mensonges son fond de commerce. En reprenant à son compte ce que dit Poutine, Michel Collon agit effectivement en spécialiste sur ces questions.
  • La chaîne YouTube TVliberté a été lancée le 30 janvier 2014 par Martial Bild, ancien cadre du Front National. Elle est dirigée par Philippe Milliau, ancien dirigeant du Bloc identitaire.
  • AgoraVox : Ce site a été conçu au départ comme un site web de journalisme citoyen. Il a été créé par Carlo Revelli avec le soutien de Joël de Rosnay en mars 2005. Il a connu un grand succès. Depuis 2017 son fonctionnement est devenu totalement opaque. Il est maintenant considéré comme un site de la mouvance de la nouvelle extrême-droite et son audience est en chute libre. Voici ce qu’on lit à son sujet sur le site « Bibliothèque Vigilante » : « hub des théories conspirationnistes, repaire de complotistes soraliens et de sympathisants de l’extrême droite qui diffusent tranquillement leurs théories fumeuses au milieu desquels se retrouvent quelques gauchistes égarés. Ligne éditoriale xénophobe, homophobe et antisémite, AgoraVox fut très prolifique durant la crise de COVID-19, avant de devenir le relai de la propagande poutinienne lors de l’invasion militaire du dictateur Russe en Ukraine. » Le message ci-dessous publié par un des auteurs du site est significatif de son évolution :
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Ayant vécu la même expérience que cet auteur, je partage complètement son point de vue.

Tous ces sites sont étroitement inter-connectés. Régulièrement, chacun d'eu publie des reportages flatteurs sur les activités des autres. Ils se congratulent entre collaborateurs.

Le tableau est maintenant complet. Cette nouvelle extrême-droite est une force politique importante. Nombre de ceux qui la suivent ou qui sont influencés par elle n’ont souvent pas conscience d’être d’extrême-droite. A l’instar de ce que fut pendant un temps Alain Benajam, ils peuvent être imprégnés de cette idéologie d’extrême-droite tout en s’affichant encore comme militants du Parti Communiste, de la France Insoumise, de Lutte Ouvrière… La nouvelle stratégie de recrutement et de propagande de cette extrême-droite est aussi efficace que pernicieuse. Il faut connaître cette force politique pour la combattre. J’ai essayé ici d’apporter pour cela ma contribution.

Illustration 9

 Ci-dessus une cartographie bien documentée que nous devons à LA HORDE. Ils complètent avec une carte des médias dits de "réinformation" c'est-à-dire d'extrême-droite (voir ci-dessous).

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