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Billet de blog 15 mai 2016

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Le Guardian sur les traces de Mediapart ?

La voie qu'a choisie Mediapart, il y a bientôt neuf ans, le 2 décembre 2007, engendre non seulement la reconnaissance mais suscite également un désir d'imitation du modèle d'indépendance éditoriale et économique. C'est aujourd'hui le Guardian qui se penche avec intérêt sur l'expérience de Mediapart.

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Le temps est maussade, depuis quelque temps, au-dessus des media britanniques. Il y a d’abord la résistance héroïque de la BBC, service public de radio et de télévision vénéré et historique qui, face aux multiples agressions des Tories, qui rêvent de laisser les ondes et les écrans à leurs amis  du secteur privé, tous généreux donateurs du parti conservateur. D’une part on notera que, malgré son implication avérée dans la fraude fiscale révélée par les Panama Papers, le premier ministre conservateur David Cameron n’a toujours pas démissionné. D’autre part, l’histrion un peu fou et provocateur, Boris Johnson, ancien maire de Londres, dont la ressemblance physique et idéologique avec Trump et Le Pen est de plus en plus troublante, ne manque jamais une occasion de venir aboyer en direct sur les ondes de la BBC (il suffit pour s’en convaincre d’écouter l’excellent journal de BBC Radio 4, Today). Mais il y a également des changements et, là, beaucoup d’espoir, du côté de la presse écrite, et du respectable et respecté The Guardian.

Or, dans le paysage de ce remarquable quotidien, une information, donnée par The Independent et The New York Times mais pas par The Guardian, vendredi dernier, est passée inaperçue de ce côté-ci de la Manche mais commence à faire grand bruit de l’autre côté. L’ex-directeur du groupe Guardian, Alan Rusbridger, dont le départ en mai 2015 avait été salué dans ce même blog, tout autant que sa carrière, a démissionné de la présidence du Scott Trust, l’organisme qui chapeaute toutes les publications du groupe. Alan Rusbridger avait été remplacé à la tête des publications et du site du groupe par la brillante Katharine Viner (à lire ici), qui était auparavant la rédactrice-en-chef adjoint de Rusbridger, lequel devait donc commencer une autre longue carrière à la tête du groupe. Mais depuis vendredi c’est terminé et il ne s’agit pas d’un mouvement d’humeur mais d’une décision mûrement réfléchie qui traduit une profonde dissension sur la stratégie entre Alan Rusbridger et Katharine Viner.

En effet, Rusbridger était partisan de laisser filer le déficit d’exploitation, considérant que les nouvelles éditions, américaine et australienne notamment, permettraient d’absorber ces pertes, avec l’aide du solide Scott Trust. Mais il n’en a rien été et Alan Rusbridger, malgré ses indéniables qualités, a laissé une ardoise de 30 millions de livres sterling, ce qui va impliquer des changements notables et vraisemblablement des licenciements, comme l’a expliqué le NYT. Mais il y a plus grave dans la différence de gestion et de conception, Alan Rusbridger a toujours été fermement opposé à l’accès payant au site du Guardian, car il pensait que ce devait être la vitrine du quotidien papier, vitrine chargée de drainer des lecteurs potentiels du site vers le quotidien imprimé, espoir qui a été rapidement déçu.

Or son ex-adjointe et désormais successeur, Katharine Viner, est, au contraire, convaincue que l’accès au site doit être payant et que l’information ne saurait en aucun cas être gratuite. Mieux même, elle connaît, apprécie et admire Mediapart (inconnu de son prédécesseur) et entend engager le Guardian sur cette noble voie de l’indépendance totale. C’est la raison pour laquelle elle a récemment envoyé un émissaire pour rencontrer Edwy Plenel dans les locaux de Mediapart, Tony Danker, qui, depuis 2013, a été chargé de mettre en place l’application payante de l’accès au Guardian pour tablettes et smartphones. Il n’y a pas si longtemps on regardait la presse britannique avec admiration, ce sont désormais les journalistes britanniques qui traversent la Manche pour prendre Mediapart comme modèle d’indépendance éditoriale et économique. Un juste retour des choses.

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