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Billet de blog 14 août 2024

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Enlever le voile du passé (et du présent) ¹

On parle beaucoup en ce moment d’un génocide fantasmé, perpétré par Israël sur les Palestiniens de Gaza. Ceci a notamment pour effet de ravaler entre autres les épisodes vendéen, arménien, nazi, Khmer rouge, rwandais, au rang de simples guerres. À côté de cette propagande, la tromperie inverse : masquer des massacres anciens, ou bien ne pas parler de massacres actuels.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Sparte pratiquait une régulation démographique, couplée à un système esclavagiste et à une pédagogie « fasciste », autour du périmètre de la ville, pour empêcher les voisins laconiens et messéniens (les "hilotes", réduits en esclavage) de trop proliférer. Avec une sorte d’anti-eugénisme, on cherchait plutôt à détruire les gens aptes à se révolter, les « forts ». Il semble que les jeunes élites guerrières allaient à la chasse aux hilotes, entre autres rites de passage. Cela s’appelait « cryptie ». ² Sparte avait le souci de son aristocratie, qui passait par l’extinction de toute aristocratie chez les peuples « inférieurs ».

La république française en 1793 a nettoyé la Vendée de ses réfractaires. 
Le génocide est voilé par la République des 19ième et 20ième siècles, qualifié de « mythe ». Il faudra attendre les travaux d’historiens honnêtes et compétents pour enlever le voile. Reynald Secher, avec Le génocide franco-français, La Vendée-Vengé, PUF, 1986, puis avec Vendée, du génocide au mémoricide, Cerf, 2011, rétablit la vérité, puis la défend contre une bronca gauchiste cherchant à perpétuer le récit officiel. Ses travaux débouchent sur une idée-force : les exactions sont très souvent prouvées par ceux qui les commettent, car ils les commettent au nom d’un bien, d’une loi, d'un dieu ;  non seulement ils n’en ont pas honte, mais ils en tirent souvent un sentiment du devoir accompli. Cela se confirme en ce moment avec les vidéos postées par les terroristes du 7 octobre, fiers de ce qu’ils ont fait.

Les Turcs en ont fait de même, (sans cette trahison de massacrer son propre peuple), avec les Arméniens. Quand la France le reconnaît, ça fâche Erdogan, qui oublie de rétorquer la Vendée, n'en sachant probablement rien.

En même temps qu’on parle beaucoup de génocides, on parle beaucoup de nazis, c’est logique, surtout avec les classiques inversions accusatoires gauchistes. Bien qu’ils n’en soient pas les pères, pas les inventeurs, ils lui ont donné ses lettres de noblesse industrielle et économique.
Et comme pour le mot « génocide », en employant à tort et à travers le mot « nazis », on les ravale au rang de simples guerriers, ou de simples politiciens corrompus. Puisque ce n’est pas le cas de ce qui se passe en ce moment à Gaza, dire que Benjamin Netanyahou est nazi, c’est nier que les nazis aient organisé la déportation et l’assassinat de millions de victimes, méthodiquement et sur une base raciste. Dire que Bibi est nazi, c’est faire des chambres à gaz un « détail ».³

Soudan : « le pays des Noirs »

Par contre, on parle peu d’un vrai génocide qui a lieu en ce moment, et qui d’une certaine façon dure depuis des siècles, j’exagère à peine. Mais le Darfour, le Soudan ⁴, ont le malheur de pas vraiment plaire au Wokistan : des partis musulmans qui se combattent, c’est sans intérêt. Le « décolonialisme » ne songe pas à décoloniser de l’islam. Alors, même si des millions de Noirs sont massacrés, violés, déportés, affamés, décimés, castrés, ça intéresse peu. D’autant que faire la généalogie complète de la situation au Soudan nécessiterait de fouiller les siècles de traite arabo-musulmane (ce que nous allons aborder avec Tidiane N’diaye). Rien à voir avec les gentils Palestiniens et les valeureux terroristes théocratiques « génocidés » par les méchants israéliens démocrates.  — Deux mots, bien que pertinents, sont des intrus dans cette phrase ironique. Sauras-tu les trouver ? (pour m’aligner sur la pédagogie française moderne, je donne les solutions, en italiques) —
Le nom « Soudan » vient de l’arabe et signifie « Le pays des Noirs ». Le voyageur et juriste Ibn Battutâ y consacre un des chapitres de son Voyages et périples, présent à ceux qui aiment à réfléchir sur les curiosités des villes et sur les merveilles des voyages. L’extrait que voici se déroule entre 1352 et 1353 de notre ère.

J’ai déjà parlé de ces voyageurs arabes. Ibn Fadlân parle des Rus (un des tout premiers peuples à servir de réservoir d’esclaves, ce qui est l’étymologie du mot « slave ».) ⁵

Nous retrouvons avec Ibn Battutâ la problématique que j’évoque avec Ibn Fadlân, et que l’on a effleurée dans le titre précédent, où « voyage » est présent, à côté de « merveille ». Problématique que l’on retrouve chez les voyageurs chrétiens : Marco Polo, avec son Devisement du monde, écrivait parfois après avoir bien tiré sur le bambou. La description de l’hippopotame dans le texte d’Ibn Battutâ est d’une fantaisie que l’on peut rapprocher des délires de Marco Polo. Dans quelle mesure peut-on accorder crédit à notre juriste voyageur ?

Illustration 1

Arrivés à un bras du Nil, les voyageurs découvrent des hippopotames. Faisons-nous une idée de leur compétence zoologique, mise à jour dans cette description : « Ce sont des hippopotames qui sont sortis de l’eau pour paître ; ils sont plus gros que des chevaux, ont des crinières et des queues, leurs têtes ressemblent à celles de chevaux et leurs pattes à celles des éléphants. »

Extrait : Le pays des Noirs, Ibn Battitâ. (pdf, 57.0 kB)

Que pensez-vous des actes de cannibalisme évoqués ? Relèvent-ils de la vérité, du fantasme ou de la tromperie volontaire ? Dans tous les cas, des récits tels que celui-là permettront d’asseoir le racisme philosophique d’Ibn Kaldoun. 

Les débuts de l’humanisme arabe (deux siècles avant Montaigne) : Ibn Khaldoun

Je vais de nouveau décevoir, mais Hitler n’a rien inventé d’autres que des détails. Les Arabes ont fait beaucoup mieux, bien avant, et bien plus savamment, puisque Ibn Khaldoun est philosophe, historien, économiste, géographe, et précurseur de la sociologie. Alors que Hitler n’est qu’un rapin raté. À la différence de Hitler, Ibn Khaldoun est une autorité, qui influence encore de nos jours la pensée arabe. Tidiane N’diaye évoquera le racisme des Arabes envers les Noirs, qui se signalera par exemple au Maroc, en Tunisie, en Algérie, en Libye, au Soudan, de nos jours.

« Au sud de ce Nil existe un peuple noir que l'on désigne par le nom de Lemlem. Ce sont des païens qui portent des stigmates sur leurs visages et sur leurs tempes. Les habitants de Ghana et de Tekrour font des incursions dans le territoire de ce peuple pour faire des prisonniers. Les marchands auxquels ils vendent leurs captifs les conduisent dans le Maghreb, pays dont la plupart des esclaves appartiennent à cette race nègre. Au-delà du pays des Lemlem, dans la direction du sud, on rencontre une population peu considérable ; les hommes qui la composent ressemblent plutôt à des animaux sauvages qu'à des êtres raisonnables. Ils habitent les marécages boisés et les cavernes ; leur nourriture consiste en herbes et en graines qui n'ont subi aucune préparation ; quelquefois même ils se dévorent les uns les autres : aussi ne méritent-ils pas d'être comptés parmi les hommes. » ⁶ 


Le génocide voilé, Tidiane N’Diaye, Gallimard, 2008.⁷

Ce texte ouvre le livre :

Présentation

Illustration 3

Les Arabes au cours de leurs mouvements de conquête, ont d'abord pris, soumis et islamisé l'Afrique du Nord, avant de se diriger vers l'Espagne. Dans ce pays, ils développèrent une brillante civilisation, symbolisée par les émirats et califats de Cordoue. Puis, à leur retour en Afrique, dans une nouvelle vague d'islamisation des peuples, ils amenèrent avec eux une cascade de malheurs. Sous l'avancée arabe, la survie était un véritable défi pour les populations. Des millions d'Africains furent razziés, massacrés ou capturés, castrés et déportés vers le monde arabo-musulman. Cela dans des conditions inhumaines, par caravanes à travers le Sahara ou par mer, à partir des comptoirs à chair humaine de l'Afrique orientale. Telle était en réalité la première entreprise de la majorité des Arabes qui islamisaient les peuples africains, en se faisant passer pour des piliers de la foi et les modèles des croyants. Ils allaient souvent de contrée en contrée, le Coran d'une main, le couteau à eunuque de l'autre, menant hypocritement une « vie de prière », ne prononçant pas une parole sans invoquer Allah et les hadiths de son Prophète. 

Beaux et nobles principes en vérité, mais que foulèrent aux Pieds — avec quelle allégresse, quelle indignité et quelle mauvaise foi ! — ces négriers arabes, qui mettaient l'Afrique à feu et à sang. Car, derrière ce prétexte religieux, ils commettaient les crimes les plus révoltants et les cruautés les plus atroces. Cela fit dire à Édouard Guillaumet : « Quel malheur pour l'Afrique, le jour où les Arabes ont mis les pieds dans l'intérieur. Car avec eux ont pénétré et leur religion et leur mépris du Nègre ... » 
Si de nos jours, pour ce qui est de l'islamisation de peuples africains, dans la plupart des pays, la religion du prophète Mohamed — avec son prestige social et intellectuel — a fait d'énormes concessions aux traditions ancestrales en s'intégrant harmonieusement sans détruire les cultures et les langues, il n'en a pas toujours été ainsi : l'histoire de ces Arabes qui plongèrent les peuples noirs dans les ténèbres fut surtout celle du mal absolu. 
Alors que la traite transatlantique a duré quatre siècles, c'est pendant treize siècles sans interruption que les Arabes ont razzié l'Afrique subsaharienne. La plupart des millions d'hommes qu'ils ont déportés ont disparu du fait des traitements inhumains et de la castration généralisée. 
La traite négrière arabo-musulmane a commencé lorsque l'émir et général arabe Abdallah ben Saïd a imposé aux Soudanais un bakht (accord), conclu en 652, les obligeant à livrer annuellement des centaines d'esclaves. La majorité de ces hommes était prélevée sur les populations du Darfour. Et ce fut le point de départ d'une énorme ponction humaine, qui devait s'arrêter officiellement au début du xx° siècle. 
Cette douloureuse page de l'histoire des peuples noirs n'est apparemment pas définitivement tournée. Au lendemain du second conflit mondial et de la découverte des horreurs de la Shoah, l'humanité a pris la mesure exacte de la cruauté de l'homme et de la fragilité de sa condition. Sous le choc, la communauté internationale déclara, en l'espèce d'un célèbre et mémorable never again, que plus jamais elle ne laisserait de tels événements se produire. Il apparaîtra d'autant plus absurde aux historiens du futur qu'en ce début du XXI° siècle, au Soudan, se déroule une véritable entreprise de nettoyage ethnique des populations du Darfour. 
En avril 1996, l'envoyé spécial des Nations unies pour le Soudan faisait déjà état d'une « augmentation effrayante de l'esclavagisme, du commerce des esclaves et du travail forcé au Soudan ». En juin de la même année, deux journalistes du Baltimore Sun, qui s'étaient également introduits dans ce pays, écrivaient dans un article intitulé « Deux témoins de l 'esclavage " qu'ils avaient réussi à acheter des jeunes filles esclaves, pour les affranchir. Décidément, du Darfour VII° siècle au Darfour XXI° siècle, l'horreur continue avec cette fois le nettoyage ethnique en plus. 
Il serait grand temps que la génocidaire traite négrière arabo-musulmane soit examinée et versée au débat, au même titre que la ponction transatlantique. Car, bien qu'il n'existe pas de degrés dans l'horreur ni de monopole de la cruauté, on peut soutenir, sans risque de se tromper, que le commerce négrier arabo-musulman et les jihâd (guerres saintes) provoqués par ses impitoyables prédateurs pour se procurer des captifs furent pour l'Afrique noire bien plus dévastateurs que la traite transatlantique, et ce, encore sous nos yeux aujourd'hui (janvier 2008), avec son lot de massacres, avec son génocide à ciel ouvert. 

Remarque :
Tidiane N’Diaye précise que « réalisée sur des adultes, la castration tuait entre 75 % et 80 % des patients. Le taux de mortalité était plus faible chez les enfants que l’on castrait systématiquement. Entre 30 % et 40 % des enfants ne survivaient pas à la castration totale ».⁸

Illustration 4

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1 : Ne pas confondre avec Lever le voile du futur de Cassandra Vablatsky.

2 : https://fr.wikipedia.org/wiki/Cryptie
Thucydide en parle dans La guerre du Péloponnèse :
http://www.anti-rev.org/textes/VidalNaquet87c/part-1.html
Synthèse de la recherche sur ce sujet :
https://www.hystorasia.com/sparte-terreau-de-lideologie-nazi/

3 : Tiens. Ça me rappelle quelqu’un, y a quelques temps déjà. Méquidon ?

4 : https://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9nocide_du_Darfour

5 : https://blogs.mediapart.fr/jean-max-sabatier/blog/180323/les-rus

6 : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ibn_Khaldoun

7 : https://www.causeur.fr/traites-negrieres-arabes-tidiane-ndiaye-158860
vidéo de 10 minutes, insérée dans l’article de Causeur :
https://www.dailymotion.com/video/x8z5pb

8 : https://fr.wikipedia.org/wiki/Castration

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