Jean-Max Sabatier (avatar)

Jean-Max Sabatier

autoentrepreneur

Abonné·e de Mediapart

524 Billets

3 Éditions

Billet de blog 22 janvier 2025

Jean-Max Sabatier (avatar)

Jean-Max Sabatier

autoentrepreneur

Abonné·e de Mediapart

Mise au monde

Qui a dit que s’il y avait un seul homme à qui Dieu devait tout, c’était Jean-Sébastien Bach ? C’est bien vu. Et bien écouté, surtout. En effet, cette musique est divine, même sans dieu. Et une femme? Est-ce qu’il y a une femme à qui Dieu doit tout ? Vous ne devinez pas ? Marie, tiens !

Jean-Max Sabatier (avatar)

Jean-Max Sabatier

autoentrepreneur

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Marie donne la vie à Dieu, pour commencer. Mais comme pour Bach, elle lui assure en outre le succès post mortem. Bach amène du monde à l’église, mais Mater, dolorosa ou à l’enfant, dolorosa parce que à l’enfant, rencontre le monde. Le principal mystère, la principale magie, le tout premier miracle de la vie, c’est bien la mise au monde. Et les petites gens honnêtes le savent.

C'est un article de Causeur sur le dernier livre de Bérénice Levet, consacré à Hannah Arendt, qui m'a inspiré.

Marie Noël (Marie Rouget, 1883 - 1967) est poétesse. Catholique, mais poète. Sociale - traître !  C’est un conte qui illustre ce dernier billet, mais aujourd’hui voilà un poème. Que j’ai d’ailleurs déjà posté ici, en d’autres circonstances.
________________

Chanson de la mère-Dieu

Mon Dieu, qui dormez, faible entre mes bras,
Mon enfant tout chaud sur mon coeur qui bat,
J’adore en mes mains et berce étonnée,
La merveille, ô Dieu, que m’avez donnée.

De fils, ô mon Dieu, je n’en avais pas.
Vierge que je suis, en cet humble état,
Quelle joie en fleur de moi serait née ?
Mais vous, Tout-Puissant, me l’avez donnée.

Que rendrais-je à vous, moi sur qui tomba
Votre grâce ? ô Dieu, je souris tout bas
Car j’avais aussi, petite et bornée,
J’avais une grâce et vous l’ai donnée.

De bouche, ô mon Dieu, vous n’en aviez pas
Pour parler aux gens perdus d’ici-bas…
Ta bouche de lait vers mon sein tournée,
O mon fils, c’est moi qui te l’ai donnée.

De main, ô mon Dieu, vous n’en aviez pas
Pour guérir du doigt leurs pauvres corps las…
Ta main, bouton clos, rose encore gênée,
O mon fils, c’est moi qui te l’ai donnée.

De chair, ô mon Dieu, vous n’en aviez pas
Pour rompre avec eux le pain du repas…
Ta chair au printemps de moi façonnée,
O mon fils, c’est moi qui te l’ai donnée.

De mort, ô mon Dieu, vous n’en aviez pas
Pour sauver le monde… O douleur ! là-bas,
Ta mort d’homme, un soir, noir, abandonnée,
Mon petit, c’est moi qui te l’ai donnée.
________________________

Admirez l’inspiration médiévale, la double deuxième personne, le « vous » et le « tu », « vous » qui s’estompe au profit du « tu », c’est à dire Dieu qui s’estompe au profit de l’enfant. 
Notez la double interprétation possible, chrétienne, et philosophique. Thématique de la « mise au monde ». Question de la vie… Le poème, comme la vie, commence dans la joie, et finit dans la mort.

Illustration 1

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.