
Quelqu’un se souvient du christiano-gauchisme ? André Frossard rencontre dieu ! Les prêtres ouvriers ! Simone Weil qui se convertit au catholicisme, et travaille en usine. Faut dire que par certains aspects, le communisme est présent dans le Nouveau Testament. À l’époque de l’occupation romaine, il y a effervescence, recherche spirituelle et politique, chez les Hébreux, dont la nation et la foi sont menacées. Il existe des projets de révolte, et des sectes, des expériences de vie. Les Esséniens, par exemple, mettaient déjà leurs biens en communauté. D’après les Actes des Apôtres, il semble que les premières communautés chrétiennes se soient inspirées de ce que certains considèrent comme le communisme initial.
Jésus lui-même est un des premiers « modernes » à rejeter la propriété privée et à prôner la pauvreté :
Luc 12, 33 :
Vendez ce que vous avez, et donnez-le en aumône. Faites vous des bourses qui ne s’usent pas, un trésor inépuisable dans les cieux, où le voleur n’approche pas et la teigne ne détruit point.
Luc 14, 33 :
Ainsi donc, quiconque d’entre vous ne renonce pas à tout ce qu’il possède ne peut être mon disciple.
Matthieu 6, 24 :
Nul ne peut servir deux maîtres : car ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et la Richesse.
Matthieu 19, 24 :
Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume des cieux.
Ajoutons un messianisme inhérent à la notion même de révolution (que l’on songe aux idoles que sont pour certains Robespierre, Marx, Che Guevara, Fidel Castro, etc.). Il suffit d’écouter un tribun comme Mélenchon pour ressentir cette impression qu’il est en chaire, qu’il prêche.
Ajoutons enfin un autre point commun entre l’eschatologie chrétienne et le programme marxiste, une vallée de larmes en attente d’un paradis, d’un nouvel arrière-monde, la parousie dans l’un et l’autre cas.
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Marie Noël est poétesse. 1889-1967. La maternité, la nativité et le destin de l’enfant jouent un rôle important dans son œuvre. Je l’avais d’ailleurs convoquée, un jour que j’étais en colère.
https://blogs.mediapart.fr/jean-max-sabatier/blog/310520/maman-maman
Lorsque parurent les Chansons et Les Heures, il apparut que ressuscitait une poésie venue du passé riche des présences d'une spontanéité première, à la fois dans le temps et hors du temps, comme si le chant s'était poursuivi à travers les siècles jusqu'à sa présence intemporelle. C'était la naissance d'un saint François d'Assise au féminin avec des « Chansons » naïves et pures comme écrites par une héroïne des « chansons de toile » du moyen âge, des « Heures » pieuses au parfum provincial, et l'ensemble écrit dans une langue claire, abordable, une prosodie savante et populaire, un sens de la mélodie berceuse, de la chanson douce, de la confidence quotidienne. A l'inspiration religieuse se mêlait un chant d'amour humain plein d'émotion, de pudeur, de crainte même avec un amour de la nature et des élans du cœur tournés vers l'espérance et la joie sereine. Nous sommes loin des Amazones, loin des pionnières d'une nouvelle poésie, loin des bacchantes lyriques, et pourtant nul n'a jamais repoussé Marie Noël et chacun, chacune a reconnu sa valeur.
Robert Sabatier, Histoire de la poésie française, vingtième siècle tome 1 : Tradition et Évolution, p.167.
Voici une œuvre en prose, un conte de Noël. Marie Noël, bien sûr ne savait rien de notre islamo-gauchisme actuel, ni de sa surdité. Mais elle avait en stock son équivalent : la surdité christiano-communiste.
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Et ses frères le prirent en haine.
(Genèse, XXXVII-4·)
La veille de Noël, cette année-là, la vieille mère Rachel se prépara comme tous les ans à conduire ses fils à la Crèche.
Elle appela Simon qui travaillait la terre, Lazare l'ouvrier forgeron et André qui allait encore à l'école. C'étaient ses trois plus jeunes fils, ceux qu'elle préférait parce qu'elle les avait eus dans son vieil âge.
Elle avait encore un autre fils, Joseph, qui lui était né d'un premier lit et qui était âgé lui-même. Il marchait mal et ne voyait plus bien clair. C'était un homme qui avait beaucoup travaillé, beaucoup épargné, et il était riche. Il avait reconstruit et entretenu de ses deniers la maison de famille et aidé mère Rachel à élever ses frères.
Aussi ses frères ne l'aimaient pas car ils trouvaient injuste qu'il eût de quoi leur faire du bien en abondance et eux pas de quoi se passer de lui. Ils le tenaient à l'écart et, quand ils le croisaient en chemin, aussitôt l'un raillait et disait à l'autre : « Voici notre Bourgeois qui vient. »
Et lui vivait modestement, silencieusement, dans son logis, sans oser faire grande dépense comme un homme un peu honteux qui ne sait comment se faire pardonner l'inimitié de ses proches.
Mais en cette veille de Noël, mère Rachel frappa à sa porte.
« Joseph, dit-elle, je pars tout à l'heure adorer Jésus avec mes fils. Mais la route est longue jusqu'à Bethléem, et je n'ai pas assez de vivres. Toi, tu as des provisions. Fais en sorte qu'elles nous servent.
— Va, mère Rachel, répondit Joseph. Tout ce qui est à moi est à toi. Voici mes clefs, celle du grenier, celle du cellier, celle de la cave. Prends tout ce qu'il te faut et même plus. Mes frères ne doivent manquer de rien en ce voyage de grande fête. »
Mère Rachel prit les provisions et s'en fut.
Mais aussitôt elle revint :
« Le manteau de ton frère Simon est tout troué et il aura froid en route. Toi, tu en as plusieurs. Donne-moi un vêtement pour lui.
— Va, mère Rachel, répondit Joseph, prends mon manteau du dimanche. Ce sera une grande joie pour mon manteau d'aller à Bethléem sur les épaules de mon frère. »
Mère Rachel prit le manteau et, peu après, revint encore :
« Les souliers de ton frère Lazare ont de mauvaises semelles. Ils ne pourront pas faire tout le chemin. Toi, tu en as de rechange et tu ferais aussi bien de m'en donner une paire pour lui. Il est plus jeune, plus fort que toi et s'en emparerait sans peine pour peu qu'il en ait l'idée.
— Va, mère Rachel, dit Joseph, prends mes souliers du dimanche. Ce sera une grande joie pour mes souliers d'aller à Bethléem avec les pieds de mon frère. »
Mère Rachel s'en fut avec les souliers, et le bruit du départ s'éleva pans la cour.
Alors Joseph parut timidement sur le seuil.
« Mère Rachel, dit-il, ne m’emmèneras-tu pas avec vous pour adorer Jésus ? »
Mais aussitôt les frères s’indignèrent :
« Jésus n'a pas besoin de riche... Jésus n'est pas venu pour les riches... Jésus a maudit les riches...
— D’ailleurs, dit mère Rachel, tu es trop vieux pour nous suivre. Tu marches mal, tu n'avances pas. Tu nous retarderais. »
Alors Joseph retira de son doigt son anneau d’or :
« Tiens, frère André, dit-il, toi qui es jeune, prends mon anneau. Tu Ie remettras en cadeau de fête à notre Petit Seigneur.
— Non, répondit André. Pauvre je suis et ne porterai à Jésus que des cadeaux de pauvre, les seuls qu'Il aime. Ton or ne vaut rien devant Lui.
— C'est vrai, dit humblement Joseph. Garde l'anneau pour toi. Et, à Jésus, porte mon cœur pour qu'Il me fasse miséricorde.
— Son cœur... Il a un cœur !... Bourgeois a un cœur !... un cœur de riche !... le cœur de Bourgeois !... Fameux ! »
Les frères riaient.
Et l'homme riche baissa la tête parce qu'il était rejeté de la grâce de Noël.
« Allons ! » dit mère Rachel.
Et elle partit avec ses fils, tous ses fils, sauf celui-là.
Quand ils arrivèrent à Bethléem, ce fut une grande fête dans l'étable. Mère Marie et mère Rachel étaient si contentes de se revoir ! C'est qu'elles se connaissaient de longue date. Et, tous les ans, mère Rachel refaisait le même chemin pour admirer de même avec de grandes louanges le Fils de mère Marie, et mère Marie s'informait avec amitié de tous les fils de mère Rachel.
« Les voici, dit la vieille mère. Celui qui a la faucille, c'est Simon ; celui qui a le marteau, c'est Lazare ; celui qui n'a qu'un livre, c'est André. N'est-ce pas qu'ils sont jeunes et forts, pleins de beau courage ? Ah ! certes, nous ferons quelque chose de beau avec ces trois garçons-là !
— Il manque quelqu'un, dit mère Marie.
—Personne, dit André.
— Bourgeois, dit Lazare.
— C’est Joseph, expliqua Simon.
— Je ne sais pas qui est Bourgeois, dit mère Marie, mais je connais Joseph. D'ici haut où je demeure, je ne connais les hommes que par leur nom d'homme. Mais pourquoi Joseph n'est-il pas venu ? N'est-il pas une âme de bonne volonté ?
— C’est un riche, dit Simon.
— Un patron, dit Lazare.
— Ton Fils a dit : « Malheur aux riches ! » lança André.
— Il commence à avoir les jambes raides, dit mère Rachel, il n'aurait pas pu marcher à notre pas. Et je ne voulais pas arriver en retard. »
Mère Marie se détourna pour aller prendre son Enfant dans la Crèche.
« Ah ! petite bouche, murmura-t-elle, jusqu'à présent tu n'as guère parlé qu'à des sourds et tu parleras, j'en ai peur, à bien des sourds encore. »
Puis elle l'assit sur ses genoux pour qu'Il reçût, selon l'usage, les adorations et les offrandes.
« Venez, adorez-Le », dit, mère Rachel. Et les trois fils se prosternèrent.
« Je t'adore, Jésus, dit Simon. Salut, ô Dieu des pauvres ! Je suis le pauvre que tu aimes et je t'offre, avec ma faucille, ma peine des quatre saisons. »
L'Enfant regardait mais ne sourit pas.
« Il n'a pas envie de ta faucille, dit mère Marie, donne-Lui plutôt ton manteau.
— Je t'adore, Jésus, dit Lazare. Salut, Christ ouvrier ! Je suis ouvrier comme toi et je t'offre, avec mon marteau, ma fatigue de toute la semaine. »
L'Enfant écoutait sans sourire.
« Il ne veut pas de ton marteau, dit mère Marie, donne-Lui plutôt tes souliers.
— Je t'adore, Jésus, dit André. Salut, roi des temps nouveaux ! Je suis celui qui détruira en ton nom la cité injuste pour établir dans le monde ton royaume qui n'y est pas et je t'offre avec mon livre ma colère fervente de toutes les nuits. »...
Mais l'Enfant détourna la tête.
« Il a peur de ton livre, dit mère Marie, donne-Lui plutôt ton anneau. »
Les trois fils se relevèrent.
Aux pieds de l'Enfant, dans l'étable, le manteau, les souliers, l'anneau luisaient d'une grande lueur, et le Petit Seigneur riait, tendant les mains à leur lumière, comme un enfant qu'amuse la belle flamme du feu.
Et mère Marie dit doucement :
« Je te remercie, mère Rachel, et je remercie tes fils d'avoir apporté au mien des présents de tel amour. Car, en vérité, il y a plus d'amour dans un seul de ces vêtements du dimanche que dans la sueur de toute une vie quand le fiel du cœur y est mêlé.
« Adieu, Simon, Lazare, André. Souvenez-vous. Que sert au pauvre d'être pauvre s'il vient à perdre l’amour ? A l'an prochain, mère Rachel. Retournez à la maison. Allez dire à Joseph :
« Celui qui a été béni à la Crèche, c'est celui « qui n'est pas venu. »
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C’est drôle, en ce qui me concerne, je suis plus fétichiste envers mes outils qu’envers mes habits. Faut dire qu’ils ne sont pas du dimanche, mes habits : je suis bel et bien un gueux.
Mes outils, par contre, me sont beaux et utiles. Certains me viennent de mon père, peut-être même de mon grand-père, qui sait ?
Il est vrai qu'il n'y a pas de fiel du cœur mêlé à ma sueur.
Mais le petitou, je pige bien qu’il préfère des vêtements et des bijoux à des bouts de fer et de bois.