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Les médias aujourd'hui ont largement relayé des éléments de ce discours, et les polémiques qu'il suscite. On va dire que ça les change un peu des divers conflits sociaux en cours...
La plume qui l'a écrit (Sylvain Fort) est certes intellectuellement et littérairement brillante.
Mais pour le coup, Sylvain a tout simplement repris la thématique du discours prononcé par Nicolas Sarkozy le 20 décembre 2007 au Palais de Latran, chez Joseph Ratzinger aka Benoît XVI (écrit quant à lui par sa dircab Emmanuelle Mignon assistée pour l'occasion du prêtre dominicain Philippe Verdin).
La danse du ventre verbale de Manu Premier devant l'électorat catholique est deux fois plus longue que celle de Nicolas Premier il y a 10 ans. Elle a duré près d'une heure !
Pour vous épargner du temps, je vous en ai extrait quelques morceaux un peu plus bas. Et j'en ai profité pour mettre après quelques extraits du discours de Latran.
Nicolas Cadène, rapporteur général de l'Observatoire de la laïcité, était présent à ce discours, et s'exprimait sur BFM ce matin (cf compte-rendu sur cette page d'Europe 1)
Il a totalement absous le président Macron.
Évidemment, l'Observatoire de la laïcité est chargé de vérifier l'application de la loi du 9 décembre 1905, et Emmanuel Macron n'en a pas enfreint les termes à proprement parler. Par ailleurs, l'Observatoire de la laïcité est un comité Théodule sous la houlette du Premier Ministre, et Nicolas Cadène est manifestement à l'affût de la moindre occasion pour venir lécher les bottes de sa tutelle.
Ce qui est en jeu ici, c'est non pas la lettre de la loi de 1905, mais le concept de laïcité au sens de neutralité et indépendance du pouvoir politique vis-à-vis des cultes. Et force est de reconnaître que ce n'est pas par hasard que le discours de Manu Premier a provoqué tant de réactions.
Que François Fillon, s'il avait été élu, ait continué à aller à la messe, c'eût été la manifestation d'une adhésion personnelle.
Qu'Emmanuel Macron demande aux catholiques de participer à la vie de la République en tant que citoyens, de même qu'aux gens de confession juive, protestante ou musulmane, on pourrait dire qu'il reste dans son rôle.
Mais que M Macron, s'exprimant comme président de la République, demande aux catholiques de participer à la vie de la République *en tant que catholiques*, là, il y a un os, et un grave.
Extraits du discours de Manu Premier aux Bernardins le 9 avril 2018
« […] nous partageons confusément le sentiment que le lien entre l’Église et l’État s’est abîmé, et qu’il nous importe à vous comme à moi de le réparer. »
[…]
« […] un président de la République prétendant se désintéresser de l’Église et des catholiques manquerait à son devoir.
L’exemple du colonel Beltrame par lequel, Monseigneur, vous venez d’achever votre propos, illustre ce point de vue d’une manière que je crois éclairante. »
[…]
« M’aveugler volontairement sur la dimension spirituelle que les catholiques investissent dans leur vie morale, intellectuelle, familiale, professionnelle, sociale, ce serait me condamner à n’avoir de la France qu’une vue partielle ; ce serait méconnaître le pays, son histoire, ses citoyens; »
[…]
« […] je considère de ma responsabilité de ne pas laisser s’éroder la confiance des catholiques à l’égard de la politique – et des politiques. »
[…]
« […] la situation actuelle est moins le fruit d’une décision de l’Église que le résultat de plusieurs années pendant lesquels les politiques ont profondément méconnu les catholiques de France.
Ainsi, d’un côté, une partie de la classe politique a sans doute surjoué l’attachement aux catholiques, pour des raisons qui n’étaient souvent que trop évidemment électoralistes.
[…] l’on a ainsi fait le lit d’une vision communautariste contredisant la diversité et la vitalité de l’Église de France, mais aussi l’aspiration du catholicisme à l’universel – comme son nom l’indique – au profit d’une réduction catégorielle assez médiocre. »
[…]
« […] je suis convaincu que la sève catholique doit contribuer encore et toujours à faire vivre notre nation.
[…]
« […] la République attend beaucoup de vous. Elle attend très précisément, si vous m’y autorisez, que vous lui fassiez trois dons,
Le don de votre sagesse.
Le don de votre engagement.
Et le don de votre liberté. »
[…]
« Nous ne pouvons plus, dans le monde tel qu’il va, nous satisfaire d’un progrès économique ou scientifique qui ne s’interroge pas sur son impact sur l’humanité et sur le monde. »
[…]
« Sur la bioéthique […], j’ai décidé que l’avis du Conseil consultatif national d’éthique (CCNE), Monsieur le président, n’était pas suffisant et qu’il fallait l’enrichir d’avis de responsables religieux. »
[…]
« L’État et l’Église appartiennent à deux ordres institutionnels différents, qui n’exercent pas leur mandat sur le même plan. Mais tous deux exercent une autorité et même une juridiction. »
[…]
« […] l’Église n’est pas à mes yeux cette instance que trop souvent on caricature en gardienne des bonnes mœurs. Elle est cette source d’incertitude qui parcourt toute vie, et qui fait du dialogue, de la question, de la quête, le cœur même du sens, même parmi ceux qui ne croient pas. »
[…]
« Ce qui grève notre pays, j’ai déjà eu l’occasion de le dire, ce n’est pas seulement la crise économique. C’est le relativisme. C’est même le nihilisme. »
[…]
« […] je crois que la politique, si décevante qu’elle ait pu être aux yeux de certains, si desséchante parfois, aux yeux d’autres, a besoin de l’énergie des engagés, de votre énergie. Elle a besoin de l’énergie de ceux qui donnent du sens à l’action et qui placent en son cœur une forme d’espérance. »
[…]
« Ce à quoi je veux vous appeler ce soir, c’est à vous engager politiquement, dans notre débat national et dans notre débat européen. Car votre foi est une part d’engagement dont ce débat a besoin. Et parce que, historiquement, vous l’avez toujours nourri. »
[…]
« […] cet engagement que vous portez, j’en ai besoin pour notre pays comme j’en ai besoin pour notre Europe. Parce que notre principal risque aujourd’hui, c’est l’anomie, c’est l’atonie, c’est l’assoupissement. »
[…]
« Il y a au cœur de cet engagement dont notre pays a besoin la part d’indignation et de confiance dans l’avenir que vous pouvez apporter. »
[…]
« […] la première liberté dont l’Église peut faire don, c’est d’être intempestive. […] Je crois simplement qu’elle doit être un de ces points fixes dont notre humanité a besoin au creux de ce monde devenu oscillant. Un de ces repères qui ne cède pas à l’humeur des temps. »
[…]
« Ce que j’attends que l’Église nous offre, c’est aussi sa liberté de parole. »
[…]
« Il est enfin une dernière liberté dont l’Église doit nous faire don, c’est de la liberté spirituelle.
Car nous ne sommes pas faits pour un monde qui ne serait traversé que de buts matérialistes. Nos contemporains ont besoin, qu’ils croient ou ne croient pas, d’entendre parler d’une autre perspective sur l’homme que la perspective matérielle. Ils ont besoin d’étancher une autre soif, qui est une soif d’absolu. »
[…]
« C’est peut-être assigner là à l’Église de France une responsabilité exorbitante, mais elle est à la mesure de notre histoire, et notre rencontre ce soir atteste, je crois, que vous y êtes prêts. »
Extraits du discours de Nicolas Premier à Latran le 20 décembre 2007
« Je sais les souffrances que [la] mise en œuvre [de la laïcité] a provoquées en France chez les catholiques, chez les prêtres, dans les congrégations, avant comme après 1905. Je sais que l’interprétation de la loi de 1905 comme un texte de liberté, de tolérance, de neutralité est en partie, reconnaissons-le, cher Max Gallo, une reconstruction rétrospective du passé. »
[...]
« La laïcité n’a pas le pouvoir de couper la France de ses racines chrétiennes. Elle a tenté de le faire. Elle n’aurait pas dû. »
[...]
« Or, longtemps la République laïque a sous-estimé l’importance de l’aspiration spirituelle. Même après le rétablissement des relations diplomatiques entre la France et le Saint-Siège, elle s’est montrée plus méfiante que bienveillante à l’égard des cultes. Chaque fois qu’elle a fait un pas vers les religions, qu’il s’agisse de la reconnaissance des associations diocésaines, de la question scolaire, des congrégations, elle a donné le sentiment qu’elle agissait, allez, parce qu’elle ne pouvait pas faire autrement. »
[...]
« Aujourd’hui encore, la République maintient les congrégations sous une forme de tutelle, refusant de reconnaître un caractère cultuel à l’action caritative, en répugnant à reconnaître la valeur des diplômes délivrés dans les établissements d’enseignement supérieur catholique, en n’accordant aucune valeur aux diplômes de théologie, considérant qu’elle ne doit pas s’intéresser à la formation des ministres du culte.
Je pense que cette situation est dommageable pour notre pays. »
[...]
« Mais un homme qui croit, c’est un homme qui espère. Et l’intérêt de la République, c’est qu’il y ait beaucoup d’hommes et de femmes qui espèrent. »
[...]
« Et puis je veux dire également que, s’il existe incontestablement une morale humaine indépendante de la morale religieuse, la République a intérêt à ce qu’il existe aussi une réflexion morale inspirée de convictions religieuses. D’abord parce que la morale laïque risque toujours de s’épuiser quand elle n’est pas adossée à une espérance qui comble l’aspiration à l’infini. Ensuite et surtout parce qu’une morale dépourvue de liens avec la transcendance est davantage exposée aux contingences historiques et finalement à la facilité. »
[...]
« C’est pourquoi j’appelle de mes vœux l’avènement d’une laïcité positive, c’est-à-dire d’une laïcité qui [...] ne considère pas que les religions sont un danger, mais plutôt un atout. »
[...]
« Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur »
[...]
« Mais ce que j’ai le plus à cœur de vous dire, c’est que dans ce monde paradoxal, obsédé par le confort matériel tout en étant de plus en plus en quête de sens et d’identité, la France a besoin de catholiques convaincus qui ne craignent pas d’affirmer ce qu’ils sont et ce en quoi ils croient. »
[...]
« Partout où vous agirez, dans les banlieues, dans les institutions, auprès des jeunes, dans le dialogue inter-religieux, dans les universités, je vous soutiendrai. »
En guise de commentaire, un autre article accompagne celui-ci : Quelques rappels sur notre Sainte Mère l'Église