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En janvier 2017, Pierre Maillet mettait en scène Maurin Ollès, un jeune élève sorti de l’école de Saint-Étienne dans Letzlove-Portrait(s) Foucault (lire ici) pour une série de portraits initiée par Marcial di Fonzo Bo alors directeur de la Comédie de Caen . Michel Foucault ( Pierre Maillet) rencontrait un jeune auto-stoppeur (Maurin Ollès), une rencontre avec lendemains. Tout comme la rencontre entre Pierre Maillet et Maurin Ollès. Aujourd’hui, c’est ce dernier qui met en scène Pierre Maillet dans Et l’en suis là de mes rêveries d’après Rabalaïre, un épais roman d’Alain Guiraudie dont s’inspire également son dernier son film Miséricorde En commun, de Foucault à Guiraudie et du spectacle d’hier à celui d’aujourd’hui: l’homosexualité, la nudité.
Dans un grand entretien avec Pierre Maillet qui ouvrait l’un des derniers numéros de la revue théâtre/public (N°254, janvier-mars 2025), à Olivier Neveux qui observait la présence de la nudité dans ses spectacle à commencer par la sienne, l’acteur-metteur en scène répondait « ce que je demande aux gens, il faut que je puisse le faire aussi ». Maillet ajoutait aimer « bien la nudité » et poursuivait : « je ne comprend pas ce rapport crispé à la nudité, pour moi , la nudité, c‘est joyeux, c’est enfantin et, évidemment aussi c’est beau ».
Rien d’étonnant donc à ce que Pierre Maillet après avoir commencé le spectacle en tenue de cycliste, se retrouve bientôt nu dans une forêt , dans une salle à manger villageoise et, bien sûr , dans un lit et même plusieurs dont celui du curé ce qui n’est pas donné à tout le monde. L’entretien d’Olivier Neveux se terminait par ces mots de Pierre Maillet : « J’aime des acteurs très différents, finalement. Ce qui les réunit, c‘est une générosité, un plaisir de jeu. Tout ce qu’un acteur peut te donner quand il est en confiance, quand il est chez lui, quand il est...C’est eux qui font exister tes rêves en vrai ». Dernière phrase qui n’est pas sans faire écho au nouveau spectacle qu’il joue sous la direction de Maurin Ollès et avec lui : Et j’en suis là de mes rêveries .
« Retrouver notre duo » était de but de Maurin Ollès et « ce désir d’être deux sur le plateau a guidé l’adaptation ». Pierre joue un rôle, celui de Jacques (présentement au chômage) dont on suit le parcours et Maurin tous les autres personnages masculins, du fils de l’amante passagère de Jacques au curé du village avec lequel il couche. Un dispositif qui fait le lit du désir de Jacques : coucher avec tous les hommes qu’il côtoie, jeune ou vieux, flic ou voyou, aubergiste ou curé. Maillet en profile pour retrouver et affirmer son accent venu de Narbonne qui fait bon ménage avec l’Aveyron de Guiraudie dont le personnage de Jacques explore les pentes sur son vélo ou en voiture avec le vélo dans le coffre.
Ne rentrons pas dans l’intrigue (avec un meurtre et même deux) dont la vertu est moins d’entretenir un suspens que de mettre en présences deux corps aimants qui auraient pu ou dû ne jamais se rencontrer. Un film au milieu du spectacle nous faire entrer plus avant dans le village de Gogueluz, via les acteurs Jean-François Lapalus et Julien Villa sans oublier Ferdinand Garceau par ailleurs dramaturge du spectacle et qui signe avec Maillet et Ollès l’adaptation du roman de Guiraudie et l’écriture du spectacle.
Abattre ses masques pour Jacques revient aussi à se mettre littéralement à nu ce qui sied, comme on l’a vu à l’acteur Pierre Maillet. Un spectacle au poil et souvent à poil qui a aussi l’élégance de nous donner envie de voir ou revoir Miséricorde et de nous plonger dans les nombreux méandres de Rabalaïre, le roman d’Alain Guiraudie.
Théâtre de la Bastille jusqu’au 12 avril. Puis au Théâtre des Célestins à Lyon du 8 au 17 mai
« Rabalaïre », le roman d’Alain Guiraudie est publié chez POL