Dans l’un de ses derniers spectacles, Les Ombres et les lèvres (lire ici), Marine Bachelot Nguyen racontait comment elle était partie au Vietnam sur les traces de sa famille et, en tant que féministe et homosexuelle, voir où en était là-bas le mouvement LGBT. Dans Nos corps empoisonnés (lire ici), elle mettait en avant la figure de la militante Tran To Nga qui lutta contre les multinationales comme Monsanto lesquelles, pendant la guerre du Vietnam, via des avions de l’armée américaine, déversèrent dans les champs d’Asie du sud est des produits toxiques qui ravagèrent les sols, les arbres et les corps (lire ici). Quand les Américains quittèrent Saïgon, laissant les mains libres au nouveau pouvoir, Tran To Nga finira par choisir l’exil en France comme nombre de ses compatriotes.
Boat people, le nouveau spectacle de Marine Bachelot Nguyen, poursuit cette veine. « Dans le théâtre contemporain comme dans les livres d’histoire, explique-t-elle, il existe peu de récits sur les « boat people », ces personnes ayant fuit le Vietnam, le Laos ou le Cambodge après 1975, pour s’installer en France et dans d’autres pays occidentaux comme réfugié.es politiques.»
Dès lors, son spectacle prend un double tournure : documentaire et fictionnelle. 130 00 personnes d’Asie du sud est vont trouver refuge en France et devenir Français sans problème. Via des reportages, des images archivées de journaux télévisés, le spectacle nous rappelle le mouvement de solidarité vis à vis de ceux qui prenaient de précaires embarcations, avant qu’une solidarité s’organise, réunissant des personnalités aussi dissemblables que Bernard Kouchner, Raymond Aron ou Jean-Paul Sartre. Des opérations de sauvetage et d’accueil s’en suivirent dans différents pays européens.
Après cette ouverture factuelle , le spectacle entre dans une fiction plausible : l’intimité d’une famille française qui, dans un petit village, suit ces événements et se sent concernée. Le couple qui n’ a pas pu avoir d’enfant en a déjà adopté un il y a longtemps venant d’Afrique, songe donc à adopter un second enfant venant de l’Asie du Sud est. Mais c’est finalement une famille (père, mère, fille) qu’elle accueille et qui va partager leur vie au village, les uns apprivoisant la culture des autres autre (de la cuisine à la religion) ce qui nous vaut quelques belles scènes.
Un an plus tard ,la famille de réfugiée obtient un logement HLM non plus dans un village mais dans une ville comme elle en rêvait. Dès lors, éloignés les uns des autres, ils se perdent un peu de vue. Plus tard, à la fin du spectacle, ils se retrouveront comme de vieux amis même si leurs opinions politiques s’opposent toujours. Le père vietnamien qui avait été employé par l’armée française voit très mal l’arrivée au pouvoir en France des « rouges » en mai 81, qui lui rappellent ceux de son pays,lui et sa femme votent droite. Alors que l’arrivée de Mitterrand au pouvoir réjouit la famille française.qui vote à gauche Ils se reverront de loin en loin, imagine-t-on.
Comme toujours Marine Bachelot a su s’entourer de bons acteurs et les a bien les dirigés, citons-les : Clément Bigot, Charline Grand en alternance avec Lucile Delzenne, Arnold Menzah, Paul Nguyen, Dorothée Saysombat, Angelica Kiyomi Tisseyre-Sekiné.
Dans la salle du théâtre de Choisy-le-roi (Val de Marne) où j’ai assisté au spectacle, nombreux étaient les spectateurs souvent âgés venus naguère d’Asie et aujourd’hui français. Le spectacle parlaient d ‘eux ou de leurs parents et grands parents, l’émotion était forte..
Le spectacle a été créé au Théâtre du Nord. Prochaines représentations : le 7 nov à Evry, du 13 au 14 au festival du TNB à Rennes, du 18 au 28 au TNS, les 2 et 3 déc au théâtre de Lorient, du 20 au 23 déc au Mixt à Nantes, les 14 et 15 janv à la Passerelle de Saint Brieuc, du 18 au 22 mars à la MC93 de >Bobigny, du 25 au 27 mars au Quartz de Brest