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Billet de blog 9 octobre 2025

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Madame Bovary à bras le texte

Après une impressionnante traversée de « L’éducation sentimentale » il y a quelques années, Hugo Mallon et la compagnie l’Eventuel hérisson bleu reviennent à Flaubert en embrassant « Madame Bovary » dans un nouveau et fort « roman-performance » où le texte est le maître du jeu. Une passionnante réussite

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Illustration 1
Scène de Madame Bovary © Vinciane Lebrun

Il est étonnant de voir dans une même saison -et à quelques semaines près- deux approches de Madame Bovary que tout oppose, depuis le rapport au texte du roman jusqu’aux moyens de production.

Dans  Bovary madame Christophe Honoré (lire ici) s’éloigne du texte en le transposant dans un univers de cirque. Rien de tel avec Madame Bovary d’Hugo Mallon. Le texte, encore le texte, toujours le texte, depuis ses premières lignes jusqu’aux dernières. Avec des coupes, bien sûr, pour faire tenir le spectacle dans une durée de 3h 30 (il en faut bien plus pour lire le roman).

Pas de vedettes, mais une troupe qui fait front commun, une efficace scénographie mouvante (Marine Brosse), un usage subtil de la vidéo ( Elodie Ferré), une entraînante  musique live (Léo Kauffmann qui , à l’occasion, se métamorphose en Homais), du très bon travail côté  lumières (Ludovic Heime) et côté costumes (Alice Descieux-Read). Et, parachevant le tout, une distribution parfaitement équilibrée: des actrices  Aude Mondoloni (Emma Bovary), Barbara Atlan (Félicité, Lheureux) aux acteurs Simon Terrenoire (Charles Bovary), Antoine Thioller (Léon et Rodophe)

Cela commence sur le côté où est dressée une petite table sur laquelle est posé un exemplaire poche du livre d’où s’élèvent les premiers mots du roman : « Nous étions à l’étude, quand le Proviseur entra suivi d’un nouveau... ». Régulièrement, on reviendra au livre, à l’exercice magnétique de la lecture du texte de Flaubert,  à la puissance magique de ses phrases jusqu’à la dernière du roman à propos du pharmacien Homais après la mort d’Emma et le départ de Charles: « Il vient de recevoir la croix d’honneur ».

L’idée, assez osée et risquée, de confier les rôles des deux amants au même acteur s’avère pertinente. Comme si Léon, à son retour après la fuite de Rodolphe, revenait chargé de la force de ce dernier, loin de la timidité de ses débuts. L’amour qu’elle n’a pas trouvé auprès de son mari, Emma la vit en rêve, par exemple dans cette très belle scène à l’opéra où elle se rend un soir avec Charles mais n’a d’yeux que pour l’acteur et se voit s’enfuir avec lui Un beau moment, le spectacle en regorge. De même la présence de Félicité est joliment affirmée par l'actrice. Enfin, acculée financièrement par Lheureux et abandonnée par ses amants, tout conduit l' héroïne à la scène où Emma agonise après avoir avalé l’arsenic, offrant à l’actrice -et aux spectateurs- un moment de jeu d’une extrême densité sans jamais sombrer dans le sordide. Quel roman! Quelle traversée!

Après l’Education sentimentale (lire ici), Les saisons de Pons,  et aujourd’hui Madame Bovary, Hugo Mallon maitrise plus que jamais l’art de ce qu’il a nommé justement le « roman-performance ».

Jusqu’au 15 oct au Phénix de Valenciennes

Puis tournée du 13 au 16 janv à la MC d'Amiens, du 11au 13 fév au Théâtre 71 de Malakoff, les 8et 9 avril au théâtre du Beauvaisis

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