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Billet de blog 14 juillet 2025

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La vieille actrice dans le jardin du théâtre

L’actrice Maria Machado, fidèle compagne de Roland Dubillard, joue et met en scène, dans un lieu magnifique, « Madame fait ce qu’elle dit », un texte que « Roland » a écrit pour elle. Un délice nocturne, rêveur et jardinier.

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Illustration 1
Scène de "Madame fait ce qu'elle dit" © dr

Roland Dubillard (1923-2011) a écrit Madame fait ce qu’elle dit alors qu’il avait perdu et difficilement reconquis le fait de parler et d’écrire (publication en 2008  chez Gallimard). Il l’a écrit pour Maria Machado , une actrice d’origine allemande qui, jusqu’au bout, veilla sur celui avec lequel elle s’était mariée il y a longtemps. Depuis la disparition de Dubillard, elle ne cesse de maintenir le flambeau de sa mémoire en signant et en jouant des œuvres (lire ici) écrites par celui qu ‘elle appelle toujours par son seul prénom : « Roland » .

Madame fait ce qu’elle dit commence ainsi :

« MADAME : Madame entre dans son parc poussée par son fidèle serviteur. Comme un arbre à côté de son ombre il est resté fidèle. Il pousse respectueusement Son Altesse. Abel pousse Son Altesse. Encore faut-il savoir dans quelle direction. Madame a le choix, tantôt vers le bassin, tantôt vers la forêt. «Dieux, que ne suis-je assise à l'ombre des forêts...» Madame a des lettres, elle est cultivée, elle est actrice. Madame a le fou rire. Madame rit d'elle-même. Il est temps de se lever. Comme Madame voudra.»

Alors, elle se lève sans jamais s’être assise et parcourt le jardin. Son serviteur-danseur (Toto Piccadilly) veille sur Madame, égaie quelque peu la solitude de la vieille actrice. La musique (Guillaume Tiger) accompagne son errance. Jean Ridereau éclaire doucement cette femme habillée de noir dont on ne voit que « le visage immobile comme un drapeau sans vent, l’air froissé ». Elle avance à petits pas au hasard de sa mémoire jardinière, elle se souvient avoir joué Phèdre, des répliques lui reviennent. Elle parle d’elle à la troisième personne « Madame n’a plus d’espoir qu’en la venue de la Nuit. La veuve noire, c’est Madame. Qui l’accuse d’avoir mangé son veuf ? ». Insomniaque elle craint le sommeil « comme une araignée ».

Elle vit dans et par le théâtre. »Elle peut s'y promener.. « Au-delà de la rampe, tout est imaginaire : ce grand fleuve, la lointaine campagne avec ses clochers, sa voie de chemin de fer qui enjambe le fleuve sur les arches/ du pont et qui barre d'un trait cette même campagne./Son royaume. »

Créé un soir au Figuier pourpre, dans la maison de la poésie d’Avignon, le spectacle s’est ensuite installé dans un lieu extraordinaire, l’hôtel particulier (et privé) Galéans des Issarts, derrière le Palais des papes, où naguère Gérard Philipe et Jean Vilar sont venus lire des textes. Disposées au bord du jardin, des chaises vous attendent.

Hôtel Galéans des Issarts, 5 rue du Four, prochaines et dernières représentations les 18,19 et 20 juillet à 21h30

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