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Billet de blog 15 novembre 2022

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Que reste t-il de « 1983 » ?

La compagnie Nova achève son triptyque « Écrire en pays dominé » avec « 1983 », un spectacle écrit par Alice Carré et mis en scène par Margaux Eskenazi et faisant référence à la fameuse marche de cette année-là. Si on en retrouve les actrices et les acteurs, on peine à retrouver ce qui faisait la force des précédents volets de la trilogie.

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Illustration 1
Scène de "1983" © Loic Nys

En 2017, dans un petit théâtre qui s’appelait alors La Loge, on découvrait la compagnie Nova avec Nous sommes de ceux qui disent non à l’ombre, un spectacle qui, d’Aimé Césaire à Édouard Glissant, circulait avec habileté entre négritude et créolité (lire ici). C’était le début d’un triptyque « Écrire en pays dominé ». Pour l’occasion, Alice Carré avait rejoint la compagnie Nova, créée par la metteuse en scène Margaux Eskenazi dix ans auparavant.

Deux ans plus tard, on retrouvait la compagnie Nova pour le second volet de la trilogie, un spectacle autour de la guerre d’Algérie jamais nommée ainsi par l’état français ( tout comme Poutine parlant d’« opération spéciale » à propos de la guerre contre l’Ukraine), un spectacle d’abord titré J’ai la douleur du peuple effrayante au fond du crâne (lire ici) puis Et le cœur fume encore ( des mots extraits d’un même texte de Kateb Yacine). Un spectacle qui, comme le premier, était composé de séquences basées sur des faits historiques et d’autres, s’appuyant sur des situations réinventées par les acteurs, Alice Carré et Margaux Eskenazi (cette dernière signant seule la mise en scène).

On retrouve les actrices et les acteurs de Et le cœur fume encore - Armelle Abibou, Loup Balthazar, Salif Cisse, Anissa Kaki, Malek Lamraoui, Yannick Morzelle, Raphaël Naasz, Eva Rami -dans le troisième volet de la trilogie « Ecrire en pays dominé », un spectacle titré 1983 beaucoup plus long que les précédents, mis en scène par Margot Eskenazi mais écrit par la seule Alice Carré.

Tout s’enchaîne à partir des événements des Minguettes à Vénissieux durant l’été 1983 où Tomi Djaïdja président de l’association Minguettes avenir avait été salement blessé par des policiers alors qu’il s’interposait entre un chien policier et une enfant. Eniène incident qui sera à l’origine de « la marche des beurs » qui voit dix sept jeunes entreprendre une marche de Marseille à Paris, pour l’égalité et contre le racisme. Ils seront cent mille à l’arrivée. Le président Mitterrand accédera à leur principale demande : la carte de séjour de 10 ans. C’est aussi le temps des radios libres pirates puis autorisées, du groupe Carte de séjour, le début de la montée du FN (première mairie à Dreux en mars 83), la création de SOS racisme, etc. Le spectacle ne s’en tient pas à la stricte années 1983 mais va de 1979 à 1985.

Il s’appuie sur un travail d’enquêtes et d’entretiens menés avec des dizaines de militants associatifs, éducateurs, historiens, sociologues, profs, et bien sûr des « Marcheurs », le tout allant de Mokhtar Amini musicien du groupe Carte de séjour à Christian Delorme le prêtre et marcheur de Lyon.

Bref un très gros travail. Mais trop écrasant, trop vaste, trop paralysant. Par ailleurs il se peut que l‘abandon de l’écriture de plateau des précédents spectacle pour la seule plume d’Alice Carré, ait été dommageable. Toujours est-il que le spectacle, loin d’avoir l’allégresse et le piquant des précédents, s’enlise dans un émiettage et un spectre historique trop large pour ne pas être retors, le tout s’étalant péniblement sur deux heures quarante jusqu’à un poussif épilogue. On mesure le travail besogneux accompli, persiste et domine cependant l’impression d’effleurement permanent. Surtout, vu de la salle, manque le plus souvent le plaisir à jouer, à inventer ensemble, l’entrain permanent qui faisaient le charme et la force des précédents spectacles.

Pour complémente et un tout autre regard, lire ici le reportage d'Antoine  Perraud de Mediapart.

TNP à Villeurbanne petit théâtre, salle Jean Bouise, jusqu’au 20 novembre. Puis longue tournée : le 22 nov à Vénissieux, du 25 au 29 nov aux Gémeaux (Sceaux), du 1er au 10 dec au Théatre de la ville à Paris,le 15 déc à Angoulème, puis de janvier à mars : Rose des vents de Villeneuve d’Asc, TGP de Saint-Denis, Théâtre de la Cité Internationale à Paris, Carros, Pantin, le Vesinet, comédie de Saint Etienne, Aix en Provence, Tremblay en France, Ferme du Buisson, Trappes.

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