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En entrant dans la salle qui est aussi la scène, les spectateurs sont invités à enlever leur manteau et leurs chaussures (des portes manteaux sont disposés sur les côtés) avant de s’asseoir sur un des coussins ou petits tabourets disposés quasi en cercle autour d’un centre occupé par une sorte d’autel achalandé. Entre le centre et les petits tabourets, pendant que le public, s’installe et encore après, Vanasay Khampommala portant une robe laotienne, chaussée de sabots épais mais souples, tourne en dansant légèrement, accompagnée par une musique douce venue du pays de ses ancêtres, le Laos. Les corps se détendent à son écoute, alors il prend la parole pour nous dire qu’au Laos enlever ses chaussures est un signe de respect. Ainsi se dévoile à petits pas, le mystère que recèle le titre de sa prestation : La voix de ma grand-mère.
Son précédent spectacle faisait justement écho à ses origines qui sont, cette fois, au centre de ce nouveau spectacle. Cette grand-mère, il ne l’a pas connue, ni sa langue, ni ses chants, mais d’ailleurs chantait-elle ? Sans doute, mais quoi ? .Cette femme sans visage (aucune photo conservée) est morte bien avant sa naissance, il y a 80 ans (1944), l’âge donc de son père Somphet dont elle a accouché avant de mourir. Plus tard, le père allait partir pour la France, pays où est née Vanassay, enfant auquel il n’apprendra pas le laotien.
C’est à la faveur de longs voyages récents au Laos ces dernières années que Vanassay s’est approchée de cette langue jusqu’à s’y plonger et commencé à la parler. Mais à quoi ressemblait la voix de sa grand-mère ? Que chantait elle? Vanassay va, inlassablement, questionner son père, bientôt présent sur le plateau. Ce dernier ne peut guère y répondre et pour cause: il n’a pas connu sa mère, morte en le mettant au monde. Qu’importe, comme si nous étions sur la place d’un village laotien, Vanassay secondée par son père, va tenter d’y répondre tout en garnissant d’objets, de nourritures et de tissus l’autel qui occupe le centre du plateau pour la cérémonie traditionnelle du baci qui clôt le spectacle. Un rituel de théâtre aussi bien. Le père se souvient par à coups, par bribes, en direct sur le plateau ou, le plus souvent, via sa voix enregistrée lors d’entretiens menés par Vanassay. Des bribes sonores reviennent, recomposées d’un temps comme immémorial. C’est aussi doux que délicat. Et quand tout est fini, quand les nœuds se défont, quand les feux s’éteignent, on applaudit.
Vanassay Khomphommala a créé sa compagnie Lapsus Chevelü en 2018 et depuis on a pu suivre son cheminement artistique et identitaire à travers des spectacles comme Orphée aphone (lire ici) ou Echo (lire ici),. Actrice, metteure en scène et chanteuse, elle est aussi une excellente traductrice de Sarah Kane ou Anne Carson (pour l’Arche). « Libérer des imaginaires longtemps silenciés et d’abord en nous-mêmes et par nous-mêmes » souligne-t-elle, tel est le but et le chemin jamais rectiligne emprunté par La voix de ma grand-mère.
La voix de ma grand-mère, spectacle vu aux Métallos à Paris a été créé au CDN de Bordeaux puis au théâtres des Ilets. Il sera du 20 au 22 nov à la Renaissance d’Oullins, du 5 au 7 fév au CDN d’Orléans, le 13 mars au Théâtre de Blois et du 4 au 7 mai au Théâtre 13