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« Pistes » en suit plusieurs. La première piste est celle de l’enfance. « La petite Penda » qui, à 5 ans, « découvre ce qu’est le blackface » à ses dépends. Une enfance passée à Moulins, dans l’Allier où les Diouf sont « la seule famille noire à des kilomètres à la ronde ». A 14 ans, « fan d’athlétisme », on la compare à Marie José Perec, c’est la seconde piste, celle de l’adolescente. foulant les cendrées des stades et traquant sur le écrans de la télévision, la silhouette de Frankie Frédérick. Le seul alors à tenir tête aux Américains sur les courses reines que sont le cent mètres et le deux cents mètres plat. « D’où viens tu Franckie ? »
Il vient de Namibie. L’envie vient à la petite Penda devenue grande d’aller là-bas, de crapahuter dans ce pays dont elle ne sait rien. Elle prend l’avion seule, loue une voiture, voyage seule ou prenant des gens en stop comme cette grand-mère à quatre cents kilomètres de son village. Qui savait, qui se souvenait que le pays de Franckie, après la conférence de Berlin de 1884, avait été colonisé durement par les Allemands, que le père de Goering avait été un modèle pour son fils en matière d’exécutions massives, celle des Hereros au sud et de Namas au nord de la Namibie. Penda Diouf explore cette piste oubliée des livres d’Histoire de l’Afrique et d’ailleurs, raconte les luttes, les héros comme Hendrik Withbooi ou Samuel Maharero, les prisonniers tatoués comme plus tard dans les camps de concentrations nazis. Que reste-t-il aujourd’hui de cette histoire? Quasiment rien. « Deux peuples se sont ainsi éteints comme un feu dont on laissait les braises mourir exprès » écrit Penda Diouf.« La Namibie a été le lieu du premier génocide de l’histoire du XXe siècle »
Âpre et magnifique texte porté en scène avec une force tranquille par Nan Yadji Ka-Gara (formée à l’école du TNBA). Et subtilement accompagné par la chorégraphie de Robyn Orlin et la scénographie de David Bobée (qui passe des couloirs de la course aux sables et aux ocres du désert de Namibie) qui dirige le Théâtre du Nord. Penda Diouf est l’une de ses deux artistes associés, l'autre c’est Eric Lacascade , vieux compagnon de route.
Tout autre piste, celle de La grande ourse. Dans cette pièce, Penda Diouf pousse une situation ordinaire, au-delà de l’absurde, jusqu’à l’effroi.Tout va bien dans cette famille jusqu’à ce qu’on sonne à la porte. C’est la police. Via la vidéo surveillance on a vu que la mère (rôle bien tenu par Armelle Abibou) après avoir donné un bonbon à son enfant, avait laissé traîner le papier par terre. Ce qui est formellement interdit dans l’État où elle vit. Elle est convoquée à la police et de là au tribunal. Début d’un engrenage digne de Kafka. Au commissariat un policier et une policière ne la ménagent pas. Un griot s’invite dans la partie. Dans la mise en scène d’Anthony Thibault, ami et complice de Penda Diouf, le rôle de la policière disparaît ce qui est dommage.
La pièce déroule ainsi une série d’enchaînements qui verront cette femme emprisonnée renverser la table. « Pour cette femme, en pleine quête d’elle-même, la reconnexion avec une nature perdue de vue devient un impératif pour respirer librement » écrit justement Rokhaya Diallo » dans un avant-propos à la publication de la pièce. Et il ajoute : « Elle devient alors cette qui réconcilie le monde actuel avec sa mémoire perdue. Mais les éclaireurs ne sont pas toujours bienvenus en des temps obscurs plus encore quand ce sont des femmes, à l’image des sorcières punies pour avoir bousculé des codes étriqués. »
Sorcières (titre (provisoire) est justement le titre de la pièce écrite par Penda Diouf, suite à un commande d’écriture du Préau, CDN de Normandie dirigé par Lucie Bérélowitsch qui a mis en scène la pièce, interprétée par Sonia Bonny et Clara Lama Schmit, comédiennes permanentes du Préau et Natalka Halanevych, membres des Dakh Daughters ; artistes associées au Préau. Le but était d’enquêter sur ce qui reste de sorcellerie dans le bocage normand à partir d’ouvrages, d’enquêtes et de témoignages sur ces questions, en particulier Les mots, la mort, les sorts de Jeanne-Favret Saada. Alors l’autrice, née à Dijon de parents sénégalais et ivoirien s’est retrouvée dans le bocage normand à interviewer des coupeurs de feu, des rebouteux, des tas de gens ayant ou disant avoir des pouvoirs d’anticipation et de guérison. Autant de cousins des chamans et des griots. Ici les racine des arbres ont de la mémoire tout comme les maisons. Une jolie fable entre femmes avec une maison biscornue et des arbres tordus pour témoins La sténographie de Valentine Lê et François Fauvel multiplie les échappées. Une douce inquiétude envahit le plateau et enveloppe les spectateurs.
Et c’est encore une autre piste que Penda Diouf explore dans sa dernière pièce Sœurs, nos forêts aussi ont des racines mise en scène par Silvia Costa pour la Comédie itinérante de Valence (lire ici).
Pistes, créé au Théâtre du Nord du 22, aprèsà Evry et Dijon, ld spectacle sera à l' affiche du Théâtre 13 à Paris du 19 au 29 mars puis le 3 avril au Méta de Poitiers
La pièces est éditée aux éditions Quartett
La grande ourse, vu à la MC93, le spectacle sera à l’Avant scène de Cognac le 10 avril et au 3T de Châtellerault le 18 avril
La pièce est éditée aux éditions Quartett
Sorcières(titre provisoire) , créé à Vire, passé par le Théâtre du Point du jour à Lyon, le spectacle sera à Barenton le 28 janv, au Val de Reuil le 4 fév et à Deauville les 27 et 28 fév. Le texte n’est pas édits.