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Billet de blog 30 août 2023

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Allez vous réparer au Garage-Théâtre

Les quasi adieux au music-hall d’un trio de vieux agitateurs du théâtre, un spectacle vieux de trente ans qu’on voudrait déjà revoir et des nouvelle guillerettes de la frontière franco-luxembourgeoise, constituaient quelques points forts du festival du Garage-Théâtre de Cosne-Cours-sur Loire

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Illustration 1
Jean-Pierre Bodin dans "Le banquet de la sainte Cécile" © dr

On répare tout au Garage théâtre de Cosne-Cours-sur-Loire, même la mémoire, même l’oubli et même le temps qui passe et vieillit presque tout. Je ne reviendrai pas ici sur la naissance de ce conte de fait théâtral pour l’avoir racontée (lire ici) lors de son ouverture via un festival. Rappelons tout de même que c’est là l’œuvre et le rêve conjugués d’une fille, l’actrice Lou Wenzel, et de son père, l’acteur-auteur- metteur en scène Jean-Paul Wenzel. Ce soir s’achève la quatrième édition du festival qui se tient une semaine durant chaque été du côté de la fin août.

Le premier soir, sous le titre mi bateau, mi-aguicheur Tout augmente se cachait la reconstitution d’un trio dissous mais cependant insoluble puisque le voici reconstitué. J’ai nommé l’acteur Olivier Perrier, inventeur des mythiques Rencontres d’Hérisson (son village natal, dans l’Allier), l’acteur-agitateur et metteur en scène Jean Louis Hourdin qui après bien des aventures théâtrales en Bourgogne et ailleurs, grâce à la fée Destinée est devenu propriétaire de la maison Jacques Copeau à Pernand Vergelesses,antre, depuis, devenue une formidable maison de théâtre sous l’impulsion d’une association à laquelle Hourdin va prochainement léguer la bâtisse, elle aussi mythique. Quant à Jean-Paul Wenzel il est un des rares auteurs contemporains dont une pièce, Loin d’Hagondange a été créée à Théâtre Ouvert chez les Attoun (si ma mémoire est bonne), et mise en scène, entre autres, par Patrice Chereau. Cette pièce a fait le tour du monde.

Ces trois loustics ont ensemble créé des spectacles mémorables et s’il ne fallait n’en citer qu’un, cela serait le magnifique Honte à l’humanité (il y a 44 ans!) où les trois à poil ou quasi avaient pour partenaire une truie nommée Bibi. Ce sont aussi ces trois là qui, à la demande générale du ministère de la culture de l’époque et du maire de la ville, ont créé un nouveau centre d’art dramatique, Les Îlets, à Montluçon, dans l’Allier. Rien d’étonnant à ce que les Wenzel, père et fille, aient trouvé refuge dans le département voisin, la Nièvre dans une rue située entre l’autoroute A77 et les berges de la Loire.

Tout augmente est un spectacle ni fait ni à faire, une sorte de pot pourri qui retrace à gros traits l’histoire du monde depuis les temps préhistoriques jusqu’à aujourd’hui en passant par Brecht, la mémoire qui flanche, le voleur de bicyclette, le pis des vaches, la peur du vide, les bonnes vieilles révoltes et l’amitié qui maintient le cap cependant que chacun agite le hochet d’une petite marotte. Le violoncelle de Muriel Piquart accompagne ces erratiques autant que sympathiques et troublants vagabondages fomentés et interprétés par les trois vieux loustics, complices comme cochon.

Au troisième soir du festival, j’ai eu enfin l‘immense plaisir de voir Le Banquet de la Sainte Cécile, spectacle dont j’avais mainte fois entendu parler depuis sa création (il y aura trente ans l’année prochaine) sans avoir l’occasion de pouvoir le voir malgré ses plus de neuf cents représentations au compteur.

Sous l’œil avisé et complice de François Chattot, Jean-Pierre Bodin a écrit et joue avec un plaisir inentamé ce spectacle fruit de son observation et de ses conversations hachées de tendresse avec les nombreux membres de l’harmonie municipale de Chauvigny (dans la Vienne). Cette ville aurait mérité d’être un chef-lieu comme le raconte Bodin. Sans y être né, il y a vécu son enfance et sa prime jeunesse, faisant partie un temps de l’Harmonie municipale.

Sainte Cécile étant la marraine des musiciens, chaque année l’harmonie municipale en profite pour faire la fête comme il se doit et tout autant être présente aux grandes dates de la nation : le 14 juillet et le 11 novembre. Comme les harmonies municipales ne sont pas le fait de chaque localité, celle de Chauvigny est souvent sollicitée les 11 novembre pour jouer devant le monument aux morts du village et, après la prestation et le recueillement d’usage, honorer les gâteaux et abreuver en vin les gosiers. Ce qui nous vaut une série de scènes enjouées, pleins d’humour et d’humaine tendresse.

Bodin seul en scène et un verre de vin à la main (il en offre aux spectateurs du premier rang, mais à la fin du spectacle, c’est tournée générale) a une façon aussi drôle que diabolique de nous croquer ces dizaines d’individus formant l’harmonie, chacun dans son jus. C’est merveilleusement écrit et joué, à la fin c’est l’harmonie municipale de Cosne-Cours sur-Loire au grand complet qui entre en scène pour terminer le spectacle en musique avec Jean-Pierre Bodin, lequel, comme le souligne Hourdin, fait partie de cette grande lignée qui va de Karl Valentin à Toto en passant par Dario Fo.

Le banquet de la sainte Cécile a été crée au festival d’Avignon 1994, il serait formidable et juste qu’il y revienne l’été prochain, trente ans après.

C’est là le spectacle fondateur de la compagnie La Mouline. Par la suite, Bodin a signé d’autres spectacles à partir de paroles recueillies ou pas, comme Chemise propre et souliers vernis ( récit de la vie d’ un musicien de bal). Il fut aussi l’un des premiers, longtemps avant Stanislas Nordey, à jouer et mettre en scène La Question d’Henri Alleg . Sa compagnie et lui animent chaque été le festival du village de Brioux-sur -Boutonne.

Pour les vingt ans de sa compagnie, Bodin avait proposé deux « banquets de paroles ». L’un Meursault choisis avec Gérard Chaillou, Eric Proud, Jean-Marc-Roulot (acteur et vigneron) et Hervé Pierre. Ce dernier est venu en voisin voir ou revoir à Cosne-sur-Loire Le banquet de la sainte Cécile). L’autre banquet titré Un rendez-vous maroilles-chèvre avait pour unique interprète Jacques Bonnafé, lequel, ce soir à Cosne, avec Frontalier de Jean Portante  nous emmènera loin et finira en beauté cette quatrième édition du festival cosnois du Garage théâtre.

Festival du Garage-théâtre, ce soir 19h surprise dans le jardin, 21 h Frontalier. Cosne-Cours -sur Loire, 235 rue des Frères Gambon, O3 86 28 21 93

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