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formateur, expert associé France Education International (CIEP), membre professionnel laboratoire BONHEURS, CY Cergy Paris Université

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Billet de blog 17 septembre 2023

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Culture de l’écrit : une réponse révélatrice du ministre

La réponse du ministre à l’appel à lui lancé pour promouvoir la culture de l’écrit à l‘école confirme l’approche réductrice qu’il compte mettre en œuvre : l’apprentissage des règles à l’école, les ateliers d’écriture confiés au périscolaire, et un grand concours feront l’affaire.

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Dans un billet récent, nous avons souligné l’importance de l’appel lancé par un collectif au ministre de l’éducation nationale pour promouvoir la culture de l’écrit[1]. A cette tribune parue dans Le Monde, le ministre vient de répondre par une même tribune dont le titre ne serait pas désavoué par un titreur de Libération : « je crois aux forces de l’écrit[2] ».

Si le ministre salue l’appel qui lui a été adressé, dans lequel « chacun de nos citoyens se retrouve », il affirme sans hésiter « je suis un ministre lucide ». Mais très vite il manifeste son incompréhension de l’appel qui lui a été adressé. Les signataires de l’appel parlaient de la « culture de l’écrit », il parle lui de la « culture de la trace écrite » : « Pour développer vraiment la culture de la trace écrite dans notre école, nous avons un devoir d’exigence et d’excellence ». E il enchaîne sans surprise : « Etre exigeant, c’est assumer l’impératif absolu de l’apprentissage des règles, de la grammaire et de l’orthographe ». Cela coule de source : « D’abord, il nous faut collectivement sortir d’un certain nombre de débats qui ont inutilement polarisé. La dictée est un exercice indispensable, qui doit être utilisé autant que nécessaire, et ce, dès le primaire ».

Quand les signataires de l’appel lui proposent de « « créer dès le CE1 un temps obligatoire de trente minutes par jour d’écriture créative et d’expression libre », il répond que « nous devrons travailler à ce que, en CM2, chaque semaine, les élèves produisent au moins un texte libre, que ce soit un récit d’invention, un texte artistique ou une réflexion sur une thématique donnée ». On mesure l'écart flagrant entre les ambitions des uns et de l'autre. Le ministre souligne qu’ « au lycée, l’écrit doit rester un pilier de l’accomplissement de nos élèves. Si j’ai décidé de diminuer le nombre de textes au programme de l’oral du baccalauréat de français, c’est précisément pour laisser plus de place à la compréhension de leur écriture ». Nous signalions dans note billet la suppression, à l’occasion de la dernière réforme du baccalauréat, de l’exercice d’écriture d’invention à l’épreuve anticipée de français en fin de première. Le ministre n’évoque nullement la perspective de son retour. Il termine en annonçant un futur double concours d’écriture : l’école de l’exigence qu’il se flatte de promouvoir reste ancrée dans la culture de la compétition, qui révèle l'« excellence » de quelques-uns, plutôt que dans celle de la coopération.

On mesure ainsi, à la lecture de la tribune ministérielle, en quoi consiste « le choc des savoirs » annoncé par M. Attal : au scolaire ce qu’il appelle comme ses prédécesseurs, les savoirs « fondamentaux » utilitaires (même s’il nous a épargné dans ce texte le sacro-saint "lire-écrire- compter", il ne manque pas d’insister sur les règles, l’orthographe et la grammaire) au périscolaire les ateliers d’écriture (« généraliser la pratique des ateliers d’écriture sur le temps périscolaire »), et, pour couronner le tout, un grand concours pour « mettre en valeur les plus belles productions ».

Entre "exigence" pour tous et "excellence" de quelques-uns, l’école de M. Attal n’a rien de neuf. Elle flatte l’imaginaire éducatif le plus commun en réduisant la culture de l’écrit à "l'exigence" pour tous de celle de la trace écrite dont la dictée reste le meilleur exemple. "L'excellence" de la culture de l’écrit restera donc le privilège des "meilleurs".

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[1] https://blogs.mediapart.fr/jean-pierre-veran/blog/070923/culture-de-l-ecrit-l-ecole-allons-jusqu-au-bout-de-la-reflexion

[2] https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/09/15/gabriel-attal-je-crois-aux-forces-de-l-ecrit_6189482_3232.html

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