Il existe en France une hiérarchie des normes, bien connue de tous les cadres de nos institutions : les constitutions européennes et française sont au dessus de nos lois, elles-mêmes au dessus des décrets eux-mêmes au dessus des arrêtés. Seuls ces textes ont valeur réglementaire, les circulaires, notes de service ou déclarations ministérielles en sont dépourvues et ne sauraient s’imposer sans risque de contentieux juridique.
Deux événements récents permettent de se questionner sur la manière dont cette hiérarchie des normes est respectée par le ministère.
En janvier dernier le ministre a annoncé la généralisation du dispositif « devoirs faits » à tous les élèves de 6e. Ces heures d’aide aux devoirs sont proposées jusqu’ici aux élèves dont les familles sont volontaires pour qu’ils y participent. Ces heures sont en effet en dehors des horaires d’enseignements obligatoires en 6e, fixé à 26 heures hebdomadaires[1], par l’arrêté du 19 mai 2015 relatif à l'organisation des enseignements dans les classes de collège[2]. Le ministère le sait bien, qui a annoncé précédemment la suppression en 6e à la rentrée prochaine d’une heure de technologie pour pouvoir rendre obligatoire une heure de soutien ou d’approfondissement en français ou en mathématiques. On ne peut donc que s’étonner que puissent être annoncées comme obligatoires désormais les heures consacrées à l’encadrement des devoirs, dont l’horaire est fixé par l’établissement en dehors des heures de cours et qui s’adresse aux élèves volontaires[3].
Le ministre vient tout récemment d’annoncer sur Twitter que les lycéens disposeraient de deux jours de révision pour préparer les épreuves de spécialité du baccalauréat qui se déroulent à partir de demain lundi. Cette annonce très tardive est en contradiction avec le Décret n°85-924 du 30 août 1985 relatif aux établissements publics locaux d'enseignement[4]. L’article 2 de ce décret précise en effet que « Les collèges, les lycées, les établissements d'éducation spéciale disposent, en matière pédagogique et éducative, d'une autonomie qui porte sur
1° L'organisation de l'établissement en classes et en groupes d'élèves ainsi que les modalités de répartition des élèves ;
2° L'emploi des dotations en heures d'enseignement mises à la disposition de l'établissement dans le respect des obligations résultant des horaires réglementaires ;
3° L'organisation du temps scolaire et les modalités de la vie scolaire ; (…) »
Il est pour le moins curieux que le ministre s’exonère dans le premier cas du respect des obligations résultant des horaires réglementaires et dans le second du respect de l’autonomie des établissements touchant leur organisation pédagogique du temps scolaire. Ne serait-il pas souhaitable, dans des temps particulièrement tendus, que les ministres, et notamment celui de l’éducation nationale, s’astreignent scrupuleusement, dans un souci d’exemplarité, au respect des textes réglementaires ? Le Président de la République, en août dernier, devant les recteurs en Sorbonne, annonçait vouloir donner plus d’autonomie aux établissements scolaires[5]. Apparemment, on n’en prend pas vraiment le chemin !
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[1] https://www.education.gouv.fr/les-horaires-par-cycle-au-college-9884#:~:text=les%20enseignements%20facultatifs.-,Les%20enseignements%20obligatoires,%2C%203e%20(cycle%204).
[2] https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000030613339
[3] https://www.education.gouv.fr/devoirs-faits-un-temps-d-etude-accompagnee-pour-realiser-les-devoirs-7337
[4] https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGITEXT000006065139
[5] Voir notre billet du 26 août 2022 : https://blogs.mediapart.fr/jean-pierre-veran/blog/260822/discours-presidentiel-sur-l-ecole-un-changement-de-methode-et-rien-dautre