Pour « reconstruire un école globale pour l’égalité et l’émancipation », la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale propose une série de mesures cohérentes[1], visant notamment à ce qu’on ne puisse plus écrire que L’Ecole n’est pas faite pour les pauvres, comme l’a fait Jean-Paul Delahaye en 2022 dans un essai où il plaide « pour une Ecole républicaine et fraternelle »[2].
On retiendra à ce sujet un ensemble de choix politiques visant à réduire les inégalités d’accès aux savoirs si caractéristiques de notre Ecole actuelle : gratuité réelle des transports, activités périscolaires, manuels et fournitures scolaires sans marques, objectif de gratuité de la restauration scolaire en lien avec les collectivités, scolarisation des deux ans pour les parents qui le souhaitent en même temps qu’on crée un service public de la petite enfance avec une tarification progressive tendant vers la gratuite, renforcement des moyens de lutte contre les sorties précoces avec l’objectif « zéro décrocheur », établissement d’une nouvelle carte scolaire intégrant l’enseignement privé avec des contraintes de mixité sociale afin de lutter contre la ségrégation scolaire, augmentation des classes accueillant les élèves allophones, développement des personnels de santé scolaire, de vie scolaire, d’accompagnement des élèves en situation de handicap, pré-recrutement des enseignants permettant l’accès à cette profession d’étudiants venus de milieux populaires…
Cela n’est pas rien et cette rupture avec les politiques menées ces dernières années mérite d’être salué. Mais, quand on cherche dans le programme de la NUPES quelle serait la politique des savoirs, on ne trouve que des éléments fort parcellaires.
Certes le caractère unifié des contenus d’enseignement sera garanti. Pour « Faire de l’école le levier de la bifurcation écologique et démocratique » les contenus d’enseignement seront concernés :
- « Intégrer l’enjeu écologique dans les programmes de la maternelle au lycée et introduire de nouveaux enseignements pratiques (réparation, construction, cuisine, jardinage…) (…)
- Renforcer l’éducation à l’égalité, contre le sexisme et les discriminations, dans les programmes scolaires »
La NUPES s’engage également à « renforcer la prévention contre le harcèlement scolaire et la lutte contre les addictions » et à « formuler un projet « d’école globale » : rendre cohérent scolaire et périscolaire ».
On le voit, cette école globale ressemblera beaucoup, du point de vue des savoirs enseignés à l’école d’hier et d’aujourd’hui, si l’on excepte les nouveaux enseignements pratiques, dont on ne peut que souhaiter l’introduction, mais dont on mesure qu’ils ne transformeront pas les grands équilibres maintenus depuis des décennies dans le domaine des savoirs enseignés.
Des disciplines sont déjà là et resteront là, des disciplines ne sont pas là et continueront d’être absentes. La NUPES ne parle que de programmes scolaires, en aucun cas elle n’évoque le curriculum des élèves, qui devrait intégrer, dans un objectif d’égalité et d’émancipation d’autres savoirs et compétences que les savoirs disciplinaires actuellement enseignés. En proposant de « rétablir le diplôme national du baccalauréat, abroger les contre réformes Blanquer du lycée et de la voie professionnelle », elle semble se contenter de revenir au statu quo ante, comme si le lycée pré-Blanquer et le baccalauréat pré-Blanquer étaient satisfaisants en terme d’égalité et d’émancipation.
Ce n’est pourtant pas la même chose que d’être élève et bachelier de l’enseignement professionnel ou de l’enseignement général. Cela ne vaudrait-il pas la peine au moins d’ouvrir la réflexion au sujet de cette partition si socialement marquée ?
Il est à craindre, si cette dimension curriculaire de l’éducation demeure absente de la réflexion politique, que les meilleures intentions du monde touchant à l’émancipation de tous n’arrivent pas à leur fin. Le savoirs actuellement enseignés ne sont pas socialement et culturellement neutres. Ils conviennent parfaitement à celles et ceux qui en connaissent tous les ressorts, et desservent celles et ceux qui n’en possèdent pas les clés. Ils ne sont pas également distribués à tous : certains sont assignés à des savoirs et interdits d’autres savoirs, les stratégies familiales de réussite scolaire se construisent sur ces inégalités.
Il serait donc important que les futur.e.s élu.e.s de la nouvelle Assemblée nationale, quelle que soit leur affiliation partisane, s’engagent, comme le leur demande le CICUR[3],
- à organiser dans leurs circonscriptions des consultations démocratiques sur ce que l’ École doit enseigner aux élèves pour les préparer aux défis du 21e siècle,
- à déposer une proposition de loi permettant d’ouvrir le débat à l’Assemblée nationale sur les finalités de l’École et la politique des savoirs et promouvant la nécessité d’une grande consultation nationale sur les finalités de l’École et la politique des savoirs, finalités et politique indépendantes du calendrier électoral, inscrites dans la Constitution.
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[1] https://nupes-2022.fr/le-programme/
[2] Voir le billet du 12 février : https://blogs.mediapart.fr/jean-pierre-veran/blog/120222/j-p-delahaye-contre-l-ecole-des-impostures-pour-une-ecole-fraternelle