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formateur, expert associé France Education International (CIEP), membre professionnel laboratoire BONHEURS, CY Cergy Paris Université
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Billet de blog 27 nov. 2018

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Accès à la cantine pour tous : un chemin encore long ?

Plus de deux élèves sur trois fréquentent la restaurant scolaire de leur collège ou lycée. Mais ceux des familles défavorisées sont deux fois plus nombreux que les autres à ne pas le faire. A la cantine aussi, on retrouve le problème central de notre école : l’inégalité sociale.

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Le nouveau président de la FCPE indique, dans un entretien à l’AEF le 26 novembre, que son organisation veut porter l’effort «  sur les enfants les plus éloignés de la réussite scolaire » et, notamment sur « l’accès à la cantine pour tous ».

Il est bon à ce sujet de rappeler les résultats de l’enquête menée par le CNESCO en 2017 sur la restauration scolaire en France[1].

Le CNESCO rappelle d’abord la spécificité française d’une offre généralisée de demi-pension dans tous les établissements scolaires de second degré, qui se traduit par un fort taux de demi-pensionnaires (70% en collège, 68% en lycée), en nette augmentation depuis une vingtaine d’années.

Mis ce taux moyen, cache évidemment des disparités très fortes. « Si, en moyenne, 29 % seulement des collégiens ne sont pas inscrits à la cantine, c’est le cas de près de 59 % d’entre eux en éducation prioritaire. Dans les collèges classés en REP+, seul un élève sur quatre est inscrit au restaurant scolaire ».Et, « en moyenne, au collège, les élèves issus de familles défavorisées sont deux fois plus nombreux (40 % d’entre eux) à ne pas manger à la cantine que les élèves issus de familles favorisées (22 %) et très favorisées (17 %) ».

Plusieurs facteurs expliquent ces écarts.

D’abord, la politique tarifaire.  « Selon l’enquête menée par le Cnesco, le prix moyen d’un repas facturé aux familles est de 3,30 € dans les établissements publics du second degré. Dans le privé, les prix sont nettement plus élevés, se situant en moyenne, à 5,40 € le repas ». Or, « 55 % des établissements du second degré déclarent qu’il n’existe pas une politique tarifaire spécifique pour leurs élèves les plus démunis. Seuls 22 % des établissements proposent une grille pouvant aller jusqu’à la gratuité ».

Ensuite, la prise en compte des habitudes alimentaires. « Si la diversité des plats s’est progressivement installée dans les cantines françaises, pour autant, les régimes alimentaires spécifiques restent marginaux. Lorsqu’un élève ne consomme pas de viande ou de poisson, une alternative végétarienne n’est proposée que dans 17 % des établissements interrogés. Faute d’alternative, il lui est très majoritairement proposé, d’après les chefs d’établissement, une portion supplémentaire de légumes (dans 89 % des établissements)».

Or, les études de chercheurs internationaux montrent l’impact de la restauration scolaire sur la réussite scolaire et sur la santé des élèves. « Belot et James (2011[2]) ont montré que les élèves, notamment les plus défavorisés, bénéficiant d’un déjeuner nourrissant et équilibré sont plus attentifs et dans de meilleures conditions pour apprendre que les élèves ne bénéficiant pas d’un repas équilibré. Un impact sur les résultats scolaires des élèves a été mis en évidence, ainsi qu’un recul de l’absentéisme lié à des maladies. Des études montrent également l’existence d’un lien entre la fréquence des repas pris à la cantine et la protection contre le surpoids et l’obésité (cf. Florin & Guimard, Cnesco, 2017) ».

Si on peut donc se réjouir de la qualité de la restauration scolaire française, comparée par exemple aux paniers repas apportés par  les élèves suisses, autrichiens ou néerlandais, il faut bien constater, comme le fait Nathalie Mons, présidente du CNESCO,  dans son Avant propos[3]« une faiblesse qui, une fois de plus, nous ramène au sujet central de l’école en France : les inégalités sociales, en l’occurrence des inégalités sociales dans la fréquentation de la restauration scolaire». L’occasion pour elle de rappeler qu’« en Finlande ou en Suède la restauration scolaire est un service gratuit pour tous ».

Parmi les 21 mesures du Plan gouvernemental Stratégie pauvreté de 2018, la mesure 6 prévoit « L’accès à une alimentation équilibrée pour tous : offre de lait et alimentation infantiles à bas prix, un fonds pour proposer dans les écoles des petits déjeuners et développer l’éducation alimentaire en associant les parents, des tarifs de cantines accessibles à toutes les familles dans les petites communes fragiles[4]». Sur le site du ministère de l’éducation nationale, on peut lire à ce propos : « Parmi les mesures phares, une alimentation équilibrée pour tous : des petits déjeuners dans les territoires fragiles, des tarifs de cantines plus accessibles et des programmes d'accès à l'alimentation infantile[5] ». Si la gratuité n’est pas à l’ordre du jour officiel, on ne doute pas que la lutte contre les inégalités sociales d’accès à la restauration scolaire trouve dans ces mesures un point d’appui important.

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[1]http://www.cnesco.fr/fr/qualite-vie-ecole/restauration-scolaire/

[2]« Healthy School Meals and Educational Outcomes » Journal of Health Economics, vol. 30, no. 3, pp. 489-504.

[3]http://www.cnesco.fr/wp-content/uploads/2017/12/171002Dossier_Synthese_Qualite_vie_ecole_def.pdf

[4]https://solidarites-sante.gouv.fr/affaires-sociales/lutte-contre-l-exclusion/investir-dans-les-solidarites/les-5-engagements-de-la-strategie-pauvrete/article/le-resume-des-21-mesures

[5]http://www.education.gouv.fr/cid133971/strategie-de-prevention-et-lutte-contre-la-pauvrete-les-mesures-pour-la-jeunesse.html

Voir aussi à ce propos ce billet du mois d'août :

https://blogs.mediapart.fr/jean-pierre-veran/blog/230818/restauration-scolaire-service-annexe-mais-enjeu-majeur

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