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Billet de blog 4 novembre 2025

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Loi de finances 2026 : AAH et réduction de la prime d'activité + RSDAE

Un commentaire d'une disposition du projet de loi de finances 2026 : réduction de la prime d'activité pour les bénéficiaires de l'AAH travaillant en ESAT ou en milieu ordinaire. Et toujours pas de nouveau sur l'application d'une promesse de réforme de la RSDAE ( Restriction Substantielle pour l'Accès à l'Emploi ).

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Illustration 1
Projet de loi de finances 2026 - article 79

Le projet de loi de finances 2026 prévoit de faire une économie de 225 millions d'euros "en année pleine" en diminuant la prime d'activité versée à des bénéficiaires d'AAH.
Cela peut concerner 20% des bénéficiaires d'AAH, la moitié travaillant en milieu ordinaire, l'autre moitié travaillant en ESAT (ex-CAT). Il n'est pas sûr qu'ils en bénéficient tous actuellement, soit parce qu'ils n'exercent pas tous une activité suffisante, soit parce que les ressources de leur couple les excluent du droit à la prime d'activité (ou la diminuent).

Le projet de loi (article 79)

La nouvelle disposition ne s'appliquerait pas aux bénéficiaires de la prime d'activité au 31 mars 2026 jusqu'au renouvellement, mais comme le droit à la prime d'activité se calcule tous les 3 mois, l'ancienne règle ne s'appliquerait que jusqu'au 31 mai 2026. Un maintien vraiment très provisoire.
La mesure concernera surtout les travailleurs en ESAT. L'argumentaire indique :
"Or, contrairement au RSA, qui est une prestation purement différentielle, le barème de l’AAH intègre cette dimension d’intéressement au travail via des abattements, si bien que le cumul de la prime d’activité et de l’AAH fait dans son principe double emploi"

Les abattements pour les travailleurs d'ESAT vont de 0 à 5%, pour éviter que les employeurs maintiennent au plus bas niveau la rémunération des travailleurs. Une incitation très faible. Je ne vois pas comment le cumul avec la prime d'activité peut faire double emploi, compte tenu de l'effet très faible de cet abattement.
Lorsqu'il s'agit d'une activité en milieu ordinaire, les abattements sont effectivement plus substantiels : 80% sur le revenu professionnel inférieur à 30% du SMIC, 40% sur le revenu supérieur. L'abattement seulement de 80% est difficilement compatible avec la prime d'activité, parce qu'il correspond à une activité inférieure à un tiers temps. Bien sûr, dans les autres cas, les deux abattements se succèdent.
Je lis dans l'argumentaire : "De plus, passé un tiers temps, la dégressivité de la prime d’activité avec les revenus du travail vient s’ajouter à celles de l’AAH et des aides au logement. Cela conduit à ce que le revenu disponible ne progresse pas, et, dans certains cas, diminue lorsque les revenus du travail augmentent, que ce soit en milieu ordinaire ou en milieu protégé.

Cette prise en compte spécifique de l’AAH pour le calcul de la prime d’activité présente ainsi des effets négatifs, en matière de ciblage de la prestation par niveau de revenu et d’incitation à l’augmentation de la quotité de travail."

J'aimerai bien voir cette démonstration. D'autant plus que le dernier paragraphe peut être interprété de plusieurs façons : "ciblage" et "incitation" ?

Donc, un argumentaire fragile, mais une conséquence substantielle sur le revenu des travailleurs d'ESAT et des bénéficiaires d'AAH travaillant en milieu ordinaire, compte tenu de leurs faibles ressources.

Une mesure s'opposant aux objectifs affirmés de promouvoir l'accès au travail des personnes handicapées. 


Le Collectif Handicaps critique cette disposition dans son analyse du projet de loi de Finances 2026 :

"Non à la requalification de l’AAH en minima social en ce qui concerne le calcul de la prime d’activité (article 79)

L’article L.842-8 du code de la sécurité sociale permet, depuis 2018, de considérer l’AAH comme un revenu professionnel bénéficiant ainsi de
l’abattement de 59.85% dans le calcul du droit et du montant de la prime d’activité. Ainsi, lorsqu’une personne handicapée bénéficiant de l’AAH travaille, notamment en ESAT, elle obtient une prime d’activité plus élevée, car seule une partie de l’AAH est prise en compte dans le calcul.
Cet article prévoit qu’à partir d’avril 2026, l’AAH ne soit plus traitée comme un revenu professionnel, mais comme un minima social. Ainsi 100% de l’AAH serait pris en compte dans le calcul de la prime d’activité, ce qui la ferait mécaniquement baisser. Dans de nombreux cas, la mesure aurait pour conséquences la suppression pure et simple de la prime pour des travailleurs en ESAT : une perte de revenu qui peut avoisiner jusqu’à 190€." (page 7)


AAH : réforme de la Restriction Substantielle pour l'Accès à l'Emploi

Le Collectif Handicaps rappelle que la réforme de la Restriction Substantielle pour l'Accès à l'Emploi dans le cas d'une AAH avec un taux d'incapacité inférieur à 80% (AAH "de type 2") n'a toujours pas été mise en ouvre par décret, alors qu'elle est financée depuis le 1er janvier 2024 :

"Cumul entre l’AAH et les revenus professionnels.

Alors que l’ouverture du droit à l’AAH 1 est automatique pour une personne avec un taux d’incapacité égal ou supérieur à 80 %, l’ouverture du droit à l’AAH 2 est conditionnée à la détermination d’un taux d’incapacité entre 50 et 79 % et à la reconnaissance par la MDPH d’une « restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi, compte tenu du handicap » (RSDAE). Or, telle que définie dans un décret de 2011, la RSDAE est compatible avec un travail en milieu ordinaire d’une durée inférieure à un mi-temps, soit 17h30 – ce qui n’incite pas à la reprise d’une activité professionnelle pérenne, par crainte de diminution du niveau de vie. En effet, à partir et au-delà de 17h30 de travail par semaine, la personne ne peut plus continuer à percevoir l’AAH ; or, certains bénéficiaires ne sont pas en capacité (notamment du fait de leur grande fatigabilité) de travailler à temps plein, donc de percevoir une rémunération complète.

Les crédits pour engager la réforme de la RSDAE, pourtant prévus par la loi de finances de 2024, n’ont toujours pas été réinscrits dans les textes budgétaires, malgré un engagement pris par le gouvernement dès 2020, et réitéré lors de la Conférence nationale du handicap de 2023.

Par ailleurs, la passerelle entre le milieu professionnel ordinaire et le milieu protégé serait davantage facilitée si les personnes pouvaient estimer les changements que cela entraine en termes de rémunération, notamment grâce à un simulateur de calcul de l’AAH (plusieurs fois annoncé mais jamais réalisé)."(page 17)


Publicité mensongère, CIH 6 mars 2025 : AAH, le roi Ubu court toujours

7 mars 2025. Au dernier comité interministériel du handicap, une mesure concernant le maintien du droit à l'AAH n'a pas été programmée pour 2025 ... puisqu'elle est faussement décrite comme prise en 2024. Elle vise pourtant à supprimer une "situation ubuesque", suivant les propres mots d'Emmanuel Macron, en cas de reprise d'emploi d'un bénéficiaire de l'AAH.

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