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Le dossier de presse du CIH (comité interministériel du handicap) de ce jeudi 6 mars 2025 mentionne comme réalisé en 2024 :
- "Préservation du bénéfice de l'AAH (allocation adulte handicapé) pour les personnes reprenant un travail à plus d'un mi-temps" (page 36)
Or, cela n'est pas le cas. La réforme des droits à l'AAH en fonction du temps de travail a été promise à la Conférence Nationale du Handicap (CNH) de 2020. La promesse a pourtant été réitérée à la CNH du 26 avril 2023 :
- "Ensuite, sur ce sujet, la reprise d'une activité professionnelle vers le milieu ordinaire sera facilitée par une réforme des conditions de cumul de l'allocation adulte handicapé et des revenus tirés d'une activité professionnelle exercée, au-delà d'un mi-temps. Parce qu'on découvre toujours des délices de la vie administrative dans ces cas-là, c'est qu'on a amélioré le système, enfin, on l’a amélioré jusqu'à un mi-temps. Et au-delà, on a des gens qui se trouvent dans des situations ubuesques où la reprise les pénalise et donc cela relève du domaine réglementaire. Ce sera fait dans l'année." (Emmanuel Macron)
La situation concerne les bénéficiaires de l'AAH qui prendraient une activité au moins égale à un mi-temps et se verraient en conséquence supprimer leur AAH. Sont concernés seulement ceux qui ont un taux d'incapacité compris entre 50% et moins de 80%.

Taux entre 50% et -80% : exigence de la RSDAE (restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi)
L'AAH est attribuée quand le taux d'incapacité est au moins égal à 80% (article L.821-1 du code de la sécurité sociale). Mais elle peut être accordée aussi si le taux est compris entre 50% et moins de 80%, lorsque la Commission des Droits et de l'Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH) reconnaît une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi compte tenu du handicap (article L. 821-2 du code de la sécurité sociale).
Un décret de 2011 a fixé les critères de la RSDAE dans l'article D 821-1-2 CSS qui indique notamment :
- "5° Sont compatibles avec la reconnaissance d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi :
(...)
b) L'activité professionnelle en milieu ordinaire de travail pour une durée de travail inférieure à un mi-temps, dès lors que cette limitation du temps de travail résulte exclusivement des effets du handicap du demandeur ; "
C'est ce décret qui devait être modifié en 2023, et qui ne l'a toujours pas été. Le Parlement a pourtant voté son financement dans la loi de Finances pour l'année 2024.
Cette notion de RSDAE ne concerne que les demandeurs ayant un taux inférieur à 80%. Ainsi, si la CDAPH considère qu'ils peuvent travailler au moins un mi-temps sur un poste adapté dans un milieu de travail ordinaire (hors ESAT), l'AAH est refusée.
Si le demandeur travaille moins d'un mi-temps, l'AAH pourra cependant être refusée si la CDAPH estime qu'il pourrait travailler un mi-temps. La réforme promise vise ce couperet du mi-temps. Je vais préciser le fonctionnement actuel de l'AAH et la réforme possible.
Aujourd'hui, en cas de de début d'activité professionnelle
Le calcul de l'AAH est généralement fait sur la base des revenus annuels imposables (année N-2). En cas de début d'activité professionnelle, ce seront les ressources imposables d'un trimestre précédent qui vont être pris en compte.
Les 6 premiers mois d'activité, il y aura cumul intégral de l'AAH et des revenus d'activité professionnelle. A l'issue des 6 mois, il y a cumul partiel : un abattement de 80% sera effectué sur une première fraction du revenu professionnel (dans la limite de 30% du SMIC brut), puis un nouvel abattement de 40% sur le reste de la rémunération.
Ce sont les CAF et MSA qui appliquent ces règles, sans intervention de la MDPH ou de la CDAPH, quelque soit le taux de handicap.
La différence va intervenir lorsque la décision d'attribution de l'AAH par la CDAPH va revenir devant la commission.
- Si le taux d'incapacité est au moins égal à 80%, l'AAH est automatiquement renouvelée;
- Si le taux est compris entre 50% et - de 80%, la commission pourra considérer que le demandeur peut exercer une activité à mi-temps et l'AAH sera donc refusée à ce moment là.
C'est donc au moment du renouvellement de droit que l'AAH sera supprimée dans l'état actuel de la réglementation, pénalisant la personne handicapée ayant réussi à s'insérer dans le marché du travail pour au moins un mi-temps.
Demain, des évolutions possibles ?
Le discours précité du Président de la République ne permet pas de savoir quelles modalités pourraient entrer en vigueur ... avant la Saint Glinglin, peut-on espérer.
Il est question de mi-temps, une hypothèse pourrait être d'augmenter ce seuil.
L'hypothèse la plus logique serait de supprimer ce seuil en alignant les droits à l'AAH des bénéficiaires ayant un taux inférieur à 80% sur ceux qui ont un taux d'incapacité de 80%. Les modalités de calcul de l'AAH sont alignées depuis 2011. Les modalités de renouvellement pourraient l'être aussi.
Mais deux éléments permettent de penser que c'est une autre hypothèse qui serait dans les tuyaux réglementaires. D'abord la motivation indiquée dans la Loi de Finances 2024, et cette rédaction dans le dossier de presse du CIH du 6 mars 2025.
Il est question de "préservation" de l'AAH. Le seuil du mi-temps continuerait donc à exister pour l'ouverture de droit ou au moment du renouvellement. Cependant, si le droit n'est pas renouvelé du fait de l'activité professionnelle, CAF et MSA continueraient à verser pendant deux ans l'AAH, en tenant compte bien sûr des revenus professionnels après abattements.
Par exemple, l'AAH a été attribuée pour 3 ans, avec un taux inférieur à 80%, du 1er juin 2022 au 31 mai 2025. Le bénéficiaire ne travaille pas : son AAH est calculée sur la base de l'année N-2 : 2020 pour les droits 2022, 2021 pour les droits 2023.
Il commence une activité en juin 2023. Le droit deviendra trimestriel et sera revu à compter d'août 2023. Il y aura cumul "intégral" de juin à novembre 2023. Le droit sera recalculé (après abattements, soit cumul "partiel") en décembre 2023, sur la base des revenus d'août à novembre 2023.*
S'il exerce une activité à mi-temps au moment de la décision de renouvellement du droit au 31 mai 2025, l'AAH serait refusée ... mais la CAF continuerait à la verser du 1er juin 2025 au 31 mai 2027. Dans l'hypothèse où il y aurait eu une modification réglementaire d'ici là !
Autres possibilités de reconnaissance de la RSDAE
La RSDAE peut aussi être reconnue :
- aux travailleurs d'ESAT;
- à ceux qui suivent une formation professionnelle.
* c'est un exemple. Je n'explique pas les règles complexes qui déterminent les trimestres.