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L'exclusion du petit Olivier de la cantine de Lyon est le résultat inévitable du recours de JM Blanquer au Conseil d'Etat pour bloquer une jurisprudence favorable à l'accompagnement des élèves en situation de handicap. Elle a aujourd'hui une issue heureuse, du fait de la médiatisation de cette exclusion.
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Rembobinons quelques années en arrière. La CDAPH du Finistère a accordé un AVS (auxiliaire de vie scolaire, aujourd'hui AESH accompagnant d'élève en situation de handicap) à un élève du primaire dans la commune de Plabennec. Pour créer une jurisprudence, la commune, avec le soutien de la FCPE locale, refuse de financer l'AVS et demande à l'Etat de le faire. Le juge des référés du Conseil d'Etat donne raison à la commune.
La situation a été pacifiée dans le Finistère : le rectorat paye les AVS sur le temps de cantine. Et se casse le cul pour trouver des AVS pour ce temps.
La FCPE nationale n'était pas d'accord avec la FCPE 29, la FNASEPH, présidée par Sophie Cluzel, non plus. Pas étonnant que cela varie suivant les départements.
Un nouveau problème se pose : les AVS pendant les TAP (temps d'activités périscolaires), éventuellement les garderies. La jurisprudence tend à accorder le financement par l'Etat pour les TAP, pas pour les garderies.
Vade retro satanas ! Le ministère Blanquer finançant des AESH dans les TAP (faut-il préciser qu'ils ont été créés par un autre Ministre, un collègue certes de Macron, mais pas sous le même président) ? Le Ministre va y mettre bon ordre : il décide de faire appel des décisions des Cours Administratives d'Appel.
De son côté, Sophie Cluzel, devenue secrétaire d’État aux Personnes Handicapées, explique cependant aux parlementaires que la prise en charge par l'Etat des AESH à la cantine est garantie (JO 16/04/2019 page 3669).
Et voilà ce qui arriva : le Conseil d’État en novembre et décembre 2020 décide que les AESH pendant les TAP doivent être financées par les collectivités territoriales responsables , soit les communes pour les maternelles et le primaire.
Pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, il précise à la presse que sa décision s'applique aussi aux cantines.
La CNSA va en rajouter en diffusant les arrêts du Conseil d'Etat. Elle dit aux MDPH que les commissions (CDAPH) ne peuvent pas prendre de décisions sur l'accompagnement sur le temps de cantine, mais seulement des préconisations. Autrement dit, les collectivités territoriales peuvent ignorer les "préconisations" de la CDAPH. Rien pourtant dans les arrêts du Conseil d’État dans ce sens.
Ma préoccupation porte sur les communes, donc sur maternelle/primaire, car les parents d'enfants autistes sont souvent contraints au nomadisme scolaire - ce qui leur sera d'ailleurs reproché en cas d'IP (information préoccupante) ou de signalement au procureur. Imaginez la gueule du maire d'une commune qui voit apparaître un enfant handicapé provenant d'une autre commune, pour lequel il devra financer un accompagnement à la cantine !
Autrement dit, les enfants handicapés étrangers à la commune peuvent être personna non grata. Même s'ils sont blancs, "français de souche", de CSP ++ etc.
Pour ne rien arranger, se pose la question de l'enseignement privé (catholique, of course, dans mon bled). Les communes n'ont pas le droit de financer la cantine - et donc l'AESH. En effet, elles versent un forfait d'externat, qui est donc un forfait par élève.
C'est peut être un facteur qui a amené en début d'année les 3 associations représentant les collectivités territoriales (Association des Maires de France, Association des Départements de France, Régions de France) à publier "en même temps" un communiqué pour obtenir que les AESH à la cantine soient financés par l'Etat, comme le juge des référés du Conseil d’État l'avait établi il y a plus de 10 ans.
Pour l'instant, rien n'a changé, aucun groupe parlementaire ne s'étant saisi de cette question.
L'Association des Maires de France vient de publier un guide à l'attention des mairies pour l'accueil des personnes autistes.
Le guide promeut bien sûr l'accompagnement à la cantine.
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Mais il oublie de mentionner l'intervention du Défenseur des Droits sur le sujet particulier. Par exemple dans son rapport 2022 sur les élèves en situation de handicap pp.27-30, ou dans l'exemple de Matthias.
Pour le Défenseur des Droits, il y a discrimination - pénalement réprimée - si ce service n'est pas assuré en raison du handicap.
Dans l'affaire du petit Olivier, on n'a pas de mal à imaginer qu'il y ait eu des difficultés de recrutement de personnes, mal payées, avec des temps de travail faibles. Il faut dire cependant que si l’Éducation Nationale avait dû payer l'AESH à la cantine, elle se serait organisée pour qu'une AESH soit présente.
La responsabilité - pénale - de la Mairie est d'avoir exclu un enfant d'un service municipal en raison de son handicap.
Et l'AMF devrait le rappeler à ses adhérents.
Ce n'est pas un problème théorique. Mon association soutient par exemple cette année une famille d'enfant autiste : la mairie refuse de mettre un accompagnant à la cantine. En parfaite cohérence d'ailleurs avec l’Éducation Nationale, qui, bien qu'il y ait un accompagnement 100% du temps scolaire par un AESH individuel, et pour le temps péri-scolaire également, n'arrête pas de diminuer le temps à l'école (aujourd'hui 2 heures maxi par jour). L'AESH est bien là sur le temps scolaire (mais la plupart du temps pas pour l'enfant désigné par la CDAPH), et personne n'est là pour l'accompagnement à la cantine.
Et pourtant, comme le précise une réponse à un parlementaire :
- "Le Conseil d'État précise par ailleurs qu'il appartient à l'État, lorsqu'il recrute un AESH pour le temps scolaire, de déterminer avec la collectivité territoriale concernée si une prise en charge de l'enfant doit être prévue pendant la pause méridienne et lors des activités périscolaires et, le cas échéant, les modalités de cette prise en charge. L'objectif est évidemment de garantir la continuité de l'accompagnement, dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Cette responsabilité, qui incombe à l'État, ne remet toutefois pas en cause le principe de la prise en charge, par les collectivités territoriales, de la rémunération des accompagnants dans le cadre des activités qu'elles organisent."
Voir aussi rapport de l'IGF et de l'IGESR qui vient d'être publié pp.24-38 : à noter la proposition "originale" qui consisterait à ce que les établissements d'enseignement privé refacturent l'accompagnement dans les activités péri-scolaires (cantine essentiellement) aux parents des élèves handicapés.
Le rapport indique également : "Par-delà les questions statutaires, l’application de la décision du 20 novembre 2020 pourrait représenter une charge financière de près de 52 M€ par an pour les collectivités territoriales selon une estimation réalisée par la mission à l’aune d’une
enquête produite par la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) 48. D’ici 2027, ce montant pourrait atteindre 85 M€ (cf. graphique 9). En 2021, le besoin exprimé en équivalent temps plein s’établit à 1 934,2 ETP." Or, quand le code de l'éducation a été modifié pour les AESH, le Conseil Constitutionnel a rejeté un recours de parlementaires en indiquant que cette modification n'entraînait aucune modification de charges pour les collectivités territoriales ...