L'article précédent portait sur le droit d'un parent de demander la PCH (prestation de compensation du handicap) pour des transports réguliers vers des professionnels paramédicaux, même si l'autre parent n'avait pas engagé de procédure. Le tribunal avait conclu qu'un seul parent avait le droit de le faire, car c'était un "acte usuel".
Mais la MDPH fondait sa décision essentiellement sur le motif que l'indemnisation de ces transports par la PCH n'était pas admise dans le Finistère pour des professionnels para-médicaux - c'est-à-dire non remboursés par la Sécurité Sociale, notamment les psychologues, ergothérapeutes ou psychomotriciens.
La MDPH estimait qu'elle pouvait le refuser, parce qu'il n'y a pas de liste nationale des frais pris en charge par la PCH, et qu'elle le fait d'ailleurs dans d'autres cas comme la médiation équine, refusée dans d'autres MDPH. Elle estimait donc avoir une large marge d'appréciation.
Le tribunal a, lui, considéré qu'elle ne pouvait refuser la prise en charge de frais s'ils sont prévus dans la réglementation de la PCH.

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Cela pose certes la question de la marge d'appréciation des commissions (CDAPH). Suivant certains, il faudrait qu'il y ait une liste impérative définie au plan national qui serait opposable aux CDAPH - mais aussi aux usagers, qui se heurteraient à ce mur.
Dans des dizaines d'années de délégués du personnel, j'ai connu le même genre de situation : au moins tous les mois, nous présentions des réclamations des salariés, et nous obtenions rarement satisfaction dès la première fois. Nous continuions à faire remonter les revendications à tous les niveaux (comité d'entreprise, négociation annuelle, CHSCT, grèves, manifestations, presse, inspection du travail, commissions de médiation ou d'arbitrage, commissions locales puis nationales d'interprétation, conseil d'administration, conseil de prud'hommes, cour d'appel, tribunal administratif, conseil d'état, négociations nationales etc.).
Quand nous arrivions à obtenir satisfaction dans l'entreprise sur une situation, cela pouvait être généralisé à d'autres personnes dans la boîte. Et nous nous employions ensuite à diffuser l'information dans la branche professionnelle et dans notre environnement syndical et social. Ce qui conduisait à des décisions nationales.
Au niveau d'une MDPH, les représentants des usagers doivent utiliser tous les moyens à leur disposition pour faire évoluer les décisions.
Malgré les inconvénients - indéniables - de ce fonctionnement des CDAPH, j'estime que les associations de personnes handicapées et de leurs familles doivent se mobiliser à tous les niveaux pour faire évoluer la compensation du handicap pour les personnes concernées. Cela fait partie de leur responsabilité et de leur utilité.
Après cette longue introduction, je reviens sur la question des transports (je parlerai plus tard de la "médiation équine").
La PCH "transports"
Ce qu'on appelle la PCH transports fait partie du volet 3 de la PCH. Ce volet concerne l’aménagement du logement ou du véhicule, ou les coûts supplémentaires pour les transports.
Sa spécificité provient du fait qu'elle est cumulable avec un complément de l'AEEH (complément d'allocation d'enfant handicapé).
L'AEEH "de base" est de toute façon cumulable avec la PCH.
Les compléments de l'AEEH vont dépendre du temps d'activité des parents* et des dépenses liées au handicap. Parmi les dépenses liées au handicap, il y a les frais de transport pour aller à des rendez-vous para-médicaux non pris en charge par la sécurité sociale.
Les parents ont le choix généralement entre un complément d'AEEH et la PCH.
S'ils choisissent le complément d'AEEH, ils peuvent quand même obtenir le volet 3 de la PCH, et donc l'indemnisation des frais de transport. Voir article R.541-10 du Code de la Sécurité Sociale :
- « Lorsque le demandeur fait simultanément une demande d'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et de troisième élément de prestation de compensation, les charges liées à l'aménagement du logement et du véhicule ainsi que les surcoûts éventuels de transports sont pris en compte au titre de la prestation de compensation et ne peuvent pas l'être dans l'attribution du complément d'allocation d'éducation de l'enfant handicapé. (…) »
Dans la décision de la CDAPH annulée par le tribunal judiciaire, il y avait une distinction entre les frais de transport pour la médiation équine et les autres frais de transport pour des para-médicaux. Cette différence de traitement a été justement censurée par le tribunal. Le tribunal a estimé que si les rendez-vous réguliers pour des soins étaient admis, le financement des frais de transport au titre du volet 3 de la PCH ne pouvait être légalement refusé.
L’article D245-20 du Code de l’Action Sociale et des Familles a précisé :
- « Seuls sont pris en compte les surcoûts liés à des transports réguliers, fréquents ou correspondant à un départ annuel en congés. »
Le complément AEEH pour des frais de transports
Cela a été long à faire admettre, mais la CDAPH 29 accepte de prendre en compte les frais de transport vers des para-médicaux pour le calcul du complément d'AEEH.
Le principe était accepté par l'équipe pluridisciplinaire d’évaluation, mais elle avait décidé de ne la mettre en œuvre qu'après avoir revu la méthode de calcul des compléments d'AEEH, qui étaient très favorables par rapport à la réglementation.
Aujourd'hui, je comprends trop bien pourquoi les transports sont pris en compte pour le calcul du complément d'AEEH, mais pas pour la PCH volet 3. Alors que la base légale dit seulement que les frais de transports ne peuvent être pris en compte pour le complément d'AEEH puisqu'ils le sont pour la PCH troisième élément.
Mais pour le complément d'AEEH, c'est la CAF qui finance, alors que pour la PCH, c'est le conseil départemental.
Les décisions de la CDAPH concernant la PCH
Comme c'est le conseil départemental qui va financer la PCH, la législation a prévu que les conseillers départementaux membres de la CDAPH sont majoritaires dans la prise de décision.
Il y a une pondération au niveau des votes (dans les formations plénières, 4 conseillers départementaux sur 21 votants). Autant dire qu'il faut une division des voix des conseillers départementaux pour que les autres membres de la CDAPH fassent basculer la décision dans un autre sens.
C'est ce qui peut expliquer qu'un recours judiciaire peut avoir plus de chances d'aboutir qu'un recours classique devant la commission. Il ne faut donc pas se laisser abattre devant un refus de PCH devant la commission.
Jugement du 21 novembre 2024 - PCH - frais de transports
* ou de l'embauche d'une personne rémunérée
A noter sur les frais de transport :
Dans une procédure récente, j'ai défendu la prise en charge par l'assurance-maladie des frais de transport pour un orthophoniste. Le tribunal n'a pas voulu prendre en considération la compétence particulière en ce qui concerne l'autisme de cet orthophoniste, mais a admis le remboursement du transport parce que le parent avait pu justifier d'un refus d'autres orthophonistes plus proches du fait de leur liste d'attente. La CPAM a indiqué qu'elle aurait accepté le remboursement si cette preuve lui avait été apportée devant la Commission de Recours Amiable.
Quand les soins sont remboursés par l'assurance maladie et que l'enfant est reconnu en ALD - affection de longue durée (ce qui est le cas pour l'autisme au titre de la 24ème "maladie" - affection psychiatrique de longue durée) , le transport est remboursé par l'assurance maladie.
Extrait de l'argumentation de la MDPH :
Cette argumentation a l'avantage de dire clairement le raisonnement suivi par la "majorité" (pondérée en faveur du conseil départemental) de la CDAPH.
"Les frais liés aux transports réguliers et fréquents ne font donc pas l’objet d’une liste exhaustive. En conséquence, il est laissé à l’appréciation des départements, la nature des frais pouvant être prise en charge.
Pour le département du Finistère, il a été décidé que les déplacements pour les prises en charges paramédicales, comme par exemple les séances d’ergothérapie, ne sont pas éligibles à la PCH surcoût transport.
Ainsi, en fonction des départements, il peut y avoir un financement plus ou moins important par la PCH en fonction des choix territoriaux. De manière similaire, la MDPH du Finistère prend en charge les frais liés à l'équithérapie, alors que les autres départements n’incluent pas ces frais dans les dépenses de la PCH.
Sur certains aspects, la PCH est la seule prestation qui n’est pas uniforme sur l’ensemble du territoire national. Cette particularité se traduit dans l’alinéa 3 de l’article R241-27 du CASF, qui prévoit une pondération des voix en faveur des représentants du Département pour les décisions relatives à la PCH. En effet, le Département est le pilote dans la politique de compensation par la PCH. Ainsi, en fonction des choix territoriaux, certaines dépenses sont incluses ou exclues dans le calcul du surcoût transport."
Jurisprudence :
- Cour d’Appel de Rennes : 9e chambre sécurité sociale, Jugement n°20/05659 du 08/02/2023 : pour l’attribution de la PCH Surcoût transport vers centre d’équithérapie - médiation équine.-
- Cour d’appel de Versailles, 5e chambre, Jugement du 18/03/2021 – n°20/00129 Suite jugement tribunal de grande instance des Hauts de Seine du 30/09/2019 contre MDPH 92 HAUT DE SEINE Attribuer PCH Surcoût transport (psychomotricien, psychologue)
- Tribunal du Contentieux de l’incapacité de Poitiers, Jugement du 23/06/2016 Contre MDPH 17 CHARENTE MARITIME
Attribuer PCH Surcoût transport (vers cabinet de psychologue ABA)