La législation actuelle en France depuis la loi du 23 mars 2019 :
Article 706-113 du code de procédure pénale
Lorsque la personne fait l'objet de poursuites, le procureur de la République ou le juge d'instruction en avise le curateur ou le tuteur ainsi que le juge des tutelles. Il en est de même si la personne fait l'objet d'une alternative aux poursuites consistant en la réparation du dommage ou en une médiation, d'une composition pénale ou d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou si elle est entendue comme témoin assisté.
Le curateur ou le tuteur peut prendre connaissance des pièces de la procédure dans les mêmes conditions que celles prévues pour la personne poursuivie.
Si la personne est placée en détention provisoire, le curateur ou le tuteur bénéficie de plein droit d'un permis de visite.
Le procureur de la République ou le juge d'instruction avise le curateur ou le tuteur des décisions de non-lieu, de relaxe, d'acquittement, d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, ou de condamnation dont la personne fait l'objet.
Le curateur ou le tuteur est avisé de la date d'audience. Lorsqu'il est présent à l'audience, il est entendu par la juridiction en qualité de témoin.
La procédure ne concerne donc que les personnes sous mandat de protection judiciaire (avec curatelle ou tutelle).
Grâce à une décision du Conseil Constitutionnel, les personnes sous mandat de protection judiciaire (curatelle, tutelle ..) doivent être assistées lors de leur garde à vue depuis mars 2019.
- Exemple pas très étonnant : un jeune autiste est pris en autostop. Les gendarmes arrêtent le véhicule et le fouillent : ils trouvent un paquet de shit dans la boîte à gants. Question : "Savez-vous qu'il y a un paquet de drogue dans la voiture ?". Le jeune autiste - sous curatelle - répond évidemment qu'il le sait, puisqu'il vient de le voir lors de la fouille. La procédure suivra devant le tribunal correctionnel, qui l'acquittera.
La question s'est ensuite posée pour les auditions libres - sans mise en garde à vue. Le Conseil Constitutionnel a refusé de se prononcer, pour des raisons de forme : il avait déjà pris une décision sur cet article, et il ne peut être sollicité de nouveau, même sur une autre question. Je trouve que c'est un argument assez faux jeton.
Quel que soit ce qu'on pense de ce refus de statuer, les questions qui se posent :
- une personne avec mandat de protection judiciaire doit-elle être assistée lors d'une audition "volontaire" ?
- une personne sans mandat de protection judiciaire doit-elle être assistée lors de la procédure pénale ?
Pour la première question, les raisons qui ont justifié l'obligation de l'assistance lors de la garde à vue s'appliquent. Il faudrait une modification légale.
Pour la deuxième question, l'expérience m'amène à considérer que c'est nécessaire. Les policiers l'admettent d'ailleurs assez facilement, quand ils savent que le plaignant ou l'accusé est une personne autiste.
Et ils ont intérêt à être souples, pour que la personne convoquée se présente, puisque cela est volontaire. C'est au service professionnel d’accompagnement d'assurer l'assistance de la personne. Cela peut être le cas de l'entourage familial ou amical. Je l'ai assuré en tant que responsable d'association de défense des personnes autistes.
Les personnes en situation de fragilité ont besoin d’attention, pas de nouvelles stigmatisations !
Le CNCPH dénonce les trois décrets qui modifient les dispositions du code de la sécurité intérieure relatives au traitement de données à caractère personnel.
Sous ce titre, le Conseil National Consultatif des Personnes handicapées a adopté à l'unanimité lors de son assemblée plénière du 22 janvier 2021 une motion au sujet des décrets du 2 décembre 2020 : « Enquêtes administratives liées à la sécurité publique », « Prévention des atteintes à la sécurité publique » et « Gestion de l’information et prévention des atteintes à la sécurité publique ».
Ce qui a motivé notre indignation, ce sont les éléments suivants des fichiers :
- « 6° Facteurs de dangerosité : (...)
« c) Données relatives aux troubles psychologiques ou psychiatriques, obtenues conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur ; - « 7° Facteurs de fragilité :
« a) Facteurs familiaux, sociaux et économiques ;
« b) Régime de protection ;
« c) Faits dont la personne a été victime ;
« d) Comportement auto-agressif ;
« e) Addictions ;
« f) Mesures administratives ou judiciaires restrictives de droits, décidées ou proposées ;
Alors que de manière générale, les personnes avec handicap psychique ou neurodéveloppemental sont des victimes, leur comportement, le faire d'être sous tutelle ou curatelle, leurs tentatives de suicide ou d’automutilation etc.. deviennent des facteurs justifiant une surveillance renforcée par l'intermédiaire de ces fichiers.
Sur quelles études scientifiques s'est basé le gouvernement pour légaliser la prise en compte de ces éléments dans ce type de fichiers ? Les associations de personnes handicapées ont-elles été consultées sur ce point ?
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Le fait d'être inscrit dans ces fichiers n'est pas anodin, parce que cela peut entraîner des difficultés dans les déplacements, ou des interdictions d'emploi sans justification dans certains secteurs, notamment les administrations, les services publics ou les entreprises liées à la défense.
Dans les années 50-70, les psychiatres américains ont diagnostiqué comme schizophrènes (avec une "psychose de révolte") les Noirs militants du mouvement des droits civiques, alors que cela n'avait concerné jusque là que les femmes blanches de la classe moyenne. Il n'y a pas de doute que ces Noirs figuraient dans les fichiers du FBI, que ce soit Martin Luther King (MLK) ou des Blacks Panthers.
Nous pouvons nous féliciter aujourd'hui - vaut mieux tard que jamais - qu'un décret permette d'inscrire MLK et autres dans nos fichiers policiers. A prendre au second degré.
Je pense à une personne qui pourrait être enregistrée à juste titre dans des fichiers de prévention de la radicalisation, alors qu'elle est - peut-être - autiste. Il s'agit d'Anders Breivik.
Mais quelqu'un peut-il penser sérieusement qu'un citoyen européen, non barbu, non voilé, suprémaciste blanc et considérant les sociaux-démocrates comme le danger principal, puisse être inscrit dans ces fichiers ?
Comme la concomitance avec un trouble de la personnalité narcissique ou l'hyperactivité semble être un facteur décisif, il serait judicieux d'inscrire dans ces fichiers tous les patrons du CAC 40. Barbus ou non.
PS : la chronique de Josef Schovanec sur KTO.
Expertise psychiatrique en cas de protection judiciaire
Le titre XXVII du code de procédure pénale s'intitule : De la poursuite, de l'instruction et du jugement des infractions commises par des majeurs protégés (Articles 706-112 à 706-118). L'article 706-115 dispose : "La personne poursuivie doit être soumise avant tout jugement au fond à une expertise médicale afin d'évaluer sa responsabilité pénale au moment des faits."
La Cour de Cassation casse une condamnation concernant une personne qui était sous curatelle pendant une partie des faits reprochés, faute d'expertise psychiatrique.
- "7. Il résulte de ce texte que toute personne majeure bénéficiant d'une mesure de protection juridique faisant l'objet de poursuites pénales doit être soumise avant tout jugement au fond à une expertise médicale afin d'évaluer sa responsabilité pénale au moment des faits.
- 8. Le défaut d'expertise porte une atteinte substantielle aux droits de la personne poursuivie bénéficiant d'une mesure de protection juridique à l'époque des faits, en ce qu'il ne lui permet pas d'être jugée conformément à son degré de responsabilité pénale.
- 9. En déclarant la prévenue coupable et en prononçant une peine à son encontre, sans avoir préalablement ordonné une mesure d'expertise afin de déterminer son degré de discernement au moment des faits, alors qu'elle avait bénéficié d'une mesure de protection juridique sur une partie de la période visée à la prévention, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé."
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 16 décembre 2020, 19-83.619, Publié au bulletin