A la demande de l'ARS, le CRA a réuni un groupe de travail pour faire des propositions pour l'accès à l'emploi des personnes autistes. Présentation et commentaires.
25 personnes ont participé à ce groupe de travail. 4 membres du CRA, 6 représentants des associations de familles et de personnes concernées, des professionnels de l’insertion (CAP emploi, Pôle Emploi, Handisup…), 1 représentant de service d’accompagnement (SAVS), 2 représentants d’ESAT, 1 représentant d’entreprise adaptée etc…
Le rapport comporte trois parties :
Accompagnement de l'adulte TED/TSA vers l'emploi
Accompagnement du monde de l'emploi : constat et propositions.
Les actions à destination des partenaires du monde de l'emploi.
Partie 1 : Accompagnement de l'adulte TED/TSA vers l'emploi
Evaluations spécialisées et coordonnées
Groupe de travail suivi d’une veille d’actualisation (SAVS TED, SAMSAH TED, unités d’évaluation des CRA, etc.) sur la constitution d’une batterie d’outils de référence d’évaluation neuropsychologique de la personne adulte avec TED/TSA ;
Mise en commun des outils d’évaluation fonctionnelle utilisés par les services spécialisés existants, et financement d’un travail de recherche universitaire (thèse) sur la validation d’un outil standardisé ;
Mise en commun des programmes d’apprentissages des habiletés sociales utilisés par les services spécialisés existants, et financement d’un travail de recherche universitaire (thèse) sur la validation d’un outil standardisé ;
Finalisation d’une grille thématique/d’un guide à l’entretien recensant les principales difficultés propres à l’autisme (exécutives, sensorielles), mais également les pathologies souvent associées (somatiques, neurodéveloppementales, psychiatriques), à destination des acteurs de l’aide à l’emploi non spécialistes. Cette grille est en annexe 1 à ce rapport, et devra bénéficier d’un temps de sensibilisation avant diffusion.
Apprentissages sociaux et professionnels
Réflexion sur/supervision des groupes d’entraînement aux habiletés sociales (GEHS), avec un développement des groupes de socialisation (notion d’activités de loisir socialisantes) et une meilleure prise en compte de la motivation sociale ;
Développement de GEHS dispensés par des professionnels formés. L’effort humain et financier du tissu associatif devrait ainsi être soulagé, même si le maintien du partenariat, spécifiquement dans l’identification des besoins et la pair-aidance, reste indispensable ;
Eclaircissement par les MDPH des conditions réglementaires de financement des GEHS.
Apprentissages professionnels
Standardisation d’un ratio d’encadrement par job coach limité à 9 usagers, afin de rendre compte du temps nécessaire à l’accompagnement ;
Recrutement des job coaches sur des critères associant compétences éducatives, connaissances du monde de l’emploi, et spécialisation dans l’autisme ;
Possibilités d’intervention des job coaches hors de la seule sphère professionnelle, les difficultés personnelles entravant très souvent les perspectives et le maintien à l’emploi ;
Elaboration d’un référentiel d’activités et de compétences du job coach ;
Extension des missions d’appui aux job coaches des structures innovantes auprès des structures du même type sur des budgets dédiés ;
Formation continue et supervision des job coaches.
Partie 2 : Leviers pour l'accompagnement des personnes avec autisme
Développement des formations des AVS et des enseignants-référents dans le cadre de conventionnements ; - Filière spécifique « autisme » en centres de pré-orientation ;
Orientation en CDAPH : prise en compte de l’évolution des personnes concernées, évaluation par des services compétents, souplesse et continuité des parcours notamment dans le milieu protégé ;
Possibilité, offerte par une actualisation du cadre légal propre aux MDPH, d’une double orientation milieu ordinaire/milieu protégé, afin de fluidifier les parcours ;
Simplification des parcours de recherche d’emploi ; désignation de Cap emploi comme « guichet unique » pour le milieu ordinaire et protégé, avec des moyens supplémentaires financiers et en personnel, et la création de cellules « autisme » ;
Création de places « autisme » en SAVS / SAMSAH ;
Aménagement des conditions de travail ;
Accompagnement tout au long du processus de recrutement par une personne-référente.
Partie 2 : Leviers pour l'amélioration des pratiques des acteurs
Informer et former de nombreux acteurs à l’autisme et ses spécificités
AVS, enseignants référents ;
Référents handicap des organismes de formation (Université, AFPA…) ;
Professionnels des centres de pré-orientation ;
Professionnels de Cap emploi et référents handicap de Pôle emploi ;
Professionnels de SAVS / SAMSAH ;
Employeurs et collaborateurs des personnes autistes en entreprise.
Accompagnement des entreprises
Intégration des partenaires familiaux et associatifs à la coordination du projet professionnel ;
Partenariat avec les acteurs régionaux (ANDRH, Conseil régional, Pôle emploi, médecine du travail, acteurs du social et solidaire,…) pour faciliter la mise en place des actions de sensibilisation ;
Cap emploi : personne-référente accessible aux entreprises en cas de difficulté ;
Information sur l’intérêt pour les employeurs de l’embauche de personnes avec autisme (présentation d’expériences réussies, mise à disposition par l’entreprise d’un job coach pour obligation d’emploi de personnes handicapées…) ;
Co-construction avec les structures professionnelles des actions à mettre en œuvre pour favoriser l’insertion professionnelle des personnes avec autisme ;
Développement du rôle de transition des ESAT dans le cadre de la circulaire 2017 sur la transformation de l’offre d’accompagnement ;
Intervention auprès des EA afin de les sensibiliser aux spécificités autistiques et répondre à une demande forte d’emploi dématérialisés et partiels, souvent propices aux personnes avec TED/TSA.
Les premières propositions ("évaluations spécialisées et coordonnées") font remarquer une absence partielle d'outils d'évaluation. Je remarque particulièrement la nécessité d'avoir un moyen simple d'échanges d'informations avec les acteurs de l'emploi (voir annexe 1).
GEM et groupes d'habiletés sociales
Les GEM (groupes d'entraide mutuelles) sont un moyen de resocialisation ou de maintien de la socialisation : ce sont des associations qui regroupent les personnes concernées. Le financement de 78 000 € par l'ARS permet d'avoir local et salariés. Or, les autistes adultes en ont été trop souvent écartés. Suite au rapport de Josef Schovanec, Ségolène Neuville avait pris position en leur faveur lors de la conférence de restitution du rapport. Cela s'est traduit dans la circulaire du Ministère sur les FIR (fonds d'intervention régionaux) du 5 mai 2017 (p.11)
Jusqu'à présent, seul le GEM Tremplin de Bergerac (créé par Asper24) avait été financé (2016) en tant que tel. Il y avait aussi le GEM créé et parrainé par Autisme Côte Emeraude, "non spécialisé". Et quelques autres GEM intégraient très bien les autistes adultes.
Parmi les spécificités des GEM Autisme, il y aura d'abord un âge plus jeune (alors que dans les GEM Handicap psychique, l'entrée se fait en moyenne après un long parcours - moyenne d'âge 45-50 ans), sans doute la plus grande stabilité liée aux intérêts spécifiques, et le lien avec l'insertion professionnelle.
Ce n'est pas un hasard si dans leur projet de recommandations sur les adultes autistes, l'HAS et l'ANESM, celles-ci ont préconisé, même en l'absence de diagnostic, une intervention en particulier sur la communication sociale (recommandation 51). Les GEM peuvent jouer un rôle sur ce point, mais aussi les groupes d'entraînement aux habiletés sociales.
Ces groupes ont été recommandés par la HAS et l'ANESM dans les recommandations pour les enfants et adolescents de 2012. Cela n'est pas toujours admis par les MDPH lorsque, pour le financement, sont demandés un complément d'AEEH ou une PCH aides spécifiques. Cela devient plus compliqué pour les adultes, car seule la PCH aides spécifiques est accessible : or, il faut être éligible à la PCH, ce qui est moins facilement admis quand il ne s'agit pas d'une difficulté physique.
L'entraînement aux habiletés sociales n'est pas seulement un prérequis pour accéder à l'emploi : cela peut être nécessaire pour le maintien dans l'emploi. C'est donc une mission à assurer par tous les organismes intervenant dans l'emploi (Pôle Emploi, Cap Emploi, SAVS, SAMSAH, ESAT, Entreprises adaptées, centres de réadaptation etc ...).
Au sujet des job coachs, le rapport mentionne, d'après l'expérience de l'ESAT de Pont-Scorff (56) et du SAVS TED 29 (page 16), un ratio d'une personne pour 9 accompagnées. Cela correspond aussi à l'expérience de Passwerk (Belgique : 65 personnes TSA) ou d'Auticonsult.
Un référent régional
Le CRA Nord-Pas-de-Calais (aujourd'hui Hauts-de-France) a obtenu, pour 3 ans, un financement de l'ARS pour une personne spécialisée dans l'emploi (p.14). Au bout de 2 ans et demi, le bilan est positif, à notre avis, non seulement sur le plan régional, mais parce que cette expérience s'est diffusée dans d'autres régions grâce aux formations organisées par le CRA.
La présence de ce référent est très certainement indispensable pour permettre la formation de l'ensemble des acteurs du marché de l'emploi, la mise en relation etc ... Mais pourquoi cela devrait-il être financé par les ARS, au lieu des DIRECCTE, au titre du nouveau dispositif de l'emploi accompagné ?
Une fausse alternative : milieu protégé versus milieu ordinaire
Je n'accuse pas le rapport sur ce point. Mais il y a trop souvent cette fausse opposition quand on parle d'emploi : le milieu ordinaire (dont les EA - entreprises adaptées) serait pour les aspies, le milieu protégé (ESAT) pour les autres.
Il suffit de mettre en parallèle les exemples de l'entreprise Andros et du Chalet (zoo de Pont-Scorff) pour s'en convaincre.
Le Chalet a été mis en œuvre depuis 1999 à Lorient avec le Dr René Tuffreau (ARAPI) et l'éducateur Pierre Le Hunsec. Il a été financé par l'AGEFIPH au départ ; mais faute de retour vers le milieu ordinaire assez rapide, ce financement a été arrêté. L'expérience a quand même continué, mais dans un cadre ESAT, avec des moyens plus restreints. Cela reste quand même une possibilité pour des personnes avec SA ou proches, tant pour l'emploi que pour des stages et des conseils.
Cela se fait dans des conditions aujourd'hui atypiques : double orientation ESAT (adulte) et SESSAD (enfant). Le financement se fait donc par le conseil départemental et l'Etat (ou la sécurité sociale). Mais cela montre que c'est possible. Même à mi-temps.
Il serait dangereux de fixer a priori une orientation. Sur ce point, le dispositif Tremplin créé par le Conseil Départemental 29 et agréé par la MDPH consiste, pour des personnes avec autisme et/ou déficience intellectuelle, à les accompagner pendant 6 ans maximum (3 ans renouvelables), entre 20 et 30 ans, et en habitant sur Brest Métropole, pour la meilleure autonomie correspondant à leurs souhaits. L'orientation est donnée au départ par la CDAPH pour un SAVS ou un foyer de vie. L'autonomie concerne le travail comme la vie privée.
SAVS, SAMSAH ...
Les Services d'Accompagnement à la Vie Sociale (SAVS) sont financés par les conseils départementaux. Les SAMSAH (services d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés) sont financés aux deux-tiers par ces conseils, et au tiers par les ARS.
Ces services sont nécessaires pour beaucoup d'adultes autistes qui désirent travailler.1
Comment faire en sorte qu'ils se développent dans le cadre du 4ème plan autisme, alors que leur financement dépend d'une décision départementale ?
Un financement national ne pourrait-il pas être opportun, pour donner l'impulsion nécessaire à leur création ?
Cap Emploi
Le rapport mentionne les enseignements d'une action expérimentale de Cap Emploi 29 (pp.27-28). Les potentialités de l'emploi des adultes autistes sont importantes, mais il y a un investissement à faire au préalable. Cela n'est pas sérieusement envisageable avec les ratios actuels.
Signe positif : l'intérêt des salariés de Cap Emploi pour l'autisme, ce qui se traduit par exemple par ce module de formation du réseau Cap Emploi (Cheops) : http://www.handi-formation.fr/formation/a11-autisme-et-emploi-2/ On préfère ne pas voir "maladie neurologique" et "dysharmoniques".
Cap Emploi s'occupe d'un quart des demandeurs d'emploi ayant une reconnaissance du handicap. La sensibilisation de Pôle Emploi est également nécessaire.
Intérêts spécifiques
Cette intervention de Charlotte Lemoine et Anaïs Garnault - d'Handisup Haute-Normandie - est intéressante, du fait du nombre de personnes TSA concernées.
S'appuyer sur les intérêts spécifiques est très important : ils peuvent changer, mais aussi s'exprimer hors cadre professionnel.
Les ESAT
Dans les annexes du rapport de l'IGAS sur le 3ème plan autisme, il y a une analyse des statistiques (p.97), notamment de l'enquête sur les établissements médico-sociaux au 31 décembre 2014 (ES-2014). Sur 49.038 adultes ayant un diagnostic de TED ou de "psychose infantile", 44,3% sont en ESAT.2
C'est énorme, compte tenu du fait qu'il y a moins d’une dizaine d'ESAT spécialisés autisme.
Comment peut-on imaginer que l'accompagnement soit adapté s'il n'y a pas connaissance du fonctionnement des personnes accueillies ? Je connais des personnes rejetées dès la période de stage car ils n'avaient pas l'esprit de groupe, ou mises en invalidité.
Une réévaluation du diagnostic est nécessaire, en même temps qu'une évaluation fonctionnelle. De nouvelles activités doivent être proposées, un encadrement plus adapté.
Pour l'enfance, il y a eu un renforcement des moyens (financements) des IME et SESSAD. La question se pose aussi pour l'emploi d'adultes autistes. La première exigence est que les établissements et services concernés appliquent les recommandations de la HAS et de l'ANESM.
Les métiers liés à l'armée et/ou aux forces de l'ordre
Traduction - rédaction
Animaux – végétaux - nature
Art et artisanat : bois, cire, chocolat, tissus
Métiers liés à la mécanique : voitures, bateaux, avions, serrures...
Métiers des bibliothèques
Métiers de l'informatique
Métiers de la restauration - hôtellerie
Métiers liés au secteur de l'autisme
Métiers dits « traditionnels »
Comment faire en sorte de démontrer que ces métiers peuvent être particulièrement adaptés aux points forts des personnes autistes ?
Jusqu'à présent, les DIRECCTE ont été "prudentes" pour accepter des entreprises adaptées (milieu ordinaire, avec au moins 80% de personnes ayant une reconnaissance du handicap et un financement partiel de l'Etat). Or, c'est un levier important pour faire reconnaître des compétences, à diffuser ensuite en milieu ordinaire.
Une impulsion nationale est nécessaire dans le cadre du 4ème plan.
Entretien d'embauche
Cf p.36 du rapport de Josef Schovanec (page 36).
Seuls 36% des personnes ayant répondu au sondage d'Asperansa estiment avoir rencontré des difficultés dans l'entretien d'embauche. Malheureusement, je crains qu'il ne s'agisse d'une sous-estimation : si la question était posée aux recruteurs ...
Un entraînement est certes possible : mais je suis sceptique. Un accompagnement lors de l'entretien par un job coach est déjà meilleur. Pour avoir une idée des problèmes rencontrés, voir ci-dessous la vidéo "Bref, je suis aspie"
L'absence de permis de conduire est une entrave à la vie sociale et pour l'emploi.
Un arrêté de 1997 fixe la liste des incapacités. Il n'est pas adapté à l'autisme. L'autisme n'est pas en soi un motif empêchant de conduire. 60% des répondants au sondage d'Asperansa ont le permis, même si une partie d'entre eux ne conduit pas notamment par crainte ou par respect pour la planète. Certains ont suivi des rééducations au préalable, par exemple pour des troubles visuo-spatiaux. L'examen du permis de conduire a été adapté pour les personnes ayant des troubles dys dans le code de la sécurité routière. Des adaptations du même genre devraient être mises en place aussi pour les candidats autistes.
Handisup Haute-Normandie (2012). Guide Simon – L’entreprise devient accessible aux étudiants autistes
1Les besoins étant variables, l'accompagnement peut n'être nécessaire pour certains que dans certains périodes, ou pour un besoin limité. Des services plus souples devraient aussi être disponibles.
2 L'enquête ES-2010 en Bretagne ne mentionne que 12,3% de personnes autistes accueillies en ESAT. Voir rapport Josef Schovanec p.14. Source ARS Bretagne p.17
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