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Billet de blog 17 août 2018

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Troubles du sommeil, mélatonine et Circadin

La majorité des personnes autistes ont des troubles du sommeil. Cela a des conséquences extrêmement négatives sur leur qualité de vie et celui de leur entourage. Sur le plan biologique, un déficit de sécrétion de la mélatonine a été mis en lumière. Article suivi de commentaires de spécialistes sur l'avis de l'ANSES au sujet de la mélatonine et des recommandations britanniques.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
https://www.flickr.com/photos/lunatmg/ © Luna TMG

La majorité des personnes autistes, enfants ou adultes, ont des troubles du sommeil. Cela a des conséquences extrêmement négatives sur leur qualité de vie et celui de leur entourage.

Sur le plan biologique, un déficit de sécrétion de la mélatonine a été mis en lumière.

La mélatonine est une hormone naturelle qui permet de réguler le rythme veille/sommeil. Il y a un pic de sécrétion de la mélatonine en début de soirée. Ce pic doit se mettre en place lors de la première année de vie, à partir de 3 mois. Mais il ne se met pas en place pour beaucoup de personnes autistes.

La HAS et l'ANESM, comme les institutions d'autres pays, préconisent d'abord les interventions comportementales. Ce sont notamment :

  • routine de coucher et de lever,

  • éviter la sieste,

  • mettre fin au temps passé devant un écran (p. ex. regarder la télévision, jouer à des jeux vidéos ou sur ordinateur) au moins une heure avant d’aller au lit,

  • l’environnement propice au sommeil doit être sombre et silencieux; et la pièce ne doit pas être surchauffée,

  • éviter la caféine, la nicotine et l’alcool...

La HAS et l'ANESM préconisent également d'utiliser la mélatonine. Cela était déjà le cas pour les enfants, et cela a été confirmé cette année pour les adultes (page 45 des recommandations).

L'argumentaire scientifique indique (page 248) :

Concernant la mélatonine, il est recommandé d’envisager un essai de traitement par mélatonine pour améliorer l’endormissement chez des adultes avec TSA ayant des problèmes de sommeil qui n’ont pas été résolus avec des interventions comportementales (69).

Il est recommandé que le traitement par mélatonine vienne après une consultation avec un psychiatre expérimenté dans la gestion des médicaments hypnotiques et/ou dans les TSA, et que la mélatonine soit utilisée conjointement avec des interventions comportementales (Meilleure pratique recommandée fondée sur l’expérience clinique du groupe de travail).

Obtenir un journal du sommeil initial avant tout essai de mélatonine (Meilleure pratique recommandée fondée sur l’expérience clinique du groupe de travail).

Poursuivre les mesures d’hygiène du sommeil (routine de coucher et de lever, éviter la sieste), et le journal du sommeil pendant tout essai de traitement médicamenteux (Meilleure pratique recommandée fondée sur l’expérience clinique du groupe de travail).

Le remboursement de la mélatonine

La mélatonine n'est pas considérée comme un médicament, et est en vente libre.

Elle peut être délivrée en pharmacie, sous forme de « préparation magistrale » [préparation parle pharmacien pour un patient]. Le médecin la prescrit "en l'absence d'équivalent sur le marché".

Pour que le produit en préparation magistrale soit remboursé, l'article R 163-1 du code de la sécurité sociale prévoit qu'il doit contenir des matières premières répondant aux "spécifications de la pharmacopée".

Or, la mélatonine n'y figure pas1 .

La base légale du remboursement de la mélatonine est donc fragile, d'autant plus que le Circadin existe. Il arrive de plus en plus fréquemment que les caisses de sécurité sociale en refusent le remboursement, ce qui conduit les pharmaciens à en demander le paiement (au lieu d'accepter le tiers payant).

Le Circadin, mélatonine en libération prolongée

Le Circadin est un médicament comprenant de la mélatonine, qui, sous cette forme, est diffusée dans le corps de façon prolongée. Cela est donc indiqué quand il n'y a pas seulement des problèmes d'endormissement, mais aussi des réveils nocturnes.

Le Circadin est remboursé désormais pour les enfants autistes entre 6 et 18 ans, car il fait l'objet d'une RTU (recommandation temporaire d'utilisation) qui encadre sa prescription2 : « la prescription initiale de CIRCADIN est réservée aux pédiatres, neurologues et psychiatres. Les renouvellements de prescription peuvent être faits par tout médecin. »

Le comprimé peut être divisé (jusqu'à 4 morceaux) en gardant sa propriété de libération prolongée.

Pour l'utiliser sous forme de libération immédiate (comme c'est le cas en préparation magistrale), l'ANSM recommande d'écraser le comprimé de Circadin. Cela garantirait la sécurité du produit (en préparation magistrale, cela dépend de la source utilisée par le pharmacien). Il peut alors être mélangé à l'eau.

Une version du Circadin sous forme de granules devrait être disponible d'ici deux ans, facilitant son absorption par les enfants [voir Sommeil : une version pédiatrique de la mélatonine en cours d'autorisation]. La mélatonine doit être utilisée avec précaution avant deux ans.

Lors du Congrès du Sommeil à Marseille (23 au 25 novembre 2017), un consensus s'est dégagé sur l'utilisation de la mélatonine. Des préconisations seront publiées au 1er semestre 2018. Il est important qu'elles se traduisent rapidement par le remboursement de la mélatonine (sous quelque forme qu'elle soit), comme cela a été réclamé dans les conclusions du groupe de travail n°4 [« Le parcours de vie des personnes autistes et de leurs familles »] pour la préparation du 4ème plan autisme.

A noter : Il est possible de demander la prise en compte de la mélatonine, quand elle n'est pas remboursée, dans les demandes d'AEEH ou de PCH.

La CNSA a pris récemment position pour cette prise en compte avant 6 ans, en suivant les mêmes règles que pour la recommandation temporaire d'utilisation

Sources : article du JIM du 5/12/2017 Dr Alexandre Haroche ; Pr Carmen Schroder

1 http

Illustration 2
Lettre Autisme France n°74

://ansm.sante.fr/Activites/Pharmacopee/Qu-est-ce-que-la-Pharmacopee/(offset)/0

2 http://rtucircadin.fr/

Article paru dans la lettre d'Autisme France n°74 - p.18


Illustration 3
© SFRMS

L'ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) a publié en février 2018 un avis relatif aux risques liés à la consommation de compléments alimentaires contenant de la mélatonine.

11 spécialistes, dont P. Franco (Lyon) et C.M. Schroder (Strasbourg), ont publié un commentaire dans la revue « Médecine du Sommeil » de juin 2018. IL s'agit du groupe d'experts de la conférence de consensus de la SFRMS (Société française de recherche et médecine du sommeil) sur la mélatonine, qui s'est tenue à Marseille le 23 novembre 2017 (voir Journal International de Médecine). Une publication dans la revue Médecine du Sommeil est prévue.

Après avoir noté l'absence de certaines spécialités dans le groupe de travail de l'ANSES, le commentaire indique que les effets décrits dans l'avis de l'ANSES sont conformes à la littérature internationale et sont très hétérogènes, difficiles à isoler et à imputer à la mélatonine. En 9 ans, il y a eu 11 cas vraisemblablement imputés à la mélatonine, sur 1,4 millions de boîtes consommées chaque année. Les risques rapportés sont d'une sévérité faible, et le suicide est exclu.

Il peut y avoir des interactions médicamenteuses, des populations à risque. Un encadrement médical est donc souhaitable.

D'accord avec les recommandations de l'ANSES, ces spécialistes estiment que ce ne doit pas être un frein pour la prescription dans certaines pathologies du sommeil, où elle est « un agent thérapeutique d'effet majeur ne présentant pas les effets indésirables des hypnotiques classiques », notamment :

  • syndrome du libre-cours (perturbation du rythme circadien)

  • certains troubles neurogénétiques

  • « enfants avec troubles du spectre autistique ».

Remarque : Enfants seulement ?


Les interventions pour les problèmes du sommeil (NICE - Grande-Bretagne)

1.7.4 Si un enfant ou adolescent autiste développe un problème du sommeil, offrez une évaluation qui identifie :

  • quelle est la nature du problème du sommeil (par exemple, délais d'endormissement, réveils fréquents, comportement inhabituel, problèmes respiratoires ou somnolence pendant la journée);
  • la structure du sommeil la nuit et le jour, et tout changement de structure;
  • si l'heure du coucher est régulière;
  • à quoi ressemble l'environnement de sommeil, par exemple :

– le niveau de bruit de fond,

– la présence d'un store ne laissant pas passer la lumière,

– un téléviseur ou un ordinateur dans la chambre à coucher,

si l'enfant partage la chambre avec quelqu'un;

  • la présence de comorbidités surtout celles qui ont trait à l'hyperactivité ou à un autre problème de comportement;
  • le niveau d'activité et d'exercice au cours de la journée;
  • la possibilité de maladie physique ou d'inconfort (par exemple, reflux, otite ou mal de dent, constipation ou eczéma);
  • les effets des médicaments;
  • tout autre facteur individuel qui pourrait favoriser ou perturber le sommeil, comme des relations affectives ou des problèmes à l'école; . l'impact des problèmes du sommeil et de comportement sur les parents et aidants et les autres membres de la famille.

1.7.5 Si l'enfant ou adolescent autiste ronfle bruyamment, s'étouffe ou semble s'arrêter de respirer, référez-le à un spécialiste pour vérifier la présence d'apnée obstructive du sommeil.

1.7.6 Développez un plan de sommeil (cela sera en général une intervention comportementale spécifique au sommeil) avec les parents ou aidants pour tenir compte des problèmes du sommeil qui ont été identifiés et pour établir une structure régulière du sommeil la nuit.

Demandez aux parents ou aidants de prendre note des périodes de sommeil et d'éveil de l'enfant ou adolescent tout au long de la journée et de la nuit sur une période de 2 semaines (16). Utilisez cette information pour modifier le plan de sommeil si nécessaire et le revoir régulièrement jusqu'à ce qu'une structure régulière du sommeil soit atteinte. (16) Il existe différentes grilles de sommeil.

1.7.7 N'ayez pas recours à une intervention pharmacologique pour aider à dormir sauf si :

  • les problèmes du sommeil persistent bien que le plan de sommeil soit respecté;
  • les problèmes du sommeil ont un impact négatif sur l'enfant ou adolescent et la famille ou les aidants. En cas de recours à une intervention pharmacologique, celle-ci doit :
  • avoir lieu seulement après consultation avec un médecin spécialiste (pédiatre ou psychiatre) ayant de l'expertise dans le suivi de l'autisme ou en pharmacologie du sommeil chez l'enfant;
  • avoir lieu conjointement avec des interventions non pharmacologiques;
  • être révisée régulièrement pout évaluer le besoin continu d'une intervention pharmacologique et pour garantir que les bénéfices continuent à surpasser les effets secondaires et les risques.

1.7.8 Si les problèmes du sommeil continuent à avoir un impact sur l'enfant ou l'adolescent, ou ses parents ou aidants, envisagez :

  • la référence à un pédiatre spécialisé en sommeil et;
  • des services de gardiennage ou des soins de répit pendant une nuit ou plus. Le gardiennage peut devoir être répété régulièrement pour garantir un soutien adéquat aux parents ou aidants. Convenez de la fréquence du gardiennage avec eux et consignez l'information dans le plan d'intervention.

Source : Nice (Grande-Bretagne)


Stratégies pour améliorer le sommeil des enfants avec des troubles du spectre autistique - Guide des Parents (8 pages) Réseau de traitement de l’autisme, Autism Speaks (USA)

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