Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.
En 2017, Asperansa a réalisé une enquête à destination des adultes autistes. Il y a eu plus de 500 réponses. Asperansa a demandé à Amélie Tsaag Valren d'analyser les réponses. Voici un extrait ce cette analyse, concernant la question 2.7.
Sur les 573 répondants à la question sur le diagnostic : 53,2 % : Oui, 26 % : Non, 20,8 % : Le diagnostic est en cours.
42% ont moins de 30 ans, 38% entre 30 et 45 ans.
Genre déclaré : 42 % masculin, 51% féminin, 7% autre, ce qui se traduit par une nette sous-représentation du sexe masculin par rapport à sa prédominance dans l'autisme, en particulier en l'absence de déficit intellectuel.
La vie amoureuse et familiale des personnes autistes reste un sujet de publication rare, mais qui a néanmoins inspiré un certain nombre d’ouvrages spécialisés, dont Sexualité et syndrome d’Asperger d’Isabelle Hénault[1], probablement l’un des plus diffusés en France. Les publications consacrées à la sexualité des adultes autistes se focalisent souvent sur l’éducation sexuelle à l’adolescence, et n’explorent que rarement les questions d’orientation à l’âge adulte.
Une légende populaire fallacieuse entretient l’idée selon laquelle la vie de couple constituerait un remède à l’autisme[2], ce qui n’est évidemment nullement le cas, comme le démontrent les réponses détaillées ici.
484 personnes ont répondu à cette question. Premier constat, les vies de couple sont minoritaires (36,2 %) parmi les répondants, par comparaison aux célibataires, que ces répondants le fussent (23,3 %), le souhaitent (15,5 %) ou n’aient aucune expérience ni désir manifeste de l’être (25 %). Le taux de ruptures, mis en relation avec l’âge moyen des répondants, apparaît élevé.
Le taux de personnes autistes en couple est très nettement inférieur à celui de la population française générale, 32 millions de Français étant en couple sur une population (mineurs inclus) de 63 millions de personnes à la même époque[3].
2.7.2 Si oui, votre partenaire est-il / est-elle :
219 personnes ont répondu à cette question, soit une marge d’erreur quantitativement importante par comparaison à la question précédente : un certain nombre de personnes ayant été en couple par le passé ont probablement répondu. La majorité des répondants (56,2 %, ainsi qu’une majorité de réponses du champ « autre ») sont en couple avec une personne non-autiste. Un peu plus d’un cinquième d’entre eux (21,9 %) ont des doutes quant à un possible diagnostic de leur partenaire. Il est cependant notable que la réception d’un diagnostic pour soi puisse entraîner un biais perceptif poussant à voir, en quelque sorte, « des autistes partout ». Un autre phénomène, non-exploré, est celui d’un possible sur-diagnostic (ou sur-auto-diagnostic), de femmes ayant vécu en couple avec un(e) autiste, et plus ou moins imité le comportement de leur partenaire.
3,2 % des répondants (7 personnes) sont en couple avec une personne autiste. Cela constitue un taux plus élevé que le nombre théorique de personnes autistes dans la population générale (1 %).
Parmi les réponses du champ « Autre », des répondants évoquent d’autres profils chez leur partenaire, tels que « sadique », « TDAH », « psychophobe » et « HPI ».
2.7.3 L'autisme est-il, ou a-t-il été un problème dans votre relation ?
365 personnes ont répondu à cette question, indiquant là aussi une marge d’erreur. Dans leur très grande majorité, les répondants estiment que l’autisme pose problème dans leur relation de couple, 45,5 % des répondants estimant qu’il s’agit de problèmes majeurs. 36,4 % répondant « oui, un peu ». Ce sont donc 81,9 % des répondants qui estiment être gênés par l’autisme dans leur relation de couple. Cette réalité est largement attestée dans diverses publications[4].
La question mériterait d’être détaillée : l’autisme est souvent réduit aux difficultés d’ « interactions sociales », ou plus brutalement à un « repli pathologique sur soi » dans les descriptions courtes[5], reflétant quel critère apparaît comme le plus important, ou problématique, pour le monde médical. J’ai souvenance, lors d’un classement d’ouvrages effectué à Bruxelles, d’un livre de référence des années 1990 dont la première phrase introductive débutait à peu près ainsi : « L’autisme est une maladie terrible, en ce qu’elle détruit ce que l’être humain a de plus précieux, la capacité à communiquer ». Décrire la capacité à communiquer comme la plus précieuse qualité de l’être humain n’est qu’un point de vue subjectif ; l’existence de telles formulations démontre clairement quel aspect de l’autisme est perçu comme le plus pénible par les personnes non-autistes.
Il existe aussi, sur les forums et réseaux sociaux, de nombreux témoignages de parents et de partenaires en attente de gestes d’affection, allant du croisement de regard aux mots doux, en passant par l’acceptation de contacts physiques ; l’absence de ces manifestations d’affection chez les personnes autistes est souvent interprétée comme du désintérêt ou de la volonté d’ignorer, alors que les personnes concernées peuvent être attachées à leur entourage, mais ne pas le montrer de la manière attendue.
L’aspect problématique posé par l’autisme dans les relations affectives semble bilatéral, résidant tant dans la difficulté de la personne autiste à exprimer son affection de la manière attendue, qu’à celle du/de la partenaire à l’interpréter.
44 (9,1 %) : Demisexuel(le) (nécessite un fort lien émotionnel avant une possible attraction sexuelle)
4 2 (8,7 %) : Greysexuel(le) (rare attirance sexuelle envers son partenaire mais n'empêche pas une relation romantique)
53 (11 %) : Autre
484 personnes ont répondu à la question de l’orientation sexuelle. Il existe encore peu d’études consacrées, bien qu’un nombre potentiellement élevé d’orientations sexuelles éloignées de la norme ait été souligné, notamment par Fabienne Cazalis. Cela est cohérent avec la résistance des adultes autistes aux normes sociales, telle que l’a soulignée la Dr en psychologie sociale Julie Dachez dans sa thèse[6].
Moins de la moitié des répondants se déclarent hétérosexuels. Cependant, la part totale réelle dépasse 50 %, en raison du chevauchement de certaines orientations : la question aurait dû séparer l’orientation de genre (hétérosexuel, bisexuel, homosexuel ou pansexuel) du degré d’attirance sexuelle (demisexuel, greysexuel ou asexuel). Un certain nombre de réponses du champ « autre » concernent d’ailleurs des associations entre attirance de genre et degré d’attirance sexuelle, telles que « bisexuelle et demisexuelle » ou « homosexuel et greysexuel ».
La réponse « demisexuel(le) » (9,5 % en comptant les 2 réponses du champ « autre ») est la seconde en ordre de fréquence, témoignant aussi de l’importance du vécu émotionnel. Vient ensuite l’asexualité (9,5 % en comptant les 4 réponses du champ « autre »), notoirement plus fréquente chez les adultes autistes que parmi la population générale, puis l’orientation bisexuelle (6,8 %) ; homosexuelle (5,2 %), et enfin pansexuelle (3,5 %).
Une étude sur 24 hommes autistes a déterminé que l’orientation bisexuelle est fréquente[7]. Une autre, sur 82 adultes dont 55 femmes et 17 hommes, conclut à une fréquence importante de l’asexualité, et à une orientation hétérosexuelle plus rare chez les femmes, avec notamment des attirances homosexuelles plus fréquentes[8]. Ces résultats sur petits échantillons sont assez cohérents avec ceux du présent sondage.
Les réponses du champ « autre » comportent des refus de réponse en raison de l’aspect potentiellement intrusif et intime de la question, des « je ne sais pas », et d’autres commentaires qui ne peuvent être exploités.
Ces réponses méritent d’être mises en lien avec les constats faits en matière d’emploi.
[1] Isabelle Hénault, Sexualité et syndrome d'Asperger : Éducation sexuelle et intervention auprès de la personne autiste, De Boeck, 2010.
[2] Le film Le cerveau d’Hugo entretient largement cette croyance, à travers le déroulé de son scénario. Croyance citée également par Josef Schovanec, lors de ses conférences, concernant un professionnel de santé disant d’une femme autiste « ça lui passera quand elle aura un mari ».
[4] Entre autres Attwood 2010, p. 367-368 ; Henault 2010 ; Maxine C. Aston, Aspergers in Love: Couple Relationships and Family Affairs, Jessica Kingsley Publishers, 2003.
[7] Hellemans, H., Colson, K., Verbraeken, C., Vermeiren, R., & Deboutte, D. (2007). Sexual behavior in high-functioning male adolescents and young adults with autism spectrum disorder. Journal of autism and developmental disorders, 37(2), 260-269.
[8] Gilmour, L., Schalomon, P. M., & Smith, V. (2012). Sexuality in a community based sample of adults with autism spectrum disorder.Research in Autism Spectrum Disorders, 6(1), 313-318.