Le décret est paru au Journal Officiel du 29 décembre 2022. Il s'agit d'une victoire des associations de personnes handicapées, qui menaient campagne depuis longtemps. La perte de la majorité absolue à l'Assemblée Nationale a seulement ouvert une fenêtre d'opportunité.

Le projet de décret avait fait l'objet d'un avis favorable avec réserves du CNCPH (conseil national consultatif des personnes handicapées) le 25 novembre 2022.
- "Le projet de décret détermine les modalités de la déconjugalisation de l’AAH. La déconjugalisation correspond à l’absence de prise en compte des revenus du conjoint, du partenaire de Pacs ou du concubin dans le calcul de la prestation, ainsi qu’à la suppression du plafond applicable aux couples, qui se voient désormais appliquer le plafond applicable aux personnes seules, tout en tenant compte des enfants à charge. Les bénéficiaires avec un droit ouvert au titre du mois de septembre 2023 basculent sur un calcul déconjugalisé de la prestation sauf si cela leur est défavorable, auquel cas ils conservent un calcul conjugalisé de la prestation tant que ce dernier leur est plus favorable. L’AAH des bénéficiaires dont le droit s’ouvre à compter du 1er octobre 2023 est déconjugalisée. La déconjugalisation est définitive.
- Un calcul sera fait pour l'AAH du mois d'octobre : seront comparés les montants suivant les nouvelles règles (déconjugalisation) et les anciennes (revenus du couple). Si la déconjugalisation entraîne une baisse de l'AAH sur octobre 2023, les anciennes règles sont maintenues provisoirement, tant que les nouvelles ne sont pas plus avantageuses. Si la déconjugalisation se traduit par une augmentation, les nouvelles règles s'appliqueront, et cela sera définitif."
Baisse en octobre 2023 du fait de la déconjugalisation ?
Le décret s'applique au 1er octobre 2023 aux personnes qui bénéficient de l'AAH pour le mois de septembre 2023. Cela veut dire que les personnes qui ont une ouverture de droit à l'AAH à partir d'octobre 2023 auront une AAH déconjugalisée (même si l'ancien calcul aurait été plus favorable).
Cela veut dire aussi que ceux qui auront un rappel d'AAH qui comprendra le mois septembre pourront bénéficier de la mesure transitoire (maintien de l'AAH conjugalisée si elle est plus favorable).
En octobre, la CAF (ou MSA) ne comparera pas septembre et octobre pour savoir s'il y a une baisse de l'AAH. Celle-ci peut intervenir pour de multiples raisons (modification de la situation professionnelle de l'un ou de l'autre membre du couple, diminution du nombre d'enfants à charge, calcul sur une base trimestrielle etc.). La comparaison se fera sur le mois d'octobre (payé début novembre) suivant l'ancien (jusqu'au 30 septembre 2023) et sur le nouveau calcul.
Si l'ancien calcul est plus favorable, il sera appliqué tant que la déconjugalisation ne sera pas plus favorable.
Si la déconjugalisation est plus favorable ou égale, elle deviendra définitive. Pas de retour en arrière vers la conjugalisation si elle redevenait plus favorable.
Sur ce point, le CNCPH avait défendu un droit d'option, comme le Collectif Handicaps l'avait réclamé :
- "Le Conseil regrette que la déconjugalisation soit définitive, un droit d'option pouvant être techniquement mis en œuvre en cas d'évolution des ressources et des charges d'enfant. Il rappelle qu'il y a un droit d'option entre la PCH et le complément d'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH), comme une comparaison mensuelle entre l'allocation journalière de présence parentale (AJPP) et le complément d'AEEH."
La date d'application au 1er octobre 2023
C'était la date limite fixée par le législateur. Évidemment, çà permet de limiter les dépenses supplémentaires pour le budget de l’État. La raison invoquée est le délai de modification des programmes informatiques de la CAF. Pourtant, ne pas tenir compte des revenus d'une personne est simple, et les applications informatiques ont l'habitude de maintenir d'anciennes dispositions.
Il est tout à fait possible de modifier des programmes informatiques, et de prévoir une régularisation rétroactive.
La réduction de l'AAH en cas d'hospitalisation ...
Le CNCPH avait remarqué :
- "Le montant de l'AAH est réduit à 30% de l'AAH en cas d’une orientation à temps plein, intégralement prise en charge par l'assurance maladie (sauf si le bénéficiaire est astreint au paiement d'un forfait journalier) – en maison d’accueil spécialisées (MAS) particulièrement - ou par l’État, ou en cas d'incarcération. Aucune réduction du montant d'AAH n'est effectuée, notamment si le bénéficiaire a au moins un enfant ou un ascendant à charge, ou s'il a un conjoint, un concubin ou un partenaire (Pacs) qui ne travaille pas pour un motif reconnu valable par la CDAPH. L'article du projet de décret supprime cette dernière exception prévue par l'article R821-8 du code de la sécurité sociale. Le Conseil demande la suppression de l'article 5 : en effet, les exceptions comprennent aussi le fait
d'avoir un ascendant à charge. Il doit en être de même en cas de conjoint à charge."
Sur la base du décret publié, cette demande a été prise en compte (voir R.821-8 code sécurité sociale).
Les personnes qui ne bénéficieront pas de la déconjugalisation : familles monoparentales
Ce sont d'abord les familles monoparentales, avec ou sans enfant à charge. Le plafond de ressources reste le même, le calcul des ressources reste le même (les ressources du parent ont les mêmes abattements qu'aujourd'hui).
C'était l'inconvénient de la proposition de loi votée par l'Assemblée Nationale l'année dernière, à la grande surprise de l'énorme majorité parlementaire macronienne. Le Sénat avait adopté une version améliorée, en tenant compte des enfants à charge dans le plafond de ressources.
Les personnes qui ne bénéficieront pas de la déconjugalisation : pensionnés
Lorsqu'un bénéficiaire de l'AAH perçoit aussi un avantage d’invalidité ou de vieillesse, le montant de l'AAH est réduit du montant de la pension. En effet, l'AAH est un "avantage non contributif", qui vient en substitution de ces pensions ou retraites calculées en fonction de cotisations versées du fait de l'activité professionnelle.
Dans ce cas, l'AAH versée est le montant le plus faible, entre celui calculé en fonction des ressources et celui calculé en tenant compte de la pension.
De ce fait, les personnes qui ont une AAH réduite en septembre 2023 du fait de la pension auront sans doute en octobre 2023 une AAH réduite de la même manière. De ce fait, elles basculeront dans l'AAH déconjugalisée.
Les personnes qui devraient bénéficier de la déconjugalisation
Il y a des personnes qui ont obtenu de la CDAPH (commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées) un droit théorique à l'AAH. Cependant, la CAF a examiné leur droit administratif, et a rejeté leur demande - soit dès le départ, soit en fonction de l'évolution de leur situation.
Dans ce cas, le dossier est clôturé, comme on dit dans le jargon administratif. Mais ces dossiers n'ont pas disparu dans le triangle des Bermudes de l'administration. Ils sont bien présents, au moins 3 ans, dans les bases informatiques des organismes qui versent l'AAH. Il est facile de les retrouver, si le refus de l'AAH est lié aux ressources du "conjoint". Et de leur demander de réactualiser leur situation.
Cette question ne relève pas de ce qui est réglé par décret. Mais il faut l'obtenir.
D'autre part, des personnes qui n'avaient pas pris la peine de demander l'AAH compte tenu des ressources de leur conjoint peuvent désormais la demander utilement.
Le gouvernement avait profité d'une erreur rédactionnelle du texte voté à l'Assemblée Nationale pour prétendre que la proposition de loi allait coûter 20 milliards d'euros en plus des 12 milliards actuels. La nouvelle version devrait coûter 750 millions par rapport à 2021, mais j'espère que çà va coûter plus, si des personnes n'ayant pas de droit actuel fassent une demande.
Encore une fois la simulation
Il est tout à fait nécessaire que les personnes handicapées comprennent la façon dont est calculée leur AAH.
Parce qui elles s'adressent aux organismes qui versent leur allocation, elles obtiennent en général la réponse : "on ne sait pas comment c'est calculé".
Et c'est la panique intégrale si elles veulent savoir comment leur allocation peut évoluer.
C'est par exemple un point rappelé par l'avis du CNCPH sur le passage de travailleur d'un ESAT au milieu ordinaire.
Actuellement, le simulateur officiel de calcul (mesdroitssociaux) n'est pas fiable.
Il faudra bien qu'en octobre 2023 au plus tard, les personnes handicapées puissent savoir quel mode de calcul (ancien ou nouveau) est utilisé.
NB : un nouveau décret dit "simple" devrait intervenir, pour modifier certains autres articles (numérotés D) du code de la sécurité sociale