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Billet de blog 24 octobre 2013

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Quelle stratégie pour une alternative à la politique libérale?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les turbulences actuelles au Front de gauche autour des municipales , qui ont parfois un tour dérisoire , détournent à mon sens de la vraie question : quelle analyse  fait t on de l’impasse actuelle et quelle voie stratégique pour en sortir ? Il est plus facile d’en rester à la surface des choses , à des slogans que d’affronter véritablement les problèmes : tant qu’une alternative n’émergera pas dans les consciences , la politique libérale ne pourra être mise en échec et elle ouvrira toujours plus la voie au pire, la montée de l’extrême droite.

I Le rapport de forces  actuel  est clairement  défavorable aux véritables forces de progrès.

Il y  a eu un espoir, il y un an, notamment autour de l’action contre le TSCG, que l’ampleur des reniements d’Hollande allait générer :

  1. un mouvement social d’ampleur
  2.  une poussée du Front de gauche par report sur lui d’une partie de l’électorat PS trompé
  3. et par voie de conséquence une crise à l’intérieur du PS débouchant soit sur son implosion soit sur un virage à gauche

Rien de cela ne s’est produit :

  1. Le FDG patine et dans les élections partielles est tout autant affecté que le PS par l’abstention massive
  2. le mouvement social peine, freiné par un chômage massif, par l’absence de perspectives et par le soutien des réformistes à la politique de Hollande (ANI, retraites): la mobilisation sur les retraites n’a guère dépassé l’espace militant.
  3. et ceux qui pourraient devenir les alliés naturels du FDG se dérobent : abstention de la gauche du PS , et d’EELV sur la loi sur les retraites , annonce qu’EELV votera le budget 2014. 

Ces faits sont désolants mais ce sont des faits : le déni serait suicidaire.

II Identifier les obstacles

Ø     certes le mécontentement envers la politique libérale de Hollande et ses effets est très important

Ø     mais il est difficile de mobiliser en période de crise : le chômage, ou la peur du chômage pèsent lourd

Ø     et aucune alternative ne se dessine clairement  pour la population dans son ensemble et pour l’électorat « de gauche » : les mesures proposées par le Front de gauche peuvent apparaître souhaitables  (à ceux qui en ont connaissance), mais elles ne sont pas pour autant considérées comme faisables et crédibles. et tant qu’on n’a pas une alternative un tant soit peu crédible, on ne se mobilise pas.

Ø     Surtout le sentiment dominant , sauf dans une mince couche consciente et politisée, c’est l’impuissance : on a eu la droite , puis on a essayé la « gauche » et c’est toujours pareil. Faire un choix politique véritable ne serait qu’un rêve : le personnage d’Hollande participe de cette sensation, avec son image de pantin aux ordres de la Commission européenne et de la Cour des comptes. Le sentiment se généralise que les vrais décideurs sont hors de notre portée : l’Europe, les multinationales.[1]

Ø     Seule une mince couche consciente et politisée échappe au constat ci-dessus mais pas la masse de l’électorat , y compris les quatre millions d’électeurs FDG de la présidentielle : et un rapport de forces se construit dans les masses , à partir de la conscience des masses : « quand une idée s’empare des masses, elle devient une force » (Karl Marx)

III retrouver la souveraineté populaire

1)Identifier  la cible :

Critiquer et décrypter la politique social libérale est nécessaire mais ne suffit pas. Cette politique ne pourra être mise à mal que quand une large partie de notre peuple sera convaincue qu’elle est nocive (mais cela c’est fait) et qu’on peut faire autrement : sinon, si l’on reste à l’incrimination des personnes (Sarkozy, Hollande, le suivant ?) sans explicitation des fondements de leurs politiques, on restera au Guépard (Lampedusa : « tout changer pour que rien ne change »).

2) redonner l’espoir

La question alors n’est pas celle du bon ton, de la bonne posture, de la bonne tactique électorale, mais de redonner l’espoir

Ø     en dessinant une alternative cohérente

Ø     en montrant  que cela est l’objet d’un choix politique

Ø     que le peuple  doit regagner l’espace du choix politique et de  sa souveraineté volée par la constitution de la Veme  République , par les traités européens successifs, par le pouvoir dédié aux marchés financiers.

3) se libérer du carcan européo libéral et comment

Ø     une majorité de l’opinion identifie à juste titre les politiques d’austérité à l’Europe et à l’Euro.  Le système européen actuel , en particulier monétaire et financier est un obstacle fondamental à toute politique de gauche : constitutionnalisation du libéralisme, dumping social , et contrôle de la dette et donc des finances des états délégué aux marchés financiers. L’acceptation de ce cadre là vaut acceptation des politiques d’austérité, la France doit se libérer de ce carcan là. D’autant plus que l’Europe symbolise la perte de souveraineté démocratique au profit d’instances techno libérales : la commission, la BCE. Reste à, déterminer comment  se libère t- on de ce système oppresseur , en le transformant ou en le brisant.

Ø     La ligne officielle du FDG est la transformation : une autre Europe, un autre Euro

Vision idéale mais à mon sens  largement utopique : comment  on fait  alors qu’il faut l’unanimité des 28 Etats pour changer les traités et accessoirement  pour persuader l’Allemagne d’agréer une politique totalement contraire à tous ses dogmes (équilibre budgétaire, banque centrale indépendante qui ne finance pas les états , refus de l’inflation) qu’elle a fait graver dans les traités , notamment depuis Maastricht ? La crise des dettes dure depuis 2010 : Combien de temps encore pour obtenir cette refonte de l’Euro ?

voir à ce sujet http://blogs.mediapart.fr/blog/jjduch/241013/questions-pour-une-alternative-que-faire-avec-l-europe-0

IV comment considérer le parti socialiste maintenant et pour l’avenir

La situation actuelle est inédite à gauche :  avec Mitterrand , avec Jospin , il y avait des éléments positifs (retraite à 60 ans , 35h)et négatifs(casse de la sidérurgie,privatisations) , et donc une difficulté pour apprécier ce qui dominait (même si le virage libéral n’a jamais été démenti depuis 1983) . Avec Hollande, ce débat n’existe plus : la colonne « positif » est vide.

 En caractérisant les divers étages de la sphère socialiste, on peut observer que l’affrontement de classe passe au milieu et que l’homogénéité est largement factice[2]

1)une strate supérieure (gouvernement,  et certains postes clés au parlement)

 Ce sont les gens qui conçoivent imposent et mettent en musique cette politique. Pour eux l’avenir personnel n’est pas en cause : quand ils auront été battus , ils seront recasés dans la haute fonction publique ou à un poste dirigeant dans les entreprises du CAC 40 pour bons et loyaux services. Un exemple le  grand ami de Hollande : Jouyet sous Sarko ministre, puis président de l’autorité des marchés financiers , puis sous Hollande mis à la tête de la caisse des dépôts. Ces gens là sont en symbiose avec la finance et les multinationales, prêts à survivre à toutes les alternances.

2)seconde catégorie la piétaille parlementaire .

 Ils ne sont pas les concepteurs , ils grognent plus ou moins en coulisse, réalisent qu’ils vont payer la note aux prochaines élections , pensent parfois sincèrement que la politique poursuivie mène à la catastrophe mais au final , pour le moment,  ils votent tout : l’Ani, les retraites,le budget.

3)troisième catégorie les petits élus locaux , les militants :

ceux là ne sont pas dans les salons , ils voient les effets de la politique de l’offre, et ils en souffrent. Ils manifestent leur désarroi (cf votes internes du PS au printemps sur l’Europe) mais on est encore loin de la révolte concrète

4) quatrième catégorie les électeurs :

 ils attendaient que ce soit un peu mieux , et ils font largement le constat que nous sommes dans du Sarko prolongé . Pour autant , ils ne voient pas d’alternative crédible et leur désillusion se traduit en abstention

Si ce constat (qui peut et doit être discuté) est exact , cela a des conséquences importantes sur la stratégie .

L’enjeu au niveau de l’électorat socialiste et des militants est de dépasser le stade  du mécontentement et du désarroi pour aller à une fracture ouverte avec « la politique de l’offre » pour construire ensemble une alternative véritable dans un nouveau Front Populaire.

La question clé est alors la définition et la popularisation de l’alternative, seule manière de désolidariser cette sphère socialiste qui réunit de manière artificielle une couche dirigeante associée étroitement à la finance et au grand capital  et de l’autre côté des salariés qui souffrent des coupes dans les services public, des salaires bloqués, et des menaces sur l’emploi[3].

Restaurer la souveraineté populaire est une question fondamentale dans un processus de transformation progressiste : croit on que le grand capital, les marchés financiers, les institutions européennes à leur service vont laisser se développer tranquillement une politique  contraire à tout ce qu’ils ont gagné depuis 30 ans, à tous leurs intérêts de classe ?

Nous ne gagnerons qu’en nous appuyant sur la souveraineté du peuple,en montrant au peuple que la démocratie n’est pas un archaïsme et en explicitant les perspectives, ce qui exige un immense travail d’éducation populaire.


[1] voir à ce sujet

http://www.humanite.fr/politique/front-de-gauche-l-espoir-l-echelle-des-villes-551158

http://abonnes.lemonde.fr/politique/article/2013/10/18/le-climat-social-bascule-dans-une-resignation-rageuse_3498292_823448.html

[2]voir  http://www.mediapart.fr/journal/france/221013/les-dirigeants-du-ps-ecopent-pour-eviter-que-le-navire-coule

[3] dans cette perspective , il faut se concentrer sur le fond et éviter toute expression stigmatisante et cela pour des raisons politiques . Toute attitude en ce sens reconstitue un bloc allant d’hollande au dernier électeur ou militant socialiste venu, et cela pour le plus grand bénéfice d’Hollande. voir à ce sujet un excellent texte de Christian Picquet http://www.humanite.fr/politique/pour-un-front-de-gauche-uni-et-rassembleur-par-chr-551690

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