Le complexe de supériorité est probablement l’engrais le plus efficace pour faire gonfler les melons. Et puisque que l’époque produit beaucoup de gros melons, on en déduit qu’il y a beaucoup de gens souffrant de complexe de supériorité. Soyons justes quand même. Un peu d’égo est nécessaire afin de ne pas se laisser marcher dessus. Mais gare à l’abus d’hubris, car alors le melon vire en pastèque.
Nous en sommes là aujourd’hui. L’humanité n’a jamais produit autant de gros melons. Impossible d’en manquer un sur l’étalage. Et s’il échappe à votre attention, vous pouvez compter sur lui pour vous rappeler l’oubli. En vérité ce qui choque ce n’est pas leur nombre, mais leur taille. Des melons d’une taille extraordinaire, exubérante, comique. On se demande comment de tels melons peuvent tenir sur ces corps ridicules. Mais je n’y suis même pas. Non. Le pire ce n’est même pas leur taille à vrai dire. Le pire, c’est que rien ne semble arrêter leur croissance, inachevable. « La satiété ne permet pas au riche de s’endormir », l’Ecclésiate.
Pour autant, je n’ai rien contre le principe d’avoir un gros melon. Chacun fait ce qu’il veut après tout. D’ailleurs, peut être même que le gros melon a des circonstances atténuantes. Je veux dire qu’il a peut être fait de si grandes choses qu’il est inévitable qu’il attrape quelque peu le melon. C’est presque sain tant l’humilité dégoulinante confine à l’hypocrisie. Donc un peu de melon pourquoi pas, personne n’est à l’abri de toute façon. Mais de l’ego à l’égout il n’y a qu’un fat. Et l'on n’est pas obligé de se laisser enfler les chevilles. Yvon n’a pas le melon par exemple. Pas le gros melon du moins. Il n’éprouve pas cette curieuse envie de chier sur son alter ego. « Si j’avais décidé comme la plupart des hommes, non seulement je me serais cru leur supérieur, mais je l’aurais paru. Je me suis préféré », Monsieur teste - Paul Valery
Le gros melon n’est donc pas un indice de sa qualité. On dit qu’il faut couper pour savoir, et on est parfois très déçus. Ok on ne peut pas faire de même pour l’humain. Quoique. Il serait peut-être possible aujourd’hui d’aller sonder la caboche d’un gars qui se la pète, de manière non invasive bien entendu. Afin de voir déjà s’il y a bien quelque chose dans la caboche, et ensuite s’il existe quelques corrélats neuronaux typiques du gros melon. Mais je ne crois pas que la science en soit arrivée à ce stade. Et il est fort probable d’ailleurs que l’on en reste là. Tout simplement parce que ce n’est pas un sujet très intéressant.
A moins qu’il existe quelque indice extérieur qui trahisse la qualité d’un gros melon ? Que sait – on sur cette question. Observez sa queue (pédoncule), si son attache est en entourée d’une cerclette fissurée, c’est bon signe ! Sauf que ce signe est observable sur tous les melons, les petits comme les gros. Donc, si l’on suit ce raisonnement, il n’y a aucune raison que l’on produise davantage de mauvais gros melon que de mauvais petits melons, puisque les deux ont à priori autant de chance d’avoir la queue ainsi ornée. Mais alors comment expliquer ce fait étrange que les gros melons semblent statistiquement de moins bonne qualité que les petits melons ? En d’autres termes, comment se fait-il que les gros melons soient davantage des gros cons que les petits melons ?
Plus surprenant encore, il ne semble pas qu’il existe quelque moyen de dégonfler le melon. Même l’échec ou l’erreur ne semble provoquer de remise en cause salutaire. La peine ou la tragédie peut être, mais on ne souhaite cela à personne. Non, il semble qu’il n’y ait pas de moyen pour dégonfler le melon, il faut juste attendre qu’il arrive à son terme. Car alors oui, le melon aura pu devenir aussi gros qu’il a pu, il finira toujours aussi tristement que le plus petit des melons. « Parce que les hommes ne sont pas frappés des maux à proportion de leur grandeur, mais à proportion que le temps où ils arriveront est plus ou moins éloigné », Montesquieu
Terminons par l’actualité. Parfois c’est un étalage de gros melons qui nous est proposé, du melon XXL en cravate s’il vous plait. Véritable spectacle pour les petits et les grands. Que des melons plus gros les uns que les autres, même s’il y en a un qui est quand même plus gros que les autres. On le reconnait d’entre mille. Le plus à craindre est lorsque deux gros melons se toisent ou font semblant de s’apprécier. Car le gros melon est un solitaire. Il est né pour étouffer le potager. Alors si un gros melon croise un autre gros melon, ils peuvent s’apprécier un instant, mesurer leur égo, concours de bistouquette, etc... Mais il arrive un moment où le concours de pastèque s’impose : le choc des titans, qui verra un vainqueur peut - être, mais toujours le même perdant. Celui qu’on appelle le tout petit melon, qui n’a que le peu d’égo qui lui reste pour savoir qu’il existe.