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Billet de blog 8 juillet 2016

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Deux décisions de justice favorables à Mediapart

Dans deux procès de presse récents, la légitimité, le sérieux et la bonne foi du travail de Mediapart ont été reconnus. L’un concernait nos révélations sur des violences de proches du Front national ; l’autre notre enquête sur François Pupponi, député PS et maire de Sarcelles. Les jugements ont été rendus le 1er juillet.

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Le 21 mars dernier, Mediapart publiait une enquête de Marine Turchi et Thierry Vincent initulée « Les preuves de la sauvagerie de proches du Front national » (la lire ici et lire là notre billet de blog sur les menaces visant Marine Turchi après cette enquête). Révélant, vidéos à l’appui, des violences commises entre militants d’extrême droite issus du Groupe Union Défense (GUD), proches du Front national, cet article fut poursuivi par les deux personnes que ces faits mettent en cause et qui ont été mises en examen par la justice, Logan Djian et Loïk Le Priol.

Tous deux, dans deux assignations distinctes auprès du tribunal de Paris, demandaient la suppression de notre article sous astreinte de 500 euros par jour de retard, au motif qu’ils y seraient « présentés comme coupables des faits présentés avant tout jugement et au mépris de la présomption d’innocence ». S’y ajoutaient l’exigence d’un communiqué judiciaire ainsi que des dommages et intérêts.

L’audience de référé s’est tenue le 27 mai 2016, Mediapart ayant pour avocat Me Emmanuel Tordjman, du cabinet Lysias, et le tribunal étant présidé par Marc Pinturault. Rendues le 1er juillet, les ordonnances de référé déboutent Logan Djian et Loïk Le Priol de toutes leurs demandes et les condamnent chacun à nous payer, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 3000 euros.

Dans un dispositif identique, les deux ordonnances rappellent que la protection de la présomption d’innocence, garantie par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, « ne saurait être comprise comme un droit absolu, mais doit être mise en rapport avec le principe de la liberté d’expression consacré par l’article 10 de la même Convention, dont le premier paragraphe stipule que toute personne a droit à la liberté d’expression ».  Autrement dit, cette protection « ne saurait avoir pour objet d’interdire qu’il soit rendu compte des affaires judiciaires ».

« L’atteinte à la présomption d’innocence, poursuivent les ordonnances, n’est constituée que lorsque la publication litigieuse manifeste clairement, avant toute condamnation devenue irrévocable prononcée par la juridiction compétente, la conviction de son auteur quant à la culpabilité de la personne en cause, dans des conditions de nature à persuader les lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs, de cette culpabilité, conditions dans lesquelles l’équilibre entre la protection des droits personnels du mis en cause et celle de la liberté d’informer, n’est plus assuré. »

Puis, après avoir décrit en détail l’enquête de Mediapart, mis en évidence ses précisions et ses précautions, les ordonnances soulignent que « les journalistes se bornent à exposer un motif d’information légitime du public sur un sujet d’actualité qui relève, à l’évidence, de l’intérêt général, sans exprimer de préjugé définitif sur l’issue de la procédure pénale en cours ». Le tribunal poursuit : « Même si les journalistes emploient dans l’article des termes forts, évoquant notamment “une véritable séance d’humiliation, d’une violence inouïe”, la sévérité de ces termes n’est pas emphatique mais à la mesure de la brutalité des scènes filmées, de même que l’emploi, dans le titre, du mot “sauvagerie” qui, pour être éminemment dépréciatif, ne fait que décrire l’atrocité des faits dont les vidéos constituent autant de preuves objectives ».

Enfin, « en estimant que ces actes peuvent être qualifiés de “traitements inhumains et dégradants, tels que définis par la Convention européenne des droits de l’Homme dans son article 3”, les auteurs de l’article ne font qu’invoquer la protection d’un droit fondamental sans formuler, là non plus, aucun préjugé sur la culpabilité » des demandeurs ni même, comme le prétendent ces derniers, « s’immiscer dans la qualification des poursuites judiciaires ».

« Dans ces conditions, conclut le tribunal, il y a lieu de considérer que les auteurs de l’article, au lieu de se comporter, ainsi que le prétend[ent] le[s] demandeur[s], comme des “enquêteurs supplétifs” manifestant, au mépris de toute déontologie, un parti pris contre [eux] et en faveur de [leur] culpabilité, se sont au contraire attachés à faire la relation objective d’un élément de preuve matériel dont la diffusion, aussi accablante soit-elle pour le[s] requérant[s], n’en a pas moins été justifiée par le droit d’informer le public sur un sujet d’intérêt général ».

En conséquence, les ordonnances jugent que les demandeurs ne sont pas fondés « à se prévaloir d’une atteinte à [leur] présomption d’innocence » et les déboute de toutes leurs demandes.

*

Le 1er juillet 2016, une autre décision de justice est intervenue en notre faveur. Il s’agit du jugement rendu par la dix-septième chambre correctionnelle du tribunal de Paris, présidée par Fabienne Siredey-Garnier, dans un procès intenté par François Pupponi, maire de Sarcelles et député PS du Val d’Oise.

Après une enquête de Ellen Salvi et Karl Laske, intitulée « Le député François Pupponi rattrapé par les affaires » et mise en ligne le 21 juillet 2013 (la lire ici), l’élu avait porté plainte avec constitution de partie civile pour diffamation publique envers personne chargée d’un mandat public. L’article visé relatait les liens de M. Pupponi avec les protagonistes de l’affaire du Cercle Wagram, impliquant des membres du milieu corse, dans laquelle il avait été à l’époque placé sous le statut de témoin assisté.

L’audience s’est tenue le 14 avril et Mediapart y était toujours défendu par Me Emmanuel Tordjman. Sur la base d’une offre de preuves fournie, nous y avons plaidé, outre la rigueur professionnelle et la bonne foi de notre travail, la légitimité d’enquêter sur les liens que pourraient entretenir des politiques avec des milieux liés à la haute criminalité, comme l’a amplement démontré l’exemple italien (lire ici et les réflexions du procureur Roberto Scarpinato).

Le jugement renvoie Ellen Salvi, Karl Laske et le directeur de Mediapart, Edwy Plenel, des fins de la poursuite et déboute M. Pupponi de l’ensemble de ses demandes.

Le tribunal fait d’abord remarquer que la qualification retenue par le plaignant est erronée, M. Pupponi n’étant pas visé, à propos du Cercle Wagram, « en sa qualité de député-maire, chargé d'un mandat public, mais en tant que simple particulier, aucun acte ou abus lié à ses fonctions électives n'étant évoqué ». Puis, il souligne que plusieurs passages poursuivis ne font que relater des « faits avérés » sans aucune imputation diffamatoire, notamment en rapportant des propos que M. Pupponi avait lui-même tenus devant le juge d’instruction de l’affaire du Cercle Wagram.

Enfin, estimant que « les propos contestés s’inscrivent dans un débat d’intérêt général », qu’ils n’étaient animés d’aucune animosité personnelle et que leur ton était « mesuré », le tribunal souligne que les journalistes de Mediapart « disposaient, lors de la rédaction, de nombreux éléments susceptibles d’étayer leurs propos », nous donnant ainsi acte de la consistance des faits rapportés par notre offre de preuves.

Sans retenir cependant l’exception de vérité – elle est toujours plus difficile à obtenir dans un procès en diffamation –, le tribunal prononce donc une relaxe en notre faveur au nom de l’excuse judiciaire dite « de bonne foi ». Celle-ci inclut la légitimité du but poursuivi, le sérieux de l’enquête, le respect du contradictoire, la modération dans l’expression et l’absence d’animosité personnelle.