L’agression ne visait pas seulement Edwy Plenel mais l’ensemble de la rédaction de Mediapart. Voilà le sens de la décision rendue par le tribunal de police de Paris, mardi 16 janvier. L’actrice et réalisatrice Maïwenn Le Besco a été condamnée à 400 euros d’amende pour des violences volontaires commises contre le président et cofondateur du journal, en février 2022.
Le tribunal a non seulement refusé de dispenser de peine la prévenue, comme elle l’avait demandé, mais plus que les sommes en jeu — le maximum encouru était de 750 euros d’amende et Edwy Plenel n’avait sollicité qu’un euro symbolique de dommages et intérêts —, la justice a surtout fait droit à la demande de Mediapart de se constituer partie civile (1 500 euros de dommages et intérêts à la clé). La justice a ainsi considéré qu’en attaquant son directeur, Maïwenn s’en prenait à tout un journal.
Bien loin d’exprimer de quelconques regrets, la productrice de cinéma a revendiqué son geste tout au long de l’audience, s’inscrivant dans la continuité de toutes ces déclarations depuis le début de l’affaire, où elle n’a cessé de mettre en cause le travail de Mediapart sur les questions de violences sexistes et sexuelles auprès de certains médias bien complaisants. « Je ne m'excuse pas et je ne regrette pas », a-t-elle déclaré à la barre.
Âgée de 47 ans, celle qui fut la compagne de Luc Besson — avec qui elle a eu une fille — a utilisé le tribunal comme une tribune pour réitérer des accusations aussi alambiquées que fallacieuses à l’encontre de Mediapart, à l’origine de révélations sur le célèbre réalisateur français. Au sujet de l’agression en elle-même, la productrice a reconnu sans difficulté avoir tiré les cheveux d’Edwy Plenel et lui avoir craché au visage avant de prendre la fuite, tandis que le journaliste dînait avec un ami, l’avocat Jean-Pierre Mignard, dans un restaurant du XIIe arrondissement de Paris, le 22 février 2022. Maïwenn, qui dînait seule dans le même établissement ce soir-là, l’a violenté sans lui adresser un mot, devant des client·es médusé·es. L’une d’eux en a témoigné mardi au tribunal.
Depuis, elle a essayé de justifier cette agression en accusant la journaliste Marine Turchi — qui enquête sur les pratiques de Luc Besson depuis 2018 — d’avoir trahi sa confiance au cours de ses recherches (ce qui constitue un pur mensonge, comme l’a raconté en détail Lénaïg Bredoux dans ce billet). « Le sang m’est monté [quand elle a reconnu Edwy Plenel au restaurant], ce n’était pas calculé, pas réfléchi », a expliqué Maïwenn au tribunal, allant même jusqu’à se présenter comme une « victime » de Mediapart. Son seul regret ? « Le crachat n’est pas sorti comme je l’aurais souhaité. »
Cette attitude a conduit le procureur de la République à rappeler, dans ses réquisitions, que les faits méritaient une « condamnation sévère, peu importe le milieu social dans lequel ils se produisent ». Ces « violences sont inadmissibles », a-t-il souligné.
Dès le lendemain de l’agression, Edwy Plenel avait fait savoir à la productrice de cinéma qu’il n’engagerait aucune procédure si elle acceptait de formuler des excuses. Chose que Maïwenn a toujours refusée. « Je l’ai vu lorsque j’ai eu des discussions avec elle, elle n’arrive pas à s’excuser, parce qu’elle considère que ce serait l’humiliation totale », a confirmé l’avocat de la prévenue, Me Jean Aittouares, dans une plaidoirie dirigée contre le travail de Mediapart.
Au début de l’audience, Edwy Plenel, représenté par Me Pierre-Emmanuel Blard, avait insisté sur la gravité de l’agression qu’il a subie, en tant que directeur de publication d’un journal qui bouscule des intérêts et des personnalités — gravité renforcée par le fait que Maïwenn a profité de sa position sociale pour faire la promotion de son acte.
Il a ainsi précisé qu’en cinquante ans de carrière, il n’avait jusqu’ici jamais subi une agression physique à cause d’enquêtes publiées, mais aussi que Maïwenn (qu’il ne connaissait pas jusqu’à cette « rencontre » au restaurant) n’avait jamais fait l’objet de la moindre enquête dans nos colonnes. Tout en rappelant le rôle important de Mediapart dans la révélation des affaires de violences sexistes et sexuelles (VSS), notamment dans le monde du cinéma, comme l’ont montré les récents développements de l’affaire Depardieu.
Post scriptum, le 3 février 2024 : Maïwenn Le Besco n’ayant pas fait appel, sa condamnation est définitive.