Dans ce calendrier de l’Avent 2025, il y aura des bêtes et des bestioles. Ces animaux crèchent dans notre imaginaire. Ils sont connus, moins connus mais ils sont vivants dans notre esprit et ont marqué notre mémoire. Les sources seront variées : Petites histoires ou Grande Histoire, Nature, Films, Chansons, Livres, etc.
CHARLEY, CHIEN CHEZ JOHN STEINBECK
Il s’appelait Charley. C’était un caniche royal. Il traversa les États-Unis avec son John d’humain, Steinbeck, le road trip au ventre, plus de 10 000 km. De quoi donner des lettres de noblesse à un chien que le mot caniche cantonne à un animal frisé et pas bien malin.
Celui-là, ce buddy-dog, était royal.
« C’est le seul chien que j’aie jamais connu capable de prononcer la consonne f. « Ftt » indique en général qu’il aimerait saluer un arbre ou un buisson. »
Royal, son voyage ne le fut pas moins : depuis New York, la Pennsylvanie, les forêts du Maine, le Middle West, le Montana, la côte Pacifique, les déserts du Sud, le Texas, la Nouvelle-Orléans puis retour à New York.
C’était en 1960. L’auteur avait 58 ans. Malade, il voyait dans ce voyage, peut-être son dernier.
Son projet était de constater de visu (et de auditu) les changements intervenus aux États-Unis. « À quoi ressemblent les Américains d’aujourd’hui ? » s’interrogeait-il.
A coup de cafés ou autres verres de contact, il passa du temps à discuter avec les gens. Sa soif de savoir se heurtait à la crainte de découvrir une absence d’idéal.
La meilleure hypothèse offrait des sourires et des hommes, la pire, celle de l’année 60 et qui l’inquiétait, du racisme et des hommes (crainte justifiée, il verra, par exemple, des femmes « répugnantes, obscènes, ignobles » insultant une jeune noire lors de son premier jour d’école.)
En pensant à ce qu’il risque de découvrir, John a un chien dans la gorge. Une boule de poils. Il a besoin d’éclaircir ses idées, d’en avoir le cœur net.
Ce voyage fut une de ces entreprises à nulle autre pareille qui peut connaître la crise physique ou morale. Pour cette inédite vendange qui pourrait lui offrir de nouveaux raisins de la colère, il voyagea incognito. Et pour ne pas être seul à supporter une âpre vérité avec sa santé vacillante d’auteur mûr, il choisit donc de partir avec son chien (voyageant lui incanichto, pas perdu mais sans collier).
Un caniche royal pour compagnon comme Stevenson avait un âne.
Not a donkey, a charley. Pas d’âne sensible, un chien.
Un chien français, d’ailleurs. Son berceau fut Bercy. Mais pas de quoi faire des raisins tricolores et entonner la Marseillaise, c’était juste un caniche bleu.
Steinbeck sur la route : sa caravane passa et son chien n’aboya pas ou si peu.
Une caravane. Un truck sur le bitume. Pas d’emphase pour être en phase avec le pays. Pendant que Charley mangeait ses croquettes, Steinbeck se livrait à des croquis des States. Il brossa son chien et un portrait de l’Amérique, pas forcément dans le sens du poil. John traversa les États-Unis dans sa caravane comme un chien qui n’en démord pas : son obstination se lisait au surnom de son engin, Rocinante. Don Quichotte était un de ses livres préférés. Et son Sancho, ce fut son chien ? Attention, sous le soleil ricain, Steinbeck prit soin de ne pas finir en Cervantes écarlate et cynique. Mélancolique, certainement.
Son Voyage avec Charley fut un best-seller. Peu de temps après, alors que son chien rongeait un énième nonosse, son maître reçut le Nonobel. Et voilà Charley et Steinbeck enfin unis dans leurs lettres de nonoblesse.
https://blogs.mediapart.fr/lepistolero/blog/011225/calendrier-de-lavent-125-chien-chez-chaplin