Pour couper court aux discussions, Scarlett O’Hara, l’héroïne du roman de Margaret Mitchell, utilise le terme Taratata. Un mot composé de trois lettres seulement, aux redoublements enfantins.
De son Taratata ! elle couperait sans doute bien court aux discussions portant sur la nécessité de la retraduction du roman (ce qui est toujours amusant quand la question est abordée par des gens qui n'ont lu aucune des deux versions). Cette retraduction joue sa vie de personnage de fiction. Et puisqu'elle lui permet de dire enfin en français ce qu'elle disait en anglais, c'est intéressant, non ? (éloge de la traduction)
Taratata ! quand Scarlett parle français. C’est Fiddle-dee-dee dans la version originale. De trois lettres dans la v.f on passe à cinq lettres dans la v.o.
Cette interjection n'a pas attendu Scarlett. Elle apparait dans le dictionnaire français en 1860.
Taratata, c’est le mot utilisé dans la traduction de 1939 de Pierre-François Caillé (Gallimard). Ce mot a été repris par Josette Chicheportiche pour la traduction qui vient de sortir chez Gallmeister (l'équivalence entre ces deux traductions est loin d'être la norme, c'est peut-être là leur plus petit dénominateur commun).
En France, l'interjection Taratata a été captée par l’émission musicale de Nagui. Du 100% Live. Un micro-trottoir tournerait à l’avantage du show musical, dût-il finir écarlate d’avoir fait oublier l’origine de l’expression made in Scarlett.
Dès 1939, avec la sortie du film de Victor Fleming, l’expression était 100% Scarlett. Depuis, la télé l’a emporté sur la littérature et le cinéma.
Ceci tuera cela.
Gone in the wind, Taratata.
Le goût des mots désuets doit être pratiqué avec vigilance. Par exemple, on ne peut balayer les violences policières d'ailleurs ou d'ici d'un Taratata à la poudre de perlimpinpin.
En 1860, Taratata est une interjection qui désigne un bruit de clairon (et doit sans doute sa forme à une altération de ta, ta, ta). V’la qu’arrive le régiment. Taratata, taratata. L’expression s’imposait donc dans ce contexte fratricido-belliciste et esclavagiste de la Guerre de Sécession.
Et puis le chapeau de Scarlett n’étant pas pointu, turlututu aurait été déplacé.
Taratata est un mot fait pour les exercices oulipiens, lipogrammatiques de Perec. Autant en emporte les -e.
La preuve dans La Disparition de Georges Perec.
« – Vois : il n’y a aucun rayon illuminant dans la maison, tout parait obscur, tout paraît à l’abandon.
—Allons, dit Ottaviani rassurant son patron, ils sont tous à dormir, voilà pourquoi.
—Taratata, fit Swann, l’instant parait mal choisi pour dormir. Chacun savait qu’on arrivait, on aurait pu nous ouvrir. »
« il n’y a aucun rayon illuminant dans la maison, tout parait obscur »
Amusante, cette phrase chez Perec, quand on sait que la dernière réplique du film Autant en emporte le vent est :
« Après tout, demain le soleil luira encore ! »
Facétieux Perec.
Le titre Autant en emporte le vent vient d’un poème de Villon ("Autant en emporte ly vens.", Ballade en vieil françois). L’expression aurait été choisie pour titre par Jean Paulhan. Autant en emporte Paulhan.
A noter que Jubilee (1963) de Margaret Walker, romancière noire, est un autre Autant en emporte le vent : celui des noirs américains. A lire à coup sûr. C'est au Seuil.
Et puis « Vivien Leigh a les cheveux blancs » chantait Christophe. Et Olivia de Havilland ? https://blogs.mediapart.fr/lepistolero/blog/190420/vivien-leigh-les-cheveux-blancs-et-olivia-de-havilland