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Billet de blog 10 février 2022

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Un point sur la primaire populaire

On me demande de faire un point sur l'expérience de la primaire populaire. L'ambition de départ est digne d'intérêt et d'admiration : surmonter des divisions (en partie) artificielles entre partis politiques pour aller à l'essentiel et au plus urgent. On pourrait même la dire d'inspiration convivialiste. Où en sommes-nous maintenant après le vote ? Par Alain Caillé.

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(Je prolonge ici mon dernier billet)

On me demande de faire un point sur l'expérience de la primaire populaire, sur ce qu'il est possible d'en penser et d'en attendre.

Voici à peu près comment je vois les choses. L'ambition de départ est digne d'intérêt et d'admiration : surmonter des divisions (en partie) artificielles entre partis politiques pour aller à l'essentiel et au plus urgent. On pourrait même la dire d'inspiration convivialiste.

N'est-ce pas ce que nous faisons nous-mêmes, en effet, nous opposer sans nous massacrer, discuter sans nous insulter ou nous anathémiser, alors, pourtant, que nous représentons une diversité encore plus étendue que celle que le Primaire populaire ?

D'ailleurs, ce n'est pas par hasard que les premiers parrains et conseillers de la Primaire Populaire, qui restent aujourd'hui encore parmi les plus influents, soient des convivialistes : Claude Alphandéry, Dorothée Browayes, Dominique Méda, Marie-Monique Robin et Patrick Viveret.

Autre chose admirable, ce mouvement a été lancé et est animé par des jeunes gens, intelligents, actifs, sympathiques et bigrement efficaces. Avoir su récolter un million d'euros de prêts ou de dons, former 5000 bénévoles (jeunes), rémunérer quelques dizaines de salariés, pour, enfin, recueillir 450 000 soutiens et près de 400 000 votants, vraiment ce n'est pas rien. Chapeau !

Pour ma part, constatant cette efficacité et l'ampleur de la dynamique impulsée, je décidai il y a quelques mois de surmonter mon scepticisme et de m'y joindre.

On ne peut pas prôner une montée en puissance politique de la société civique et ne pas essayer d'y contribuer quand elle s'esquisse.

Où en sommes-nous maintenant après le vote qui a placé Christiane Taubira en tête ? Pour ma part, je le regrette. Si Jadot l'avait emporté (mais encore eût-il fallu qu'il se présentât...) le soutien et l'onction de la primaire populaire auraient pu lui donner la légitimité, la visibilité et la force de frappe qui lui font encore trop défaut. Or, il est le seul selon moi qui aurait pu avoir une chance d'arriver au second tour, et, qui sait...

Christiane Taubira aurait peut-être pu jouer une carte importante. Tenter un rassemblement effectif de la gauche en se présentant comme une candidate à la présidentielle n'aspirant pas à exercer le pouvoir, mais à le laisser au premier ministre, et à jouer un rôle de pacificatrice entre les divers tendances d'une éventuelle majorité de gauche.

Cette proposition a été défendue chez les convivialistes par Philippe Cibois. C'aurait été un rôle à contre-emploi pour Christiane Taubira, mais c'était un rôle potentiellement crédible. Est-il trop tard ? On peut le craindre, voyant que C. Taubira ne cherche nullement à unir la gauche et appelle seulement à se rassembler derrière elle (sans compter ses déclarations maladroites sur les successions ou sur le logement).

Il me semble donc que les animateurs de la primaire populaire vont devoir se rendre à l'évidence. Cette candidature est bien une candidature de plus, qui ne fait qu'ajouter à une division (et une cacophonie) dramatique.

Le plus important désormais est de ne pas laisser se dilapider l'impressionnant capital d'espérance, d'expérience, de bénévolence que la Primaire Populaire (PP) a su constituer. Et de continuer à donner espoir à toute la jeunesse qui a su se mobiliser.

Quels sont les possibles ? Certainement pas créer un nouveau parti qui viendrait s'ajouter aux partis existants. Mais peut-être une sorte de méta ou d'infra parti, ou encore une coopérative citoyenne politique, qui s'assignerait trois tâches :

  • 1. Devenir un canal d'expression politique de toutes les organisations ou réseaux de la société civique, par exemple en lien avec le Pacte du pouvoir de vivre (qui en réunit aujourd'hui 66).
  • 2. Labelliser les candidat (ou plutôt les candidatures unitaires) aux législatives, municipales, régionales, etc. qui s'inscrivent dans l'esprit d'une démarche humaniste, progressiste et écologique. 3. Se faire les soutiens actifs de quelques mesures phares ou basculantes, qui sembleraient à tous absolument impératives.

Ici, je détaille un peu. Le Pacte du pouvoir de vivre en a émis 90, mais est arrivé à la conclusion (juste) que c'était trop, qu'elles sont souvent trop vagues et que pour être visible il faut se concentrer sur un petit nombre d'entre elles, plus décisives, mieux précisées et plus « basculantes » que les autres. Le socle de la Primaire populaire en comporte dix. C'est plus raisonnable, mais si j'en partage l'esprit je les trouve trop vagues elles aussi.

Claude Alphandéry plaide depuis des mois au sein de la PP pour qu'elles soient approfondies. Pour ma part, suite aux discussions entre convivialistes, j'en défends quinze dans mon petit Si j'étais candidat...Pour une politique convivialiste (Le Pommier, 3,5 €). Il est temps maintenant que la travail d'approfondissement et de discussion commence.

On pourrait sans doute se mettre d'accord assez vite par exemple sur la nécessité d'organiser une ou deux conventions citoyennes par an avec pouvoir donné aux citoyens y ayant participé d'organiser de plein droit un référendum si ses conclusions n'étaient pas reprises par le gouvernement. Patrick Viveret défend cette mesure au sein de la PP. Il y aurait là moyen de mobiliser efficacement et utilement.

Pour conclure, je ne peux que vous livrer le fond de ma pensée. Si cette coopérative politique citoyenne se déclarait ou se réclamait du convivialisme, elle aurait, je crois, tout à y gagner. Ne représentant aucune organisation, n'étant qu'un mouvement totalement informel, nous ne pouvons être une menace pour personne. En revanche, notre soutien symbolique pourrait importer.

À nous tous nous avons bien dû avoir écrit un ou deux milliers de livres (et je ne compte pas les articles, tribunes, etc.). J'en déduis que, même si elle n'est pas très visible en tant que telle, nous avons une certaine audience. Autant qu'elle puisse servir à des jeunes gens dynamiques soucieux du bien commun de l'humanité.

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