Agrandissement : Illustration 1
Le bruit des mocassins
La “Manif pour tousˮ nʼa pas pu revenir sur le mariage gay, mais aujourdʼhui, elle a gagné des postes ministériels. Les membres du gouvernement Attal avaient déjà été décryptés dans Un premier ministre gay pour un gouvernement homophobe.
Parmi eux, il y a des hommes et des femmes politiques qui ont lutté contre le mariage gay et lesbien, qui ont voté contre la loi interdisant les thérapies de conversion et contre la PMA. Ce nʼest pas une anomalie que la proposition de loi sur la “transidentificationˮ des mineurs surgisse maintenant. C'est le résultat de groupes d'enquêtes parlementaires lancés par la droite et l’extrême-droite.
Les deux premiers articles de la proposition de loi visent à interdire et condamner toute prescription aux patient·es mineur·es des bloqueurs de puberté, traitements hormonaux et opérations d’affirmation de genre. Cela créerait un régime d’exception législative autour des transitions.
Comme le notait déjà Claire Vandendriessche, invitée au groupe de travail parlementaire sur la question : “Même lʼAcadémie Nationale de Médecine, pourtant peu considérée comme une alliée des luttes LGBT, [...] nʼa en rien recommandé lʼinterdiction des transitions médicales des mineursˮ.
Cette interdiction aura des effets dévastateurs sur la santé des jeunes, mais apparemment l’idéologie anti-trans semble privilégier ses dogmes. Pour preuve, jamais ces transphobes ne s’élèvent contre les mutilations intersexes au motif de la protection des enfants.
Le troisième article de loi prévoit également un renforcement de la pédopsychiatrie. Pourquoi ? Les transidentités ont pourtant été retirées de la classification des maladies mentales au niveau français et international. Cette loi est un loup déguisé en agneau. Elle se révèle comme une tentative de rétablir les thérapies de conversion et renforcer la psychiatrisation des transidentités.
En revenant sur les mineurs trans, les membres du gouvernement reconnaissent un statut d’expertise à des agitateurs qui ne sont que des confusionnistes aux thèses pseudo-scientifiques. Les recommandations de la PPL sont revendiquées par des organisations transphobes comme l’Observatoire de la Petite Sirène, qui est l’équivalent des Juristes pour l’enfance de la Manif pour tous. La sénatrice Jacqueline Eustache-Brinio, l’une des dépositaires de la PPL, a même invité les transphobes Marguerite Stern et Dora Moutot au Sénat. Les Républicains et d’autres groupes conservateurs se sont engagés dans la mise au placard des personnes trans à la méthode Trump : interdire les transitions et criminaliser les soignant·es.
Le bruit des bottes
Notre cas français n’est pas isolé. Au contraire, c'est un pays à rajouter à la liste. En même temps que le capitalisme détricote les acquis sociaux comme les retraites, il attaque les droits des LGBTI et les droits des femmes. Sans être exhaustif, lʼoffensive anti-trans accumule des victoires à lʼinternational :
- 2016 : multiplication des projets de loi interdisant les thérapies sur les mineurs et exclusion des personnes trans du sport suite à l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis.
- 2020 : la Hongrie interdit la modification du prénom et de la mention sexe à lʼétat civil.
- 2023 : la Russie interdit tout type de transition, tant médicale qu’administrative.
- 2024 : la NHS, système de la santé publique du Royaume-Uni, stoppe la prescription des bloqueurs de puberté pour les mineur·es. La même institution a approuvé les conclusions d'un rapport recommandant l’interdiction des transitions médicales aux personnes de moins de 25 ans.
Ce ne sont pas des coïncidences. Les réactionnaires sont à l’offensive, les trans sont leur cible. Aujourd’hui, cette nouvelle séquence de la transphobie se déploie dans un contexte international et dans un gouvernement propice à des victoires réactionnaires.
Ce n’est pas seulement une bataille idéologique, c’est un combat qui met en péril directement nos vies. Ces paniques morales ont des conséquences concrètes sur nos conditions d’existence quand elles se déplacent dans des lois incarnant l’homophobie et la transphobie d’Etat. Elles attaquent nos conditions de travail, nos retraites, nos papiers d’identité. Elles détruisent notre avenir en s’immisçant jusque dans notre quotidien : nos sexualités, nos enfants, nos pratiques sportives, nos hormones.
Pire encore, nous percevons déjà le terrorisme hétérosexuel. En 2017, la Tchétchénie massacre des gays dans des camps. En juin 2022, un bar gay est victime dʼune fusillade à Oslo. En septembre 2022, un fasciste tuait deux pédés dans un bar gay en Slovaquie. En novembre 2022, un autre a ouvert le feu dans un bar LGBTI tuant cinq personnes, le jour du TDoR, journée de commémoration des personnes trans assassinées.
En France, les tragédies se succèdent. Lʼabandon des personnes trans par le système de santé pendant la pandémie sʼest concrétisé par une vague de suicide et dʼassassinats. Une vague qui continue et qui touche particulièrement les jeunes LGBTI. Nous n’oublions pas Fouad, Dinah, Lucas et Batiste.
Dans ce contexte, les fascistes se régalent. Pour la seule année de 2023, un bar LGBTI a connu une interpellation et un harcèlement policier. Les drags queens sont intimidées. Le centre LGBTI de Tours est attaqué par une bombe artisanale. Tout ça dans une recrudescence d’attaques contre les Plannings familiaux, les syndicats étudiants, les centres de demandeur·euses d’asile et les mosquées. S’il n’y a pas de ligues fascistes officielles ou de partis de masse réactionnaires, la violence s’organise tout de même.
La montée des attaques anti-LGBTI et des organisations fascistes sont le miroir du rapprochement des parlementaires avec les confusionnistes anti-trans. En construisant une panique morale, la droite se fédère. La séquence du Mariage pour tous a permis l’union des droites tant rêvée des conservateurs et la résurrection d’organisations fascistes comme l’Action française. Notons d’ailleurs qu’un autre projet de loi pour interdire les transitions aux mineurs a été déposé au Sénat par le groupe RN. La droite et l’extrême droite se fédèrent déjà.
Lʼurgence dʼune victoire trans unitaire
Si l’heure est à l’offensive, la séquence qui s’annonce doit être celle de l’organisation de notre camp social contre la haine anti-trans. Il y a urgence à ne plus subir le déchainement de la Manif pour tous. L’immobilité des principales organisations ouvrières et même LGBTI ont réduit le mouvement LGBTI à des contre-manifestations et des actions isolées.
La nouvelle séquence de transphobie, ouverte par la loi sur les mineurs, annonce un futur trans interdit et criminalisé. Nous vivons un nouveau départ dans une période transphobe déjà préparée ces dernières années. Car si les questions LGBTI et féministes ont pu obtenir des avancées législatives, elles ont été des contre-coups pour les personnes trans. La PMA, la constitutionnalisation de l’IVG ont été votées en excluant les personnes trans. L’examen de la loi interdisant les thérapies de conversion a été un moment d’intense lobbying anti-trans.
Toutefois, nous pouvons noter plusieurs éléments qui seront des appuis pour les prochaines semaines. La ministre Aurore Bergé a assuré l’opposition du gouvernement à la PPL, alors qu’elle-même avait accueilli Marguerite Stern et Dora Moutot deux ans auparavan .
Nous saluons lʼinitiative de la députée Mélanie Vogel de la déposition dʼune proposition de loi facilitant le changement de sexe à lʼétat civil. Au-delà du jeu électoral, le syndicalisme sʼest engagé sur les questions trans au cours de l’année 2023. L’Existransinter comprenait un cortège syndical composé de Solidaires, la FSE et le STJV (Syndicat des travailleur·euses de jeux vidéos). La CGT et Solidaires se sont jointes à l’appel du TDoR (Trans Day of Remembrance, Jour du Souvenir Trans), et l’Organisation de Solidarité Trans a appelé à construire les syndicats.
Ce mouvement est bien sûr à amplifier. Il pourra l’être par un engagement décuplé, mais également avec l’intervention des organisations politiques. L’implication du mouvement ouvrier sur les questions trans est encore trop éparpillée et souffre d’un manque d’unité. Les prochaines échéances LGBTI seront à construire dans cet axe de lutte, mais pas que. Il est urgent de construire des moments politiques LGBTI hors du calendrier traditionnel. Car pour peser dans l’appareil législatif, il faudra construire la confrontation.
Serons-nous capables dʼarracher une victoire trans ? C’est un enjeu qui dépasse les questions trans. La réunion de nos forces militantes est essentielle contre la montée de l’extrême-droite. C'est pourquoi nous appelons à construire nationalement le 5 mai, comme première journée de rassemblement contre la transphobie, dans la continuité d'une proposition conjointe avec Du Pain et Des Roses et de l'AG parisienne du 24 mai.
En tant que trans-pédés-gouines, lʼantifascisme est une question de survie et cʼest pourquoi lʼurgence est à lʼorganisation. Resserrons les rangs. Impliquez vos organisations et syndicats. Rapprochez vous des groupes trans. Elisabeth Roudinesco, grande psychanalyste française, a dénoncé l'épidémie de transgenres. Nous prenons cela au sérieux. Faisons de nos organisations les outils de la lutte contre la haine anti-trans. Soyons un déferlement !
Agrandissement : Illustration 2